Les dispositions de l’article 150-0 D ter du CGI étant dérogatoires au régime général d’imposition des plus-values, elles sont d’interprétation stricte. C’est ce que précise le Conseil d’Etat dans un arrêt du 13 février 2020.
Les faits
Des époux, M. D et Mme C, cèdent en 2010 des titres d’une société. M. C se prévaut du bénéfice de l’abattement pour départ à la retraite de l’article 150-0 D ter du CGI. Depuis plus de 5 ans, M. D détenait 15% du capital et Mme C plus de 10%. Ils se sont mariés en 2008, étant auparavant concubins notoires.
L’administration remet en cause le bénéfice de l’abattement, ce qui est confirmé par les juges du fond, au motif que, à la date de la cession, le mariage datant de moins de cinq ans, M. D ne pouvait se prévaloir de la détention des parts de son épouse et que, par voie de conséquence, il ne pouvait être regardé comme ayant détenu au moins 25 % des droits dans la société pendant les cinq années ayant précédé la cession.
M. D se pourvoit en cassation.
Rappels
L’article 150-0 D ter du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable prévoyait : » I. – L’abattement prévu à l’article 150-0 D bis s’applique (…) aux gains nets réalisés lors de la cession à titre onéreux (…), si les conditions suivantes sont remplies : (…) / 2° Le cédant doit : (…) / b) Avoir détenu directement ou par personne interposée ou par l’intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et soeurs, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession, au moins 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société dont les titres ou droits sont cédés ; (…) « .
Le cédant devait donc, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession, avoir détenu au moins 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société dont les titres ou droits sont cédés :
- soit directement ;
- soit indirectement par l’intermédiaire d’une personne interposée ;
- soit par l’intermédiaire de son groupe familial.
Lors de sa publication en 2012, le BOFIP (BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-40-20120912)
prévoyait des assouplissements au principe selon lequel seul le cédant qui en remplit les conditions peut bénéficier des dispositions de l’article 150-0 D ter du CGI :
- cas des cessions de titres d’une société réalisées conjointement par les membres du groupe familial : extension, sous conditions, du bénéfice des abattements aux membres du groupe familial alors même qu’ils n’ont exercé aucune fonction de direction ;
- cas particulier des cessions de titres d’une société réalisées conjointement par plusieurs co-fondateurs : prise en compte de la participation des co-fondateurs pour la condition de seuil de 25% non remplie par le dirigeant cédant qui part à la retraite et extension du bénéfice des abattements auxdits co-fondateurs, sous conditions.
Compte tenu des mesures de tempérament qui avaient été admises, il était tentant d’invoquer la souplesse : au moment de la cession, les époux détenaient ensemble plus de 25% des titres, et ce de manière contenue depuis plus de 5 ans chacun en ce qui le concernait. De plus, avant leur mariage ils étaient concubins notoires.
La décision
Dans un arrêt du 13 février 2020 (N° 425825), le Conseil d’Etat rejette le pourvoi :
Aux termes de l’article 150-0 D ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l’année d’imposition en litige : » I. – L’abattement prévu à l’article 150-0 D bis s’applique (…) aux gains nets réalisés lors de la cession à titre onéreux d’actions, de parts ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts, acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2006, si les conditions suivantes sont remplies : (…) / 2° Le cédant doit : (…) / b) Avoir détenu directement ou par personne interposée ou par l’intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et soeurs, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession, au moins 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société dont les titres ou droits sont cédés ; (…) « . Il résulte de ces dispositions qui, compte tenu de leur caractère dérogatoire, doivent être interprétées strictement, que les titres détenus par le concubin notoire ne sont pas pris en compte pour l’appréciation de la condition prévue au b) du 2° du I de l’article 150-0 D ter du code général des impôts.
Ce n’est pas parce que l’administration interprète une disposition légale de manière bienveillante que le contribuable peut le faire aussi.
Cette solution reste d’actualité, l’article 150 0 D ter, même s’il a été largement modifié depuis, existant toujours et ce sans extension à ce jour de la notion de « groupe familial » au concubin notoire.