La désignation par testament du bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie, doit-elle, pour être modifiée, obéir aux règles propres à la modification d’un testament ?
C’est la question que vient de trancher la Cour de cassation.
La problématique
Article L 132-8 du Code des assurances :
« … En l’absence de désignation d’un bénéficiaire dans la police ou à défaut d’acceptation par le bénéficiaire, le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre. Cette désignation ou cette substitution ne peut être opérée, à peine de nullité, qu’avec l’accord de l’assuré, lorsque celui-ci n’est pas le contractant. Cette désignation ou cette substitution peut être réalisée soit par voie d’avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l’article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire … »
Le bénéficiaire peut être désigné par testament sauf si le souscripteur et l’assuré ne sont pas la même personne. Dans ce cas, la clause bénéficiaire doit être signée par le souscripteur et l’assuré, ce qui rend l’utilisation du testament impossible. En effet, le testament ne peut contenir que les volontés personnelles du testateur. L’intervention de tiers à l’occasion de la rédaction d’un testament est parfois prévue, mais dans un rôle strictement défini et qui ne peut être détourné.
Lorsque le testament est choisi comme support, cela restreint-il les modalités de modification de la clause bénéficiaire ?
L’article 1035 du Code civil exige des conditions de forme :
« Les testaments ne pourront être révoqués, en tout ou en partie, que par un testament postérieur ou par un acte devant notaires portant déclaration du changement de volonté. »
Dès lors, quelle est la règle qui prévaut en cas de modification de la clause bénéficiaire établie par testament ? La règle générale du Code civil relative aux révocations de testaments ou la règle spéciale du Code des assurances ?
C’est la question que vient de trancher la Cour de cassation.
La décision
Civ. 1 n°318 du 3 avril 2019
Le souscripteur assuré d’un contrat d’assurance-vie avait désigné ses bénéficiaires par testament authentique, puis modifié ces dispositions par avenants postérieurs.
A son décès, la compagnie verse les capitaux aux derniers bénéficiaires en date.
L’un des bénéficiaires d’origine réclame la part qui lui revenait aux termes du testament authentique aux motifs :
- Que la révocation totale ou partielle d’un testament ne peut résulter que d’un testament postérieur … et non pas d’un avenant au contrat.
- Que la modification par avenant résulte de dispositions spéciales au Droit des assurances, et que des règles spéciales ne peuvent déroger à des règles générales que lorsqu’elles sont de même nature, ce qui ne serait pas le cas, l’article L 132-8 du code des assurances régissant les rapports entre assureur et bénéficiaire alors que l’article 1035 du code civil concerne les rapports entre testateur et héritiers.
La Cour de cassation répond le plus simplement du monde : la désignation initiale du bénéficiaire a valablement été modifiée par les avenants qui ont suivi, conformément au Code des assurances. Aucune condition de parallélisme des formes n’est exigée entre la voie choisie pour la désignation initiale et celle retenue pour la modification.
S’agissant d’avenants au contrat d’assurance vie et non au testament, ce dernier n’est pas révoqué. Seules ses dispositions relatives à la désignation du bénéficiaire perdent leur effet. S’il renfermait d’autres dispositions, celles-ci sont restées valides.
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