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DEMEMBREMENT ET BAIL COMMERCIAL : QUI DOIT L’INDEMNITE D’EVICTION ?

Le locataire d’un bail commercial se voit notifier un refus de renouvellement.

Qui est redevable de l’indemnité d’éviction qui lui est due : l’usufruitier ou le nu-propriétaire ?

La Cour de cassation se prononce.

Rappels préalables

L’article 595 du Code civil dispose, dans la section relative aux droits de l’usufruitier :

« …

Les baux que l’usufruitier seul a faits pour un temps qui excède neuf ans ne sont, en cas de cessation de l’usufruit, obligatoires à l’égard du nu-propriétaire que pour le temps qui reste à courir, soit de la première période de neuf ans, si les parties s’y trouvent encore, soit de la seconde, et ainsi de suite de manière que le preneur n’ait que le droit d’achever la jouissance de la période de neuf ans où il se trouve.

Les baux de neuf ans ou au-dessous que l’usufruitier seul a passés ou renouvelés plus de trois ans avant l’expiration du bail courant s’il s’agit de biens ruraux, et plus de deux ans avant la même époque s’il s’agit de maisons, sont sans effet, à moins que leur exécution n’ait commencé avant la cessation de l’usufruit.

L’usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal. A défaut d’accord du nu-propriétaire, l’usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte. »

L’usufruit étant le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, mais à la charge d’en conserver la substance, la jurisprudence a dégagé les applications suivantes en matière de baux commerciaux :

  • L’usufruitier ne peut consentir un bail commercial sans l’accord du nu-propriétaire. Cette disposition résulte de l’alinéa 4 de l’article 595 du Code civil, lui-même créé par la Loi du 13 juillet 1965, elle-même inspirée de la Cass. 1re civ., 10 juill. 1963 : JCP G 1964, II, 13592.
  • L’accord du nu-propriétaire n’est requis que si le bail est soumis à la réglementation des baux commerciaux. A défaut, les alinéas précédents de l’article 595 continuent de s’appliquer. Si par-contre, le bail risque à son terme de tomber sur le coup de la réglementation des baux commerciaux, comme c’est le cas d’un bail dérogatoire dont le preneur est laissé en place au terme, l’autorisation du nu-propriétaire est requise.
  • La nullité pour cause de conclusion d’un bail commercial sans autorisation du nu-propriétaire est une nullité relative bénéficiant exclusivement à ce-dernier, à moins que l’usufruitier se soit comporté comme un propriétaire, auquel cas le preneur ne peut se voir opposer la nullité de son bail, à moins que des recherches élémentaires n’eurent permis de découvrir la réalité. Même chose si le nu-propriétaire a été informé de la conclusion du bail et ne s’y est pas opposé.
  • Un refus injustifié du nu-propriétaire peut fonder une autorisation judiciaire à la conclusion du bail. Le nu-propriétaire ne peut en effet refuser de revenus locatifs à l’usufruitier que pour des raisons légitimes : garanties insuffisantes, bail préjudiciable au propriétaire, …
  • En cas d’annulation d’un bail commercial conclu sans autorisation du nu-propriétaire, c’est double peine pour l’usufruitier qui devra indemniser le preneur de son préjudice, l’action en nullité n’étant pas ouverte à ce dernier mais étant strictement personnelle au nu-propriétaire.

La décision

Le cas qui nous intéresse ici est dans le droit fil des principes ci-dessus.

La mère et la fille, respectivement usufruitière et nu-propriétaire d’un local commercial, notifient à leur locataire un refus de renouvellement sans indemnité.

Celui-ci saisit la juridiction compétente et obtient la confirmation que le congé n’avait aucun motif grave et légitime. Une indemnité d’éviction lui est donc due.

La Cour d’appel de Toulouse condamne in solidum usufruitière et nu-propriétaire au paiement de l’indemnité, au motif que le refus de renouvellement excédait les prérogatives de la seule usufruitière.

Par un arrêt du 19 décembre 2019, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel aux motifs que :

  • Si l’usufruitier ne peut consentir un bail commercial ou le renouveler sans le concours du nu-propriétaire en raison du droit au renouvellement du bail dont  bénéficie le preneur même après l’extinction de l’usufruit, en revanche, l’usufruitier a le pouvoir de mettre fin au bail commercial, et par suite, de notifier au preneur, sans le concours du nu-propriétaire, un congé avec refus de renouvellement;
  • qu’ayant seul la qualité de bailleur dont il assume toutes les obligations à l’égard du preneur, l’indemnité d’éviction due en application de l’article L 145-14 du Code de commerce, qui a pour objet de compenser le préjudice causé au preneur par le défaut de renouvellement du bail, est à sa charge.

Portée de la décision

  • L’usufruitier a seul la qualité de bailleur. Il en assume toutes les obligations à l’égard du preneur, comme notamment le paiement d’une indemnité d’éviction lorsque le refus de renouvellement n’est pas fondé par un motif grave et légitime.
  • L’autorisation du nu-propriétaire n’est requise que lorsque les actes de l’usufruitier peuvent avoir pour des implications au-delà de la durée dudit usufruit telles que conférer au preneur un droit à renouvellement, accepter une baisse du loyer, ….

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