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LES POUVOIRS DU GERANT DE SOCIETE CIVILE : QUESTION COMPLEXE

Dans un arrêt du 16 janvier 2020 (N° 18-21394), la Cour de cassation vient rappeler les pouvoirs de chaque gérant en cas de co-gérance.  La question est plus complexe qu’elle ne paraît. Nous vous proposons une synthèse.

La décision

Deux époux sont associés à 50/50 et co-gérants d’une SCI propriétaire de plusieurs biens immobiliers. Ils consentent à leurs enfants une donation de titres en nue-propriété, puis divorcent, Madame continuant à occuper un des biens de la SCI.

Monsieur, en sa qualité de co-gérant de la société, exerce une action judiciaire pour faire fixer une indemnité d’occupation à la charge de Madame.

La Cour d’appel de POITIERS rejette sa demande au motif qu’un co-gérant n’a pas le pouvoir d’agir à ce titre contre un autre co-gérant, l’opération ne pouvant ressortir que de la compétence de l’AG.

La Cour de cassation casse l’arrêt : « En se déterminant ainsi, sans constater que les statuts faisaient obstacle à la décision du co-gérant d’engager une procédure en paiement d’une indemnité d’occupation ou que le co-gérant s’était opposé à cette décision conformément aux dispositions de l’article 1848, alinéa 2, du code civil, alors qu’il résulte du premier alinéa de ce texte que, dans les rapports entre associés, le gérant peut accomplir tous les actes de gestion que demande l’intérêt de la société, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »

En cas de désaccord entre co-gérants, toute opération ne relève pas d’office de la compétence de l’assemblée générale.

En présence de co-gérants, l’un peut agir seul au nom de la société si c’est dans l’intérêt de cette dernière, y compris si c’est à l’encontre du co-gérant, dès lors :

  • Qu’il n’y a pas de limitation statutaire,
  • Et qu’il n’y a pas eu d’opposition préalable du co-gérant.

Synthèse

Les pouvoirs du gérant de société civile, qu’il soit seul ou pas, sont régis par les articles 1846 à 1851 du Code civil.

Rappelons avant toutes choses que depuis la réforme de 1978, toute société civile, si elle peut avoir autant de gérants qu’elle le souhaite, doit en avoir au minimum un.

Si elle vient à en être dépourvue plus d’un an, tout intéressé peut demander la dissolution de la société art 1846-1 C. civ. C’est pourquoi deux possibilités permettent de gérer une telle crise (article 1846 C. civ) :

  • Tout associé peut demander au Président du TGI de nommer un mandataire qui aura tous pouvoirs pour convoquer une AG de nomination d’un nouveau gérant
  • Et depuis la Loi n°2019-744 du 19 juillet 2019, tout associé a compétence pour convoquer lui-même une telle AG.

Les pouvoirs du gérant de société civile sont synthétisés ci-dessous :

Pouvoirs du gérant à l’égard des associés
En l’absence d’une clause statutaire limitant ses pouvoirsEn présence d’une clause statutaire limitant ses pouvoirs
Le gérant peut accomplir tous les actes de gestion dès lors :
* qu’ils entrent dans l’objet social,
* et qu’ils sont conforme à l’intérêt social
Le gérant peut accomplir les actes expressément autorisés / non expressément interdits dans les statuts
Il faut en outre que ces actes :
* entrent dans l’objet social,
* et qu’ils soient conformes à l’intérêt social
Les décisions qui excèdent les pouvoirs du gérant sont prises selon les dispositions statutaires, ou en l’absence de telles dispositions, à l’unanimité des associés
Si le gérant viole une clause restreignant ses pouvoirs : les associés peuvent demander réparation du préjudice au gérant, et le révoquer pour justes motifs, sans indemnité
Pouvoirs du gérant à l’égard des tiers
L’acte entre dans l’objet socialL’acte n’entre pas dans l’objet social
La société est engagée par l’acte accompli par le gérantEn principe, l’acte ne peut pas être accompli sans modification statutaire préalable
Il est toutefois possible d’engager la société à condition :
* qu’elle ait ratifié l’acte ayant excédé l’objet social,
* ou que l’acte ait été autorisé par l’unanimité des associés (+ qu’il ne soit pas contraire à l’intérêt de la société en matière de sûretés)
A défaut, la société peut demander la nullité de l’acte (nullité relative ne pouvant être invoquée par le tiers contractant)
Les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants sont inopposables aux tiers

Lorsque les gérants sont au moins deux, il y a lieu de distinguer deux hypothèses :

  • Soit les statuts ne disent rien, c’est alors le principe de la gestion concurrente qui s’applique : les gérants exercent alors leurs pouvoirs séparément sauf le droit pour chacun de s’opposer au préalable à toute opération que l’autre envisage. Cette opposition n’aura aucun effet à l’égard des tiers à moins qu’ils n’en aient eu connaissance. Cette situation présente l’avantage de permettre à chaque gérant de réaliser toutes opérations dans les conditions rappelées dans le tableau ci-dessus en cas d’absence ou d’incapacité de l’autre gérant. Elle présente une limite : en cas de mésentente, c’est ingérable.
  • Soit les statuts dérogent au principe de gestion concurrente : la liberté statutaire est de mise : les statuts peuvent prévoir une gestion conjointe, c’est-à-dire que les co-gérants ne peuvent exercer leurs pouvoirs qu’à condition d’être d’accord. Ils peuvent également prévoir une gestion par compétence, chacun se voyant attribué un domaine propre. Ils peuvent encore prévoir une gestion collégiale, les co-gérants étant regroupés au sein d’un comité qui prendra ses décisions selon des règles de majorité pré définies. Attention que les clauses statutaires dérogeant au principe de la gestion concurrente des co-gérants sont inopposables aux tiers. 

En pratique

En pratique, une question récurrente se pose : le gérant d’une société civile a-t-il pouvoir pour décider de la vente d’un bien immobilier ?

Cela dépend de la rédaction de l’objet social. Mais même à rédactions quasi-identiques, l’interprétation souveraine des juges du fond est aléatoire.

Ne pas le prévoir dans l’objet mais le prévoir expressément au titre des actes que le gérant peut réaliser seul semble être admis par la jurisprudence (Cass. 3e civ., 12 févr. 2013, n° 11-20570).

Mais reste le problème, vis-à-vis des associés, de la conformité à l’intérêt social.

En pratique, il semble opportun de faire valider au préalable par les associés la vente de bien immobilier appartenant à une société civile.

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