Le propriétaire d’une villa meublée consent un bail commercial au gestionnaire de la résidence.
La soumission conventionnelle du bail au statut des baux commerciaux empêche-t-elle le propriétaire de refuser une indemnité d’éviction pour défaut d’immatriculation au RCS à l’adresse du bien loué ?
La Cour de cassation tranche.
Rappels préalables
Le statut des baux commerciaux est réservé aux exploitants d’un fonds de commerce immatriculés au RCS. L’immatriculation ne conditionne pas la validité du bail mais conditionne la propriété commerciale.
La sanction du défaut d’immatriculation n’est donc pas la nullité du bail mais l’absence de droit au renouvellement, et donc du droit à indemnité d’éviction en cas de non-renouvellement.
L’immatriculation doit être effective c’est-à-dire qu’il ne suffit pas de justifier de la demande auprès du service compétent.
L’immatriculation doit être régulière c’est-à-dire qu’elle doit correspondre à l’adresse de l’activité, sans pour autant avoir à indiquer l’adresse précise du bâtiment lorsque l’adresse du parc d’activité est mentionnée (CA Paris Pôle 5, 3ème chambre 2 fév 2011 n°09/14890).
Lorsque le bail mentionne expressément une soumission volontaire au statut des baux commerciaux, le locataire n’en est toutefois pas dispensé d’être immatriculé au RCS.
Toutefois, le propriétaire est en droit de renoncer dès le bail à lui refuser le renouvellement à ce titre (Cass. Civ. 3, 20 juin 1991). Cette renonciation peut être expresse ou tacite, comme ce fut le cas d’un propriétaire qui mentionnait dans ses congés « locaux commerciaux », qu’il était tenu de respecter un préavis de 6 mois conformément à la Loi sur les baux commerciaux (Cass. Civ. 3, 19 avr 2000).
La décision
En l’espèce, M X et Mme Y s’étaient portés acquéreurs d’une villa meublée avec terrain, terrasse et piscine, au sein d’un ensemble immobilier composé d’autres locaux similaires.
En 2008, ils avaient consenti un bail commercial à la société Open Sud Gestion, laquelle sous-louait lesdits locaux meublés et mettait à disposition de la clientèle des prestations para-hôtelières.
Le bail mentionnait l’intention expresse des parties de « soumettre la présente convention au statut des baux commerciaux, tel qu’il résulte des articles L 145-1 du code de commerce et des textes subséquents, et ce même si toutes les conditions d’application de ce statut ne sont pas remplies ou ne le sont que pour partie, en sorte qu’il y aura éventuellement extension conventionnelle du champ d’application de ce statut ».
Le propriétaire souhaitant mettre un terme au bail, il assigne le locataire en validation de son congé et en expulsion, le tout sans indemnité d’éviction au motif que le défaut d’immatriculation à l’adresse exacte du bien loué lui avait fait perdre le bénéfice du statut des baux commerciaux.
Le 7 février 2019, la Cour d’appel de Pau donne raison au propriétaire au motif que la simple mention par le bail du souhait de se soumettre au statut des baux commerciaux ne suffisait pas à caractériser de façon non équivoque l’accord du bailleur pour dispenser le preneur de s’immatriculer.
Par une décision du 28 mai 2020 n°19-15.001, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation infirme au motif que les mentions du bail étaient suffisamment claires et précises pour justifier de la volonté du bailleur de renoncer à se prévaloir de la condition d’immatriculation.
Appréciation
Cette décision nous semble conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation, d’autant plus que le locataire était immatriculé, certes pas à l’adresse précise du bien loué, mais à l’adresse de l’ensemble immobilier.
Dans des décisions précédentes (1er juil 2003, 9 fév 2005), la 3ème chambre civile a déjà eu l’occasion de considérer qu’en cas de soumission volontaire au statut, l’immatriculation du preneur au RCS n’est pas une condition impérative de son droit au renouvellement.
Il nous semble donc que les professionnels ne peuvent qu’approuver cette position, protectrice de leur responsabilité de rédacteurs de baux commerciaux.