Adopter le régime de participation aux acquêts plutôt que la séparation de biens, oui, mais à condition d’exclure les biens professionnels du calcul de la créance de participation.
Ce raisonnement ne tient plus depuis une décision de la Cour de cassation du 18 décembre 2019.
Dès lors, comment les professionnels doivent-ils adapter leur pratique ?
Rappel de la problématique
La réforme du divorce telle qu’elle résulte de la Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 entrée en vigueur le 1er janvier 2005 avait notamment pour objectif de neutraliser toute implication financière aux torts de l’un et/ou de l’autre époux.
Dans cette optique, l’article 265 du Code civil a été modifié pour prévoir désormais que « le divorce est sans incidence sur les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage et sur les donations de biens présents quelle que soit leur forme.
Le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et des dispositions à cause de mort, accordés par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l’union, sauf volonté contraire de l’époux qui les a consentis. Cette volonté est constatée par le juge au moment du prononcé du divorce et rend irrévocables l’avantage ou la disposition maintenus. »
La question s’est rapidement posée, à l’époque, de la validité, en cas de divorce, de la clause d’exclusion des biens professionnels fréquemment insérée au sein des contrats de mariage de participation aux acquêts.
Une telle clause est-elle un avantage matrimonial, qui auquel cas, serait nul en cas de divorce ? Or, c’est bien dans ce contexte précis qu’on attend d’elle qu’elle soit non seulement valable mais efficace.
Cette situation a conduit nombre de professionnels à mettre en garde leurs clients, voire à insérer au sein des contrats de mariage une dérogation conventionnelle à la révocation automatique de certains avantages matrimoniaux. Cette possibilité a été validée par la ministre de la justice en son temps (RM n° 18632 : JOAN 26 mai 2009, p. 5148, S. Huyghe) mais pas encore par la jurisprudence.
La clause d’exclusion est un avantage matrimonial
Toute la question repose sur la qualification de la clause d’exclusion des biens professionnels pour le calcul de la créance de participation : est-elle un avantage matrimonial ou pas ?
La doctrine semble l’admettre indirectement, en qualifiant d’avantage matrimonial, au sens large, tout gain conféré à un époux, en sa qualité de copartageant, par rapport à son conjoint, par le seul fonctionnement du régime matrimonial, au jour de sa liquidation.
Par une décision du 18 décembre 2019, la Cour de cassation confirme :
- Que la clause d’exclusion des biens professionnels dans le calcul de la créance de participation est un avantage matrimonial,
- Et que par conséquent, elle est révoquée en cas de divorce, sauf consentement du conjoint à son maintien, au moment du divorce.
Cour de cassation, 1re chambre civile, 18 Décembre 2019 – n° 18-26.337.
Les craintes que la réforme du divorce avaient fait naître en
2004 étaient donc fondées : la clause d’exclusion ne protège pas le
conjoint professionnel marié en participation aux acquêts.
Que faire en pratique ?
Il semble indispensable que les conseils alertent les clients concernés. Mais que leur proposer ?
1- solution radicale : changer de régime matrimonial. Il pourrait leur être proposé d’adopter le régime de la séparation de biens avec adjonction d’une société d’acquêts. Problème : le coût que représente la liquidation du régime de participation aux acquêts et les apports à une société d’acquêts et la constatation d’une créance de participation.
2- solution incertaine : aménager le régime matrimonial pour intégrer, si cela n’a pas été fait lors du contrat initial, une clause stipulant expressément que les époux souhaitent maintenir en cas de divorce les avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du régime matrimonial.
Cette solution résultant d’une réponse ministérielle (visée ci-dessus), sa portée est incertaine. D’ailleurs, le 106e Congrès des notaires de France (2010) a déjà souligné la nécessité d’aménager l’article 265 du code civil, demande appuyée par la Fédération nationale droit du patrimoine en 2019.
A noter qu’un député a récemment demandé si la réforme de la justice pourrait être l’occasion de procéder à l’aménagement permettant dès le contrat de mariage de rendre irrévocable un avantage matrimonial.
Réponse du Ministère de la Justice et des Libertés (RM DELPON, n° 12382, JOAN du 1er janvier 2019) : « Cette question fait référence à une précédente réponse faite par le ministère de la justice en mai 2009. Cette position permet effectivement d’organiser une meilleure prévisibilité pour les époux au moment du choix de leur régime matrimonial et présente des avantages significatifs. La matière des régimes matrimoniaux est complexe. Le Gouvernement reste très attentif aux demandes qui sont faites pour simplifier ou clarifier le droit des régimes matrimoniaux. Des travaux d’experts sont actuellement en cours sur ces questions. Le projet de loi de programmation et de réforme pour la justice ne porte pas, dans son volet civil, sur le fond du droit en matière familiale. Ce n’est donc pas le vecteur approprié. »
Il ne reste plus qu’à espérer une intervention rapide du législateur.