L’administration intègre le nouvel abus de droit fiscal au BOFIP et le commente.
Le résultat est décevant ?
Rappels
2014 : le Conseil constitutionnel rejette la substitution du but principalement fiscal au but exclusivement fiscal au sein de la notion d’abus de droit.
2016 : la directive européenne « ATAD » préconise l’introduction d’une clause anti-abus minimale en matière d’impôt sur les sociétés.
2018 : la Loi de finances pour 2019 :
– intègre une clause anti-abus propre à l’IS,
– et étend la clause anti-abus IS à l’ensemble des autres impôts en créant l’article L 64 A du LPF.
2020 : un an plus tard, l’administration commente le nouveau dispositif.
Soyons justes, pour une fois, les commentaires sont presque à l’heure. En effet, sont concernés les actes passés à compter du 1er janvier 2020 donnant lieu à rectifications post 1er janvier 2021.
Ce que dit le BOFIP : rien
Nous avions commenté à chaud le nouveau dispositif à l’époque :
https://www.resodinfo.fr/actualites/faut-il-avoir-peur-du-nouvel-abus-de-droit/
Pour être tout à fait honnêtes, les commentaires du BOFIP n’apportent rien.
Ils se composent d’évidences, de platitudes, et à certains passages de confusions :
« La démonstration d’un abus de droit, qu’elle vise à sanctionner des actes à but exclusivement ou principalement fiscal, nécessite la réunion de deux éléments :
– un élément objectif : l’utilisation d’un texte à l’encontre des intentions de son auteur ;
– un élément subjectif, c’est-à-dire, pour les actes visés par l’article L. 64 A du LPF, la volonté principale d’éluder l’impôt. »
…
« Les transmissions anticipées de patrimoine, y compris lorsque le donateur se réserve l’usufruit du bien transmis, ne sont pas en elles-mêmes concernées par la procédure d’abus de droit prévue à l’article L. 64 A du LPF, sous réserve que les transmissions concernées ne soient pas fictives. En effet, le législateur a entendu favoriser ce type de transmissions (RM Procaccia n° 09965, JO Sénat du 13 juin 2019, p. 3070). »
Surprenant, vu qu’au paragraphe qui suit, il est rappelé que la notion de fictivité est exclusive à l’abus de droit « ancien ».
Ce que ne dit pas le BOFIP : tout
Ce que les professionnels espéraient, c’était un mode d’emploi : comment doit-on concrètement apprécier si le motif de l’opération critiquée est principalement fiscal ?
Sur ce sujet, les commentaires sont plats. Après quelques généralités du genre :
« La notion de motif principal est, en tant que telle, plus large que la notion de but exclusivement fiscal au sens de l’article L. 64 du LPF. »
… le BOFIP se contente de rappeler que le nouvel article L 64 A LPF n’est que l’extension du dispositif anti-abus concernant l’IS à l’ensemble de la fiscalité. Les commentaires y afférents sont donc transposables.
https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/11864-PGP.html
Le souci, c’est que les commentaires de la base IS ne sont pas plus généreux. Pour exemple :
« L’analyse du caractère valable du motif économique résulte d’une appréciation au cas par cas, au regard tant des objectifs que des effets du montage considéré. »
Notre conclusion
Retenons les points positifs :
– L’administration n’a pas profité de l’occasion pour ajouter des contraintes aux contraintes.
– En filigrane, l’esprit du BOFIP est quand même de renvoyer aux notions dégagées par la jurisprudence de la CJUE. On retrouve notamment des notions telles que : motifs commerciaux valables, montage non authentique, …
– Au final, quand-bien même les contentieux déraperaient comme cela s’est déjà produit notamment en matière de holding animatrices, il est probable que le retour de balancier se produira à terme par la réaction de la jurisprudence.