Comment sortir un associé du capital d’une holding familiale sans payer l’impôt sur les plus-values en report ?
Un bon exemple vaut mieux qu’un long discours :
Gérard et Josiane sont mariés sous le régime légal actuel. Gérard a créé au cours du mariage une société de distribution de matériels et outillages pour le bâtiment. Ils ont deux enfants :
- Pascale, médecin.
- Jacques, qui travaille dans l’entreprise avec son père.
En 2000, Gérard et Josiane décident de donner la pleine propriété de 100% des titres de la société à leurs enfants pour une valeur totale de 4.000.000 €. L’activité est tellement prospère qu’ils attribuent 50% des titres à chaque enfant, ne souhaitant pas avantager Jacques au détriment de sa soeur.
En 2015, Jacques et Pascale apportent leurs titres à une holding familiale, pour une valorisation totale de 6.000.000 €. Leurs plus-values respectives sont placées en report d’imposition art 150-0 B ter CGI.
Jacques, qui continue de développer l’activité, aimerait que sa soeur sorte du capital, ce que cette-dernière accepte. La valorisation de la société ressort aujourd’hui à 8.000.000 €.
Leur conseil leur propose d’annuler les titres de Pascale par réduction de capital. Est-ce la meilleure option ?
Situation en cas de réduction de capital ou cession de titres
Jacques | Pascale | |
Donation de titres 2000 | 2M€ | 2M€ |
Apport à la holding 2015 | 3M€ | 3M€ |
Sortie de Pascale 2018 | 4M€ | 4M€ |
Plus-value en report d’imposition | 1M€ | 1M€ |
Plus-value latente depuis l’apport | 1M€ | 1M€ |
Une annulation des titres de Pascale par réduction de capital ou une cession de ses titres entraînera l’exigibilité de l’impôt à la fois sur la plus-value en report et sur la plus-value postérieure à l’apport :
2M€ x 34% = 680.000 € (30% de PFU + 4% de CEHR).
Situation en cas de réincorporation-réattribution par donation-partage
Une nouvelle donation-partage ne comprenant que la réincorporation par chaque enfant de ce qu’il a reçu en 2000 pour réattribuer l’intégralité des titres à Jacques à charge de soulte est possible.
Le droit de partage sera exigible : 8M€ x 2,5% = 200.000 €.
Quel effet sur la plus-value en report ?
Ce cas, tiré d’un dossier traité, s’est soldé par un rescrit favorable au contribuable. L’administration a répondu :
- Concernant Pascale : elle perd ses titres en contrepartie d’une soulte. Ca n’est pas un transfert à titre onéreux mais une réincorporation et réattribution dans le contexte de l’intention libérale des parents. L’article 150-0 A du CGI ne prévoit la taxation de plus-value qu’en cas de cession à titre onéreux, donc pas de taxation ici.
- Concernant Jacques : les titres reçus en 2000 ne sont pas affectés. Les titres reçus lors de la donation-partage de 2018 viendront en subrogation des anciens, donc sans conséquence immédiate. Si Jacques venait à céder ses titres par la suite, le prix d’acquisition pour le calcul de la plus-value sera la base des droits de mutation à titre gratuit de 2000 (pour 100% des titres). La réincorporation n’est donc pas prise en compte car ne relève pas des droits de mutation à titre onéreux mais du droit de partage. Si Jacques apporte ses titres à une super holding, il y aura « report sur le report » tant sur ses titres que ceux de sa soeur, donc pas de taxation. Jacques peut donc financer la soulte via une super holding sans coût fiscal au titre des plus-values. Par-contre, évidemment, en cas de cession par Jacques des titres de sa super holding ou de réduction de capital, les plus-values en report deviendront exigibles, y compris celles qui correspondent aux titres initialement attribués à sa soeur.
Pascale échangera ses titres de la holding familiale contre de l’argent, avec une économie à la clef de 480.000 €. Il serait donc légitime d’en tenir compte dans la valorisation, car Jacques récupèrera à sa charge son imposition latente de plus-value.