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TVA SUR MARGE : UN FEUILLETON QUI N’EN FINIT PAS !

Le marchand de biens qui achète du bâti, démolit, et revend inachevé, peut-il opter pour la TVA sur la marge ? Le Conseil d’Etat refuse de transmettre une QPC. Mais l’histoire est-elle terminée ?

Rappels

Lorsque le vendeur d’un terrain à bâtir (au sens de la TVA) est un assujetti à la TVA et qu’il agit en tant que tel, la vente est imposable de plein droit à la TVA :

  • sur le prix total si l’achat a ouvert droit à déduction,
  • sur la marge si l’achat n’a pas ouvert droit à déduction ET sous réserve que le bien vendu soit identique au bien acquis sur un plan juridique.

L’administration impose en effet une condition d’identité « juridique » entre le bien cédé et le bien acquis :

  • Si le bien cédé est un terrain à bâtir, il doit avoir été acquis comme « terrain n’ayant pas le caractère d’immeuble bâti », (opération imposable de plein droit)
  • Si le bien cédé est un immeuble achevé depuis plus de 5 ans, il doit avoir été acquis en l’état d’immeuble déjà bâti (opération imposable sur option).

En outre, il était également exigé par l’administration une condition d’identité « physique » laquelle couvre notamment l’absence de modification des superficies, jusqu’à ce qu’elle soit déjugée par diverses réponses ministérielles (RM Vogel 17 mai 2018 ; RM Mignola 12 juin 2018 ; RM Falorni 24 septembre 2019).

Dans un arrêt du 27 mars 2020 n° 428234 « Promialp », les 8ème et 3ème Chambres réunies du Conseil d’Etat confirment la doctrine administrative exigeant une identité juridique :

« … les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée … s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur. »

Décision

Un marchand de biens fait l’acquisition d’un terrain sur lequel est édifié un chalet.

Il démolit la construction existante et revend le terrain grevé d’une nouvelle construction inachevée, et applique à cette occasion la TVA sur sa marge.

L’administration fiscale le redresse, estimant qu’il ne relevait pas de la TVA sur la marge mais de la TVA sur le prix total.

Le contribuable réclame la saisine du Conseil constitutionnel d’une QPC au motif qu’en imposant de réunir les deux conditions cumulatives tenant à l’absence d’ouverture d’un droit à déduction lors de l’acquisition d’un bien et à l’identité de qualification juridique entre le bien acquis et le bien vendu, l’article 268 du code général des impôts tel qu’interprété par le Conseil d’Etat méconnaîtrait les principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques consacrés par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Le Conseil d’Etat, par un arrêt n°435464 du 16 juillet 2020, constate que sa propre jurisprudence « Promialp », en ce qu’elle exige une identité juridique du bien vendu par rapport au bien acquis, ne fait que tirer les conséquences de l’article 268 du CGI.

Par suite, il n’y a pas lieu de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel.

La question de la TVA sur marge est-elle une bonne fois pour toutes épuisée ?

Pas sûr, deux questions préjudicielles ont été posées par le Conseil d’Etat.

A suivre …

CE 16-7-2020 n° 435464

Vu la procédure suivante

M. B… A… a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période correspondant au mois de juin 2011, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1700503 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la demande à hauteur de 653 227 euros, a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont M. A… a fait l’objet au titre de la période correspondant au mois de juin 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un arrêt n° 19LY01260 du 27 août 2019, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé par le ministre de l’action et des comptes publics contre ce jugement.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 octobre 2019 et 12 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le ministre de l’action et des comptes publics demande au Conseil d’Etat d’annuler l’article 1er de cet arrêt, en tant seulement qu’il statue sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

– la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique

– le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,

– les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de A… ;

Considérant ce qui suit

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A…, qui exerce une activité de marchand de biens, a acquis, le 27 février 2010, un chalet à usage d’habitation avec son terrain d’assiette et a revendu cette parcelle, le 27 juin 2011, grevée d’une construction inachevée après démolition du chalet. Il a, dans les déclarations qu’il a souscrites au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, estimé pouvoir faire application à l’opération de cession du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. M. A… a fait l’objet d’une vérification de comptabilité de son activité professionnelle au titre de la période du 20 février 2010 au 30 juin 2011, à l’issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été réclamés, procédant de la remise en cause du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge sous lequel il avait placé cette opération. M. A… a contesté ces rappels, ainsi que les pénalités dont ils étaient assortis, devant le tribunal administratif de Grenoble, qui, par jugement du 7 décembre 2018, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de 653 227 euros, en a prononcé la décharge. Par un arrêt du 27 août 2019, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé par le ministre de l’action et des comptes publics contre ce jugement. Le ministre de l’action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant seulement qu’il rejette ses conclusions d’appel tendant au rétablissement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. A….

Sur la question prioritaire de constitutionnalité

2. Le I de l’article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l’article 266 du même code, l’assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. L’article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que :  » Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat « . L’article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que :  » S’agissant de la livraison d’un terrain à bâtir, ou d’une opération mentionnée au 2° du 5 de l’article 261 pour laquelle a été formulée l’option prévue au 5° bis de l’article 260, si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d’imposition est constituée par la différence entre : / 1° D’une part, le prix exprimé et les charges qui s’y ajoutent ; / 2° D’autre part, selon le cas : / – soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du terrain ou de l’immeuble ; / – soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués « .

4. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent, selon la jurisprudence issue de la décision n° 428234 du 27 mars 2020 du Conseil d’Etat statuant au contentieux, aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, y compris lorsque le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur. M. A… soutient qu’en imposant de réunir les deux conditions cumulatives tenant à l’absence d’ouverture d’un droit à déduction lors de l’acquisition d’un bien et à l’identité de qualification juridique entre le bien acquis et le bien vendu, l’article 268 du code général des impôts tel qu’interprété par le Conseil d’Etat méconnaîtrait les principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques consacrés par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

5. Toutefois, si l’article 268 du code général des impôts ainsi interprété implique que seules les opérations de vente d’un terrain à bâtir acheté comme tel, ou de vente d’un immeuble achevé depuis plus de cinq ans acheté comme tel, peuvent bénéficier des modalités de calcul de la taxe sur la valeur ajoutée qu’il prévoit, et que, corrélativement, l’opération de vente d’un terrain à bâtir acheté comme un immeuble bâti n’y ouvre pas droit et relève du régime de droit commun de la taxe, l’article 392 de la directive du 28 novembre 2006 n’ouvre la possibilité d’asseoir la taxe sur la valeur ajoutée sur la différence entre le prix de vente et le prix d’achat que dans la seule hypothèse de la livraison d’un bâtiment ou d’un terrain à bâtir acquis comme tel en vue de sa revente, lorsque l’assujetti n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition. Ainsi, les dispositions contestées se bornent à tirer les conséquences nécessaires, dans l’exercice de la faculté de transposition offerte aux Etats membres par l’article 392 de la directive, des dispositions précises et inconditionnelles de cet article, qui ne mettent en cause aucune règle, ni aucun principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France. Par suite, il n’y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée.

Sur le pourvoi

6. Il résulte de ce qui est dit au point 4 que la cour administrative d’appel, qui a relevé que M. A… avait, d’une part, acquis un ensemble immobilier composé d’un chalet et de son terrain d’assiette et, d’autre part, revendu comme terrain à bâtir la même parcelle, grevée d’un immeuble hors d’eau et hors d’air mais non habitable, a commis une erreur de droit en jugeant qu’il résultait des dispositions des articles 268 du code général des impôts et 392 de la directive du 28 novembre 2006 que le bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge était subordonné à la seule condition que l’acquisition du bien cédé n’ait pas ouvert droit à déduction de la taxe et en jugeant sans incidence sur sa mise en oeuvre la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification du bien en cause aient été modifiées entre son acquisition et sa vente.

7. Par suite, le ministre de l’action et des comptes publics est fondé à demander, pour ce motif, l’annulation de l’article 1er de l’arrêt attaqué en tant qu’il prononce la décharge, en droits, des impositions supplémentaires mises à la charge de M. A….

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E

————–

Article 1er : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil Constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A….

Article 2 : L’article 1er de l’arrêt du 20 décembre 2018 de la cour administrative d’appel de Lyon est annulé en tant qu’il prononce la décharge, en droits, des impositions supplémentaires mises à la charge de M. A….

Article 3 : L’affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d’appel de Lyon.

Article 4 : Les conclusions présentées par la M. A… au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’économie, des finances et de la relance et à M. B… A….

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.

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