ABATTEMENT POUR DEPART A LA RETRAITE : QU’EST-CE QUE L’EXERCICE EFFECTIF DE FONCTIONS DE DIRECTIONS ?

Dans le cadre d’une plus-value de cession de valeurs mobilières, l’administration remet en cause l’application de l’abattement fixe pour départ à la retraite et l’abattement proportionnel renforcé. Le Conseil d’Etat se prononce, notamment sur la condition de l’exercice effectif des fonctions de direction.

La décision

M. B cède le 25 juillet 2014 l’intégralité des titres qu’il détient dans une SAS, laquelle avait jusqu’au 11 juillet 2014 la forme d’une SARL dont il était gérant.

Dans sa déclaration de plus-value, il applique l’abattement fixe pour départ à la retraite (150 0 D ter du CGI) et l’abattement renforcé pour durée de détention (150 0 D du CGI).

L’administration remet en cause l’application de ces deux abattements.

La cour administrative d’appel – CAA Paris 10 novembre 2022, 21PA02884 – confirme le rejet de sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités. M. B forme un pourvoi.

Le Conseil d’Etat – CE, 8ème – 3ème chambres réunies, 25 octobre 2023, 470394, mentionné dans les tables du recueil Lebon – le déboute :

« En ce qui concerne le bénéfice des dispositions de l’article 150-0 D ter du code général des impôts :
(…)
6. D’une part, après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que la gestion de l’activité courante de la SARL Concorde, consistant en l’exploitation d’une résidence de tourisme, était assurée, non par M. B… mais par un tiers, à savoir le gérant des SARL G. PRIM et CDG SUD, dans le cadre de conventions délégant à ces sociétés les activités de recherche de clientèle, de gestion des paiements, d’entretien et de maintenance et de recrutement du personnel, et de la SARL CDG SUD s’agissant du développement commercial, la cour administrative d’appel a pu en déduire, sans entacher son arrêt d’erreur de qualification juridique des faits, que M. B… ne pouvait être regardé comme exerçant effectivement les fonctions de gérant de cette société, au sens des dispositions précitées, sans qu’ait d’incidence à cet égard la circonstance qu’il entretenait des relations régulières avec le gérant des SARL G. PRIM et CDG SUD pour se tenir informé du fonctionnement de la résidence.
7. D’autre part, en jugeant, après avoir souverainement constaté que la rémunération perçue par M. B… de la SARL Concorde avait été de 7 000 euros en 2012, de 14 000 euros en 2013 et qu’elle avait été nulle en 2014, que cette rémunération, eu égard à son montant, ne pouvait être regardée comme la rémunération normale d’un gérant au sens du 1° de l’article 885 O bis du code général des impôts, la cour n’a pas commis d’erreur de droit.

En ce qui concerne le bénéfice des dispositions de l’article 105-0 D du code général des impôts :

(…)
9. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B… a souscrit 499 parts sur 500 de la SARL Concorde en 1999, puis 39 370 parts en 2010, avant d’acquérir la dernière part en 2014. M. B… soutenait devant la cour qu’il convenait de prendre pour point de départ de la durée de détention des 39 370 parts souscrites en 2010 la date d’acquisition des 499 parts souscrites en 1999, dès lors que cette souscription résultait de l’incorporation au capital social de son compte courant d’associé, laquelle aurait selon lui le même effet qu’une augmentation du nominal des titres qu’il détenait précédemment, peu important l’augmentation du nombre total des actions représentant sa participation dans la société, laquelle n’aurait revêtu qu’un caractère formel. En jugeant que cette opération n’était au contraire pas demeurée sans incidence sur la structure du bilan de la SARL Concorde, dès lors que l’incorporation du compte courant d’associé avait entraîné un désendettement et un accroissement de l’actif net de la société, et que les titres ainsi souscrits en 2010 par M. B… par transformation de sa créance sur la société en une participation au capital accru de celle-ci étaient détenus par lui depuis cette opération seulement, pour en déduire que la plus-value de cession de ces titres ne pouvait bénéficier de l’abattement pour durée de détention renforcé de 85 % prévu au 3° du A du 1 quater de l’article 150-0 D du code général des impôts, la cour n’a pas commis d’erreur de droit. »

Pour consulter la décision :

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000048263332?init=true&page=1&query=470394&searchField=ALL&tab_selection=all

Décryptage

Au préalable, rappelons qu’à l’époque des faits, il était possible de cumuler abattement fixe pour départ à la retraite et abattement renforcé.

Sur l’application de l’abattement fixe pour départ à la retraite :

Le Conseil d’Etat rappelle qu’il est réservé aux dirigeants justifiant avoir assuré de manière effective, personnelle et continue la gestion de la société dont ils cèdent les titres lors des cinq années précédant cette cession, et ayant perçu une rémunération normale à ce titre.

  • Concernant la condition d’exercice effectif de la fonction de direction :

Le Conseil d’Etat approuve les juges du fond qui ont souverainement apprécié : « que l’exploitation de la résidence de tourisme était assurée, non par M. B mais par un tiers, à savoir le gérant des SARL G. PRIM et CDG SUD, dans le cadre de conventions délégant à ces sociétés les activités de recherche de clientèle, de gestion des paiements, d’entretien et de maintenance et de recrutement du personnel, et de la SARL CDG SUD s’agissant du développement commercial »

Le redevable invoquait son rôle de surveillance des prestataires, avec lesquels il entretenait, le cas échéant de sa propre initiative, des relations fréquentes et suivies en relation avec le fonctionnement de la résidence, sa situation financière, budgétaire et comptable, ainsi que de sa relation avec la banque de la société et le cabinet comptable.

Les juges du fond ont estimé que ces activités (surveillance des prestataires, relations avec la banque et l’expert-comptable) ne sont pas assimilables à l’exercice normal des fonctions de gérant.

L’exercice effectif des fonctions de direction implique donc une participation directe à la conduite et à la réalisation de l’activité courante/ opérationnelle de la société.

Attention aux nominations de « complaisance » à des fonctions de direction, notamment d’un donataire en cas d’engagement réputé acquis invoqué pour l’exonération partielle Dutreil.

Sur ce point, vous pouvez vous abonner à notre ouvrage : « LE PRATICIEN FACE AU DUTREIL »

  • Concernant la condition de rémunération :

Les juges du fond ont constaté « que la rémunération perçue par M. B de la SARL Concorde avait été de 7 000 euros en 2012, de 14 000 euros en 2013 et qu’elle avait été nulle en 2014, que cette rémunération, eu égard à son montant, ne pouvait être regardée comme la rémunération normale d’un gérant au sens du 1° de l’article 885 O bis du code général des impôts ».

En l’espèce, la question de la comparaison de la rémunération normale au regard des rémunérations du même type versées au titre de fonctions analogues dans l’entreprise ou dans des entreprises similaires établies en France ne se posait pas : il y avait défaut de rémunération pour une des années. Il ne pouvait donc y avoir de rémunération normale, à défaut de justifier d’une situation particulière telle que des difficultés économiques.

Sur cette question, vous pouvez également consulter :

Sur l’application de l’abattement renforcé :

M. B avait acquis 499 parts sur 500 de la SARL en 1999, puis 39 370 parts, par augmentation de capital par incorporation de son compte courant d’associé.

Il soutenait qu’il y avait lieu de retenir comme date d’acquisition pour l’intégralité des titres, la date d’acquisition initiale des 499 parts, soutenant que la différence de traitement entre des opérations d’augmentation de capital par accroissement de la valeur nominale des titres de la société et, d’autre part, par l’émission de nouveaux titres comme en l’espèce, constitue une rupture d’égalité devant les charges publiques.

La Cour administrative d’appel a relevé qu’à défaut présentation d’une question prioritaire de constitutionnalité l’examen de la conformité à la constitution des dispositions fiscales ne ressortait pas de sa compétence.

Le Conseil d’Etat approuve la Cour administrative d’appel d’avoir retenu que, dès lors que l’augmentation de capital a eu pour contrepartie l’incorporation du compte courant d’associé, cette opération ne peut être regardée comme ayant été dépourvue de conséquences patrimoniales pour le requérant.

En effet, si l’augmentation de capital par incorporation de réserve ou de primes permet de remonter à la date d’acquisition initiale des titres d’origine, c’est parce que la valeur de ces réserves ou primes, et donc des titres nouveaux, est déjà comprise dans la valorisation de la société. Ce n’est pas le cas d’un compte courant d’associé qui constitue une dette pour la société. L’apport en capital du compte courant augmente la valorisation de la société. Il doit être traité comme un apport extérieur.

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