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ABATTEMENT RENFORCE – PME DE MOINS DE 10 ANS : LE CONTRIBUABLE NE PEUT SE PREVALOIR D’UNE DOCTRINE AMINISTRATIVE POSTERIEURE A LA CESSION

Une personne cède les titres d’une société à laquelle elle avait apporté le fonds de commerce qu’elle avait initialement créé. L’administration lui refuse l’abattement majoré au motif que la société avait repris une activité préexistante. Le Conseil d’Etat refuse de se prononcer.

La décision

M. A créé en 2009 une EURL à ECHIROLLES (ISERE) à laquelle il apporte son entreprise individuelle, elle-même crée en 2007, dans le but de poursuivre son activité via une société.

En 2015, il cède l’ensemble de ses titres et applique à sa plus-value taxable, l’abattement majoré de 85% au titre de la cession de titres de PME de moins de 10 ans à la date de la souscription ou de l’acquisition des titres – Art 150-0 D 1 quater 3° du CGI.

L’administration conteste au motif que la société n’avait fait que reprendre l’activité préexistante auparavant exercée à titre individuel, ce qui exclut l’application de l’abattement majoré.

M. A reproche au Tribunal administratif – TA Grenoble n° 1806754 du 18 février 2021 – de donner raison à l’administration alors que l’opération d’apport est purement intercalaire. Le délai de détention doit être décompté à compter de la création de l’activité sous forme d’entreprise individuelle, car le législateur a prévu de faire bénéficier les créateurs d’entreprises d’un abattement renforcé pour le calcul de la plus-value réalisée lors de la cession des titres avec une durée de détention décomptée à compter de la création de l’activité apportée à la société.

La Cour administrative d’appel – Cour administrative d’appel, Lyon, 2e chambre, 21 Juin 2022 – n° 21LY00880 – le déboute :

« … l’EURL … doit être regardée comme ayant été créée pour la reprise de l’activité préexistante auparavant exercée par M. A dans le cadre de son entreprise à titre individuel. Ainsi, à la date d’acquisition, par M. A, des droits qu’il a cédés en 2015, il ne pouvait être regardé comme satisfaisant à la condition posée au a) du 1 quater B de l’article 150-0 D du code général des impôts, requise pour soumettre la plus-value réalisée sur ces cessions de titre au régime de l’abattement dit renforcé. C’est dès lors par une exacte application de ces dispositions que l’administration a estimé que M. A ne pouvait prétendre qu’à l’abattement de droit commun prévu au 1 ter de l’article 150-0 D du code. »

Pour consulter la décision : https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000045952177?init=true&page=1&query=21LY00880+&searchField=ALL&tab_selection=all

M. A forme un pourvoi invoquant que la Cour d’appel a commis une erreur de droit en jugeant :

– que le régime d’abattement dit  » renforcé  » prévu au 1 quater de l’article 150-0 D du code général des impôts ne s’appliquait pas à la plus-value de cession en litige au motif que la société dont il avait cédé les titres était issue de la reprise d’une activité préexistante, alors que cette société, dont il était l’unique associé, s’était bornée à poursuivre l’activité qu’il exerçait auparavant sous la forme d’une entreprise individuelle ;

– qu’il ne pouvait se prévaloir de la réponse ministérielle n° 3501 à M. D C, député, publiée au Journal officiel le 13 août 2019, au motif que cette réponse était postérieure à la date de cession des titres.

Le Conseil d’Etat (CE, 27 janvier 2023, n° 466835) refuse l’admission du pourvoi au visa de l’article L. 822-1 du code de justice administrative : « Le pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat fait l’objet d’une procédure préalable d’admission. L’admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n’est fondé sur aucun moyen sérieux ».

Décryptage

L’abattement pour durée de détention, lorsque la plus-value de cession de titres relève du barème progressif de l’impôt sur le revenu sur option du contribuable, peut être majoré – 85% au lieu de 65% en cas de cession de titres de PME de moins de 10 ans au moment de la souscription ou de l’acquisition des titres – lorsque la société émettrice des titres cédés remplit plusieurs conditions parmi lesquelles celles figurant à l’article 150-0 D 1 quater B 2° a) :

« a) Elle est créée depuis moins de dix ans et n’est pas issue d’une concentration, d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes. Cette condition s’apprécie à la date de souscription ou d’acquisition des droits cédés ; »

Selon le contribuable, il ne s’agirait pas d’une reprise d’une activité préexistante mais d’une poursuite de l’activité qu’il exerçait auparavant sous la forme d’une entreprise individuelle.

Lorsque c’est le contribuable qui en est à l’origine, il serait cohérent qu’il en soit tenu compte pour le faire bénéficier de l’abattement. S’il avait créé dès le départ le fonds de commerce par l’intermédiaire de la société dont les titres sont cédés, ce serait le cas.

C’est d’ailleurs ce qui a été admis par le ministre dans la RM LAQHILA n°3501 du 13 août 2019 : https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-3501QE.htm

Cette réponse pose toutefois deux limites au tempérament :

« Au regard de cet objectif, dans l’hypothèse évoquée par le parlementaire [le cédant était finalement le créateur du fonds de commerce figurant à l’actif du bilan de la société] dont les titres sont cédés, il y a lieu d’admettre que cette circonstance ne fasse pas obstacle à l’application de l’abattement renforcé, toutes autres conditions étant par ailleurs remplies, lorsque :

– d’une part, l’apport par le contribuable de son entreprise individuelle est intervenu moins de 10 ans après qu’il a créé cette entreprise, qui constituait elle-même une PME à la date de l’apport et n’était pas issue d’une activité préexistante à sa création,

– et, d’autre part, la société bénéficiaire de l’apport (société émettrice des titres cédés) est créée par le contribuable lors de celui-ci avec pour objet exclusif la poursuite de l’activité de son entreprise individuelle sans extension ni création d’activité nouvelle. »

L’impossibilité de se prévaloir d’une réponse ministérielle postérieure aux faits est logique au regard de la doctrine administrative (BOI-SJ-RES-10-10-20 n° 210) :

« L’interprétation doctrinale dont se prévaut le contribuable pour contester l’imposition supplémentaire mise à sa charge doit avoir été exprimée antérieurement à la date d’expiration du délai de déclaration dont il disposait ou, en l’absence d’obligation déclarative, antérieurement à la date de mise en recouvrement de l’imposition primitive à laquelle est assimilée la liquidation spontanée de l’impôt. ».

Concernant le contenu de la réponse ministérielle LAQHILA, il n’a pas été repris au BOFIP qui, au contraire, dans sa version au 20 décembre 2019, maintient sa position antérieure :

« À cet égard, il est précisé que la règle prévue au IV-B-2-a § 360 du BOI-BIC-CHAMP-80-10-10-30 ne s’applique pas pour le dispositif de l’abattement pour durée de détention renforcé applicable aux gains de cession de titres ou droits d’une petite et moyenne entreprise (PME) de moins de dix ans. »

La règle en question, relative aux allègements fiscaux pour les entreprises crées dans certaines zones, prévoit une tolérance en cas d’apport d’une entreprise individuelle à une société.

La doctrine administrative écarte donc expressément la possibilité d’appliquer une telle tolérance en matière d’abattement pour durée de détention renforcée.

Face à cette position de l’administration, qui semble suivie par les juges du fond, reste la possibilité de rechercher dans les débats parlementaires quelle était l’intention du législateur.

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