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APPORT-CESSION : LA CONDITION DE REINVESTISSEMENT A CARACTERE ECONOMIQUE S’APPRECIE-T-ELLE PAR RAPPORT A LA TOTALITE DE LA PLUS-VALUE EN SURSIS ?

Une holding revend les titres qui lui ont été apportés à bref délai. Puis le contribuable annule une partie de ses titres de la holding et paye l’impôt de plus-value en sursis à due concurrence. L’importance du réinvestissement à caractère économique est-elle appréciée par rapport au montant initial de la plus-value en sursis ou par rapport au montant net de la réduction de capital ? Le Conseil d’Etat tranche.

La décision

En septembre 2011, Monsieur B créé une holding par apport d’actions de sa société de courtage en assurance, pour une valeur de 360.000 €. Sa plus-value latente est placée sous le régime du sursis d’imposition (art 150-0 B CGI). En octobre 2011, Monsieur B vend d’autres actions de sa société de courtage qu’il avait conservées, et sa holding vend les titres apportés, au même acquéreur, pour une valorisation identique à celle retenue pour l’apport. En octobre 2013, la holding procède à une réduction de capital par annulation de titres à hauteur de 177.300 €. Monsieur B paye à cette occasion l’impôt sur la plus-value jusqu’ici en sursis, à concurrence des titres annulés.

En décembre 2014, l’administration invoque l’abus de droit.

La CAA de LYON – arrêt n° 18LY02038 du 17 décembre 2020 – donne raison au contribuable.

Le ministre de l’économie … se pourvoit en cassation.

Par un arrêt n°449656 du 27 juin 2022, le Conseil d’Etat 10ème et 9ème Chambres réunies rappelle que l’objectif du sursis d’imposition des plus-values d’apport est de faciliter les restructurations d’entreprises ne donnant pas lieu à perception d’un prix par l’apporteur. La cession immédiate des titres apportés par la holding répond à cet objectif lorsque le produit de cession fait l’objet, pour une part significative et à bref délai, d’un réinvestissement à caractère économique par cette société. En l’espèce, le produit de la cession des titres a été utilisé, entre 2011 et 2013, pour le financement d’un prêt à la société de courtage à hauteur de 100 000 euros, pour l’achat de parts de fonds commun de placement pour une somme de l’ordre de 70 000 euros, pour un virement de 70 000 euros sur un compte à terme, pour une prise de participation de 900 euros dans une SCI, pour le financement des charges de gestion de la holding pour environ 42 000 euros au titre des années 2011 et 2013, ainsi que par des prélèvements personnels au profit de Monsieur B à hauteur de 98 000 euros. En octobre 2013, la holding a fait l’objet d’une réduction de son capital par annulation de 17 730 actions, pour une somme de 177 300 euros qui ont été inscrits au compte courant d’associé de Monsieur B…. Celui-ci s’est alors acquitté de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux sur la plus-value de cession des actions de la société de courtage perçue à cette occasion. Enfin, en mars 2015, la holding a souscrit 11 596 actions de la société acquéreur de l’ensemble des titres pour un peu de plus de 80 000 euros.

Pour juger que l’apport initial de 4 800 titres de la société de courtage à la holding ne poursuivait pas un but exclusivement fiscal et que, par suite, l’administration fiscale n’apportait pas la preuve d’un abus de droit, la cour administrative d’appel de Lyon a notamment retenu que l’investissement dans une activité économique intervenu en mars 2015 au moment de la souscription de la holding au capital de la société acquéreur, pour un montant de 80 000 euros,  » correspondait à près de la moitié du produit de la cession initiale bénéficiant encore du mécanisme du sursis d’imposition de la plus-value d’apport après l’imposition ayant eu lieu sur déclaration spontanée en 2013 « . En statuant ainsi, alors qu’il lui revenait, pour apprécier si le produit de cession avait fait l’objet, pour une part significative, d’un réinvestissement à caractère économique, de comparer les investissements réalisés par la société entre 2011 et 2015, dont l’investissement de 80 000 euros intervenu en mars 2015, à l’ensemble des sommes ayant bénéficié du mécanisme du sursis d’imposition et non au produit de la cession minoré de la somme de 177 300 euros appréhendée par Monsieur B… en octobre 2013 à l’occasion de la réduction du capital de la holding, la cour n’a pas tenu compte de l’ensemble des sommes ayant bénéficié du mécanisme du sursis d’imposition et a commis une erreur de droit.

Le Conseil d’Etat annule donc l’arrêt d’appel.

Pour consulter la décision :

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000045972719?juridiction=CONSEIL_ETAT&juridiction=COURS_APPEL&juridiction=TRIBUNAL_ADMINISTATIF&juridiction=TRIBUNAL_CONFLIT&page=1&pageSize=10&query=449656&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=cetat

Décryptage

Le contribuable avait bénéficié du sursis d’imposition à hauteur de 360.000 € de valeur de titres.

Sa holding avait immédiatement revendu les titres pour le même prix, réalisé divers investissements, avait annulé ses propres titres à hauteur de 177.300 €, sur lesquels le contribuable avait payé l’impôt, puis réinvesti 80.000 € dans une activité économique.

Dès lors, la question qui se posait était la suivante : le réinvestissement dans une activité économique avait-il porté sur environ la moitié du produit de la cession, vu que le sursis d’imposition ne portait plus que sur un montant de 360.000 – 177.300 = 182.700 / 2 = 91.350 € c’est-à-dire pas loin de 80.000 € … ?

Non répond le Conseil d’Etat. Peu importe le paiement de l’impôt au titre de la réduction de capital. L’importance du réinvestissement économique doit s’apprécier par rapport à l’intégralité des sommes ayant bénéficié initialement du sursis.

Cette décision nous semble intéressante pour plusieurs raisons :

  1. Le réinvestissement par la holding, du prix de vente des titres qui viennent de lui être apportés, par souscription au capital de la société acquéreur, constituerait un réinvestissement dans une activité économique ? Ce postulat devra bien entendu être tempéré par toute tentative de fraude ou d’abus. Mais hormis ces cas, il permettrait de combiner efficacement refinancement et rapprochement. Voir sur cette question notre récent article :
  • Le raisonnement retenu par la Cour suprême de la notion de réinvestissement à caractère économique est, semble-t-il, transposable aux situations de report.
  • Les opérations intercalaires ayant donné lieu à taxation d’une partie de la plus-value en sursis n’ont aucun impact sur l’intention de départ du contribuable.
  • Elle rappelle accessoirement qu’un prêt par la holding à la société d’exploitation n’est pas constitutif d’un réinvestissement à caractère économique.

Pour plus de précisions sur la condition de réinvestissement en cas d’apport-cession :

https://www.resodinfo.fr/apport-cession-en-cas-dapports-a-une-pluralite-de-societe-comment-doit-etre-appreciee-la-condition-de-reinvestissement/https://www.resodinfo.fr/apport-cession-precisions-du-conseil-detat-sur-la-notion-de-reinvestissement/



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