APPORT EN COMMUNAUTE ET CLAUSE D’ATTRIBUTION INTEGRALE : QUEL IMPACT SUR LES PLUS-VALUE EN REPORT ?

La plus-value en report est-elle définitivement exonérée si les titres reviennent au conjoint survivant par clause d’attribution intégrale de la communauté ? Le Conseil d’Etat se prononce en matière de report de l’ancien article 92 B du CGI.

La décision

En 1999, M. B procède à un apport de titres à une société. Il réalise une plus-value placée sous le régime du report d’imposition prévu par l’article 92 B du code général des impôts alors en vigueur.

En 2000, les époux B adoptent le régime de la communauté universelle avec clause d’attribution intégrale au conjoint survivant.

Après le décès de son mari, Mme B cède en 2013 des actions reçues en rémunération de l’apport réalisé par son époux.

Elle mentionne dans sa déclaration des revenus de l’année 2013, l’expiration du report d’imposition de la plus-value réalisée en 1999 par son mari. Puis, estimant avoir déclaré à tort cette plus-value dans ses revenus imposables, elle sollicite, par une réclamation du 30 juillet 2016, la réduction de ses cotisations d’impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution sur les hauts revenus.

Elle soutient que la transmission des titres à titre gratuit entraîne l’exonération définitive du report d’imposition.

La Cour administrative d’appel de Nantes – CAA NANTES, 8 juillet 2021, n° 19NT04305 – l’ayant débouté, elle se pourvoit en cassation.

Le Conseil d’Etat – CE, 27 mars 2023, n° 456550 – casse l’arrêt et règle l’affaire au fond :

« En ce qui concerne l’application de la loi fiscale :
(…) 7. Il résulte de ce qui précède que, ainsi que l’administration fiscale l’avait retenu dans le rejet de la réclamation de Mme B… et ainsi que le ministre de l’économie, des finances et de la relance l’a fait valoir dans l’instance, ni l’adoption par les époux B… du régime de la communauté universelle le 30 juin 2000, ni la mise en œuvre, à la suite du décès de M. B… le 28 avril 2011, de la clause d’attribution intégrale au conjoint survivant figurant dans le contrat de mariage des époux n’ont entraîné de cession, que ce soit à titre gratuit ou onéreux, au profit de Mme B…, des valeurs mobilières détenues antérieurement par son époux à la suite du décès de son père. Il s’ensuit que, à la vente des actions …à laquelle elle a procédé en 2013, Mme B… était devenue, du fait des avantages matrimoniaux dont elle avait bénéficié, la redevable de l’imposition de la plus-value résultant de l’opération d’échange de titres réalisée par son mari en octobre 1999 et que cette cession à titre onéreux a mis fin au report d’imposition de cette plus-value sous le régime duquel elle avait été placée. Mme B… n’est, dès lors, pas fondée à soutenir que c’est à tort que l’administration fiscale a imposé la plus-value qu’elle avait déclarée au titre de l’année 2013.

En ce qui concerne l’interprétation administrative de la loi fiscale :
8. Mme B… ne peut se prévaloir, sur le fondement des dispositions du premier alinéa de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du point 31 de l’instruction du 4 mai 1992, repris au paragraphe 330 de l’instruction administrative référencée BOI-RPPM-PVMBI-30-10-30-10, dès lors que d’une part, elle n’entre pas dans les prévisions de cette instruction qui ne porte que sur les cessions de valeurs mobilières à titre gratuit et que, d’autre part et en tout état de cause, l’imposition en litige est une imposition primitive.
9. Il résulte de tout de ce qui précède que Mme B… n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande de réduction de l’imposition en litige. »

Pour consulter la décision :

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000047370817?init=true&page=1&query=456550&searchField=ALL&tab_selection=all

Décryptage

La présente décision est rendue concernant le report d’imposition prévu au II de l’ancien article 92 B du CGI.

Il s’agissait d’un report d’imposition optionnel applicable entre 1991 et 2000 (pour plus de précisions, voir BOI-RPPM-PVBMI-30-10-30-10).

Le Conseil d’Etat énonce en premier lieu que :

« Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que les cessions mentionnées au II de cet article 92 B qui mettent fin au report d’imposition sont les cessions à titre onéreux et que lorsque le contribuable procède à une cession à titre gratuit des titres dont la plus-value a bénéficié du report d’imposition, cette dernière est définitivement exonérée d’imposition. »

Après avoir relaté les articles 1525 à 1527 du Code civil, le Conseil d’Etat précise :
« Il résulte de ces dispositions que la mise en communauté de valeurs mobilières appartenant à l’un des époux, résultant de l’adoption par les époux du régime de la communauté universelle, comme leur attribution au conjoint survivant, résultant de l’application d’une clause en ce sens figurant dans le contrat de mariage, constituent des avantages matrimoniaux et non des donations et ne sauraient, par suite, être regardées comme des cessions à titre gratuit pour l’application des dispositions du II de l’article 92 B du code général des impôts. »

L’apport en communauté et la clause d’attribution intégrale de titres sont analysés comme des opérations « intercalaires ». Il ne s’agit :

– ni de cessions à titre gratuit, permettant l’exonération définitive de la plus-value en report,

– ni de cessions à titre onéreux rendant la plus-value en report exigible.

S’agissant d’opérations intercalaires, la plus-value en report ne devient exigible que lors de la cession à titre onéreux ultérieure.

Certes cette décision concerne le report prévu au II de l’ancien article 92 B du CGI. Mais la logique devrait être la même en matière de sursis et de report actuel.

En ce sens, on peut noter la réponse ministérielle DASSAULT du 9 janvier 2018 (n° 4438) :

« Dans ces conditions, le transfert de titres, bénéficiant d’un sursis ou d’un report d’imposition prévus respectivement aux articles 150-0 B et 150-0 B ter du CGI, du patrimoine propre de l’un des époux à l’avoir de la communauté créée lors d’un changement de régime matrimonial, s’analyse bien comme une opération purement intercalaire. En cas de cession ultérieure, les contribuables seront imposés sur une plus-value déterminée selon la valeur d’origine des titres apportés, pour les titres soumis au sursis d’imposition, ou sur la plus-value placée en report, pour les titres soumis à ce régime. »

Pour plus de précisions, vous pouvez consulter : https://www.resodinfo.fr/effet-dun-changement-de-regime-matrimonial-sur-les-plus-values-en-report-ou-en-sursis/

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