APPRECIATION DU CARACTERE LESIONNAIRE D’UN PARTAGE

La créance d’amélioration fixée conventionnellement dans le partage doit-elle être réévaluée pour apprécier le caractère lésionnaire du partage ? La Cour de cassation se prononce.

La décision

M. W et Mme L, mariés sous le régime de la séparation de biens, divorcent en 2003. Ils signent un partage stipulant l’attribution de l’immeuble indivis à M. moyennant le paiement d’une soulte à Mme et la reconnaissance par Mme d’une créance de M. envers l’indivision au titre du financement de travaux de réhabilitation de l’immeuble au moyen de ses deniers personnels.

L’immeuble ayant été cédé un an plus tard pour une somme supérieure à celle retenue à l’acte de partage, Mme assigne M. en lésion.

La Cour d’appel de Bordeaux – 14 septembre 2021, n°18/06470 – constate le caractère lésionnaire du partage, en retenant une réévaluation du bien immobilier mais pas de la créance, laquelle a été fixée par les parties dans le partage à la valeur nominale des dépenses faites.

M. forme un pourvoi invoquant que, pour apprécier le caractère lésionnaire du partage, sa créance doit être réévaluée au regard de la plus-value apportée au bien.

La Cour de cassation – Cass. civ. 1, 25 octobre 2023, 21-25.051, Publié au bulletin – lui donne raison :

« Vu les articles 815-13, alinéa 1, 887, alinéa 2, et 890 du code civil, ces deux derniers dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 :
5. Il résulte des deux derniers de ces textes que, pour apprécier le caractère lésionnaire d’un partage, il convient d’avoir égard à la liquidation et au règlement d’ensemble des droits des copartageants, en reconstituant, à la date de l’acte litigieux, la masse à partager dans tous ses éléments actifs et passifs estimés suivant leur valeur à l’époque du partage.
6. Selon le premier, lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage.
7. Pour décider que le caractère lésionnaire du partage litigieux doit s’apprécier à l’aune de la créance de M. [W] telle que fixée dans l’acte du 28 octobre 2003, soit à un montant de 129 582 euros, et constater que Mme [L] a été lésée de ses droits de plus d’un quart, l’arrêt retient, par motifs adoptés, que les parties ont mentionné expressément dans l’acte que, s’agissant de la créance de M. [W] au titre des travaux de réhabilitation effectués sur l’immeuble indivis, elles s’abstenaient de rechercher si ceux-ci avaient permis d’augmenter la valeur du bien, s’en tenant ainsi à la valeur nominale des dépenses faites.
8. En statuant ainsi, alors que, pour apprécier le caractère lésionnaire du partage, la créance détenue par M. [W] sur l’indivision devait être évaluée selon les modalités prévues à l’article 815-13 du code civil, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

Pour consulter la décision :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048283802?init=true&page=1&query=21-25.051+&searchField=ALL&tab_selection=all

Décryptage

La lésion suppose une liquidation inexacte de la masse partageable ou une évaluation erronée de certains biens.

La lésion de plus du quart ouvre au copartageant lésé une action en complément de part (action en rescision à l’époque des faits).

Pour apprécier s’il y a eu lésion, on estime les biens suivant leur valeur à l’époque du partage.

En l’espèce, la masse à partager comprenait un bien immobilier à l’actif et une créance de Monsieur pour travaux d’amélioration au passif.

La Cour d’appel avait considéré que, comme les parties avaient dans le partage fixé le montant de la créance à la valeur nominale des travaux et non à la plus-value procurée au bien immobilier, il n’y avait pas lieu de la réévaluer, malgré la réévaluation du bien immobilier.

La Cour de cassation rappelle d’abord que pour apprécier le caractère lésionnaire d’un partage, il convient d’avoir égard à la liquidation et au règlement d’ensemble des droits des copartageants, en reconstituant, à la date de l’acte litigieux, la masse à partager dans tous ses éléments actifs et passifs estimés suivant leur valeur à l’époque du partage.

Elle énonce ensuite que, pour apprécier le caractère lésionnaire du partage, la créance d’amélioration détenue par un indivisaire sur l’indivision doit être évaluée selon les modalités prévues à l’article 815-13 du code civil (c’est-à-dire selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage).

Cette solution n’est pas nouvelle. En 1991, la Cour de cassation avait déjà précisé que : « lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis il doit lui en être tenu compte, selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur de ce bien se trouve augmentée au temps du partage ; que, pour estimer s’il y a lésion de plus du quart, il convient de tenir compte de ce dont chacun des indivisaires est respectivement créancier ou débiteur vis-à-vis de l’indivision » (Cass. civ.1, 5 mars 1991, 89-18.311, Publié au bulletin).

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