Le point de départ de la production d’intérêts est-elle la date du partage ou la date de l’ouverture de la succession/date de la naissance de la dette ? La Cour de cassation se prononce.
La décision
Des époux décèdent respectivement en décembre 1993 et mars 1997, en laissant pour leur succéder leurs trois enfants, et deux petits-enfants, venant par représentation de leur père prédécédé.
Le président du TGI, saisi sur le fondement de l’article 815-11, alinéa 4, du code civil, autorise le notaire chargé du règlement amiable des successions à remettre aux deux petits-enfants une somme 60.979,61 euros, chacun, à valoir sur leurs droits dans la succession de leurs grands-parents.
Des difficultés étant survenues dans le règlement des successions, le notaire commis pour procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage dresse, en décembre 2015, un procès-verbal de difficultés.
Par un arrêt du 1er décembre 2020, la cour d’appel de Chambéry décide que l’avance successorale consentie aux petits-enfants produira intérêts au taux légal au profit de la masse successorale à compter du partage.
Un des cohéritiers se pourvoit en cassation, invoquant : « que l’héritier, qui se fait accorder une avance à valoir sur ses droits dans le partage, sur le fondement de l’article 815-11 du code civil, contracte envers ses coïndivisaires une dette dont il doit le rapport ; qu’aux termes de l’article 856 du code civil, les intérêts des choses sujettes à rapport sont dus de plein droit à compter du jour de l’ouverture de la succession ; »
La Cour de cassation – Cass. Civ. 1, 12 octobre 2022, n° 21-11.223, Inédit – lui donne raison :
« Vu les articles 829 et 856 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 :
Il résulte du premier de ces textes que tout héritier doit rapporter à la succession les sommes dont il est débiteur et du second que toute dette sujette à rapport porte de plein droit intérêt à compter, soit de l’ouverture de la succession, soit, lorsque la dette est née postérieurement, de la date de sa naissance.
Pour dire que les avances successorales consenties par ordonnance du 17 octobre 2000 à M. [N] [B] et Mme [T] [B], d’un montant de 60 979,61 euros chacune, produiront intérêts au taux légal au profit de la masse successorale à compter du partage, l’arrêt retient que celles-ci ne sont pas assimilables à des choses sujettes à rapport et qu’en conséquence, elles ne sont pas soumises au paiement d’un intérêt au taux légal, sauf à compter du partage.
En statuant ainsi, alors que l’héritier qui se fait consentir, sur le fondement de l’article 815-11, alinéa 4, du code civil, une avance en capital sur ses droits dans le partage à intervenir contracte envers la succession une dette sujette à rapport, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »
Pour consulter l’arrêt :
Décryptage
La question posée était la suivante : une avance sur part successorale constitue-t-elle une dette sujette à rapport ?
De la réponse à cette question dépend le point de départ de la production d’intérêts : soit la date du partage soit la date de l’ouverture de la succession, ou, lorsque la dette est née postérieurement, la date de sa naissance.
La Cour de cassation retient que l’avance sur part successorale est une dette sujette à rapport et par conséquent porte de plein droit intérêt à compter, soit de l’ouverture de la succession, soit, lorsque la dette est née postérieurement, de la date de sa naissance.
La solution n’est pas nouvelle : « Mais attendu que l’héritier, qui reçoit du notaire une somme d’argent à valoir sur ses droits successoraux, contracte envers ses coïndivisaires une dette sujette à rapport » (Cass. Civ.1, 6 mai 1997, n° 94-18.304).
Cette solution est-elle toujours applicable depuis la loi du 23 juin 2006, entrée en vigueur le 1er janvier 2007 ?
Certes les articles 829 et 856 du Code civil ont été modifiés. Désormais, l’article 866 du Code civil prévoit : « Les sommes rapportables produisent intérêt au taux légal, sauf stipulation contraire. Ces intérêts courent depuis l’ouverture de la succession lorsque l’héritier en était débiteur envers le défunt et à compter du jour où la dette est exigible, lorsque celle-ci est survenue durant l’indivision. »