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CESSION DE TITRES SOCIAUX A UN PRIX MINORE : QUELLES SANCTIONS ?

Une holding cède les titres d’une filiale à une autre filiale en appliquant diverses décotes. Dans quelles conditions le juge peut-il réagir et requalifier l’écart de valeurs en libéralité ?

La décision

Une holding vend ses titres d’une filiale à une autre filiale. L’administration, relevant que le prix est inférieur à la valeur vénale, traite l’écart comme une libéralité à réintégrer dans les résultats de la société acquéreur.

Statuant sur renvoi, la CAA – VERSAILLES n°21VE02923 du 7 juin 2022 – rejette l’appel de l’administration.

Le Conseil d’Etat – 9ème et 10ème chambres réunies n°466247 du 7 avril 2023 – donne raison au Trésor public :

« 2. D’une part, la valeur vénale d’actions non cotées en bourse sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l’ensemble permet d’obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu’aurait entraîné le jeu normal de l’offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. L’évaluation des titres d’une telle société doit être effectuée, par priorité, par référence au prix d’autres transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires. Toutefois, en l’absence de transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires, l’administration peut légalement se fonder sur l’une des méthodes destinées à déterminer la valeur de l’actif ou sur la combinaison de plusieurs de ces méthodes.

3. D’autre part, en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l’entreprise, à l’exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. S’agissant de la cession d’un élément d’actif immobilisé, lorsque l’administration, qui n’a pas à se prononcer sur l’opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu’elle a retenue et que le contribuable n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l’acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l’appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l’intérêt de l’entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu’elle en ait tiré une contrepartie.

4. Le juge apprécie le caractère significatif de l’écart entre le prix de cession et la valeur vénale des titres de société compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce. »

Pour consulter la décision :

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000047423523?juridiction=CONSEIL_ETAT&juridiction=COURS_APPEL&juridiction=TRIBUNAL_ADMINISTATIF&juridiction=TRIBUNAL_CONFLIT&page=1&pageSize=10&query=466247&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=cetat

Décryptage

En cas de cession à un prix minoré, si la minoration présente un caractère anormal, l’opération est considérée comme une libéralité à concurrence de l’écart, ce qui permet de faire apparaitre une augmentation de valeur de l’immobilisation, qui entraine une augmentation de l’actif net et donc du résultat taxable à l’IS.

Le Conseil d’Etat commence par rappeler sa jurisprudence en matière d’évaluation de titres de sociétés : il y a lieu de retenir une méthode qui permettra d’approcher au mieux le prix correspondant au jeu normal de l’offre et de la demande.

En l’absence d’éléments de comparaison pertinents, l’administration peut légalement se fonder sur l’une des méthodes destinées à déterminer la valeur de l’actif, ou sur la combinaison de plusieurs de ces méthodes.

En l’espèce, la filiale dont les titres étaient cédés était en cours de cessation d’activité. Son actif net était essentiellement composé d’un portefeuille de placement de trésorerie.

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat retient que la méthode d’évaluation patrimoniale, ou mathématique, était adaptée, sans qu’il puisse être justifié en l’espèce de décotes particulières.

Mais justifier de la minoration de valeur ne suffit pas. La preuve d’un acte anormal de gestion nécessite pour l’administration d’établir un écart significatif du prix par rapport à la valeur vénale.

En l’espèce, la Cour d’appel de renvoi avait estimé que l’écart (14,1%) ne présentait pas de caractère significatif, excluant ainsi l’existence d’une libéralité constitutive d’un acte anormal de gestion.

Le Conseil d’Etat estime au contraire que cet écart de 14,1 % doit être regardé, eu égard à la situation particulière de la société, comme significatif.

Soulignant l’absence de toute justification de l’existence d’un intérêt pour la société cédante à cette cession à prix minoré, le Conseil d’Etat conclut que l’administration doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de cette minoration et de l’existence d’une libéralité imposable selon le régime de droit commun.

Le présent arrêt est l’occasion de rappeler la « méthode » à suivre pour caractériser un acte anormal de gestion :   

  1. rapporter la preuve de la minoration de valeur,
  2.  établir que l’écart entre le prix et la valeur vénale est significatif.

Si ces deux éléments sont réunis, est alors établie une « présomption d’anormalité », que l’entreprise peut combattre en justifiant que l’appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans son intérêt :

– soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix,

– soit qu’elle en ait tiré une contrepartie.

En effet, constitue un acte anormal de gestion l’acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.

  

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