Le propriétaire de plusieurs locaux professionnels dans un même immeuble peut-il opter pour la TVA sur les locations de certains seulement de ces locaux ?
La CAA de Nancy rend un arrêt à contre-courant de la doctrine administrative !
Rappels
L’activité de location de locaux nus ne relève pas de la TVA, à moins que le propriétaire n’en fasse la demande. L’option est possible à condition que les locaux soient loués pour les besoins de l’activité d’un preneur :
- Assujetti lui-même à la TVA,
- Ou non assujetti mais seulement si le bail mentionne expressément l’option par le bailleur et l’accord du preneur.
Cette imposition permettra de récupérer la TVA comprise dans le prix de revient du local.
L’option peut être exercée par un simple courrier suffisamment précis adressé aux services compétents. Le paiement de la TVA sur les loyers ne suffit pas à justifier d’une option.
Le preneur doit utiliser le local pour les besoins de son activité.
Les personnes qui donnent en location plusieurs immeubles ou ensembles d’immeubles doivent exercer une option distincte pour chaque immeuble ou ensemble d’immeubles.
Si dans le même immeuble, le propriétaire loue plusieurs locaux nus, l’option pour la TVA au titre des locaux professionnels ne s’étendra pas aux éventuels locaux d’habitation.
Par-contre, l’option pour la TVA au titre d’au moins un local professionnel s’étend automatiquement aux autres locaux professionnels loués dans le même immeuble.
BOI-TVA-CHAMP-50-10-20140404 n°110 et 120.
La décision
La SCI EMO est propriétaire de plusieurs locaux professionnels dans le même immeuble. Parmi ses locataires, se trouve un cabinet d’agent d’assurance. Cette activité étant exonérée de TVA, le propriétaire n’exerce pas l’option. Il l’exerce en revanche pour les autres locaux.
L’administration lui réclame la TVA. La SCI perd en première instance.
La Cour administrative d’appel de Nancy donne raison au contribuable :
« Les locations de locaux nus ne sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée que sur option du bailleur lorsque celle-ci est possible … Par suite, les dispositions … de l’article 193 de l’annexe II au code général des impôts, pris pour l’application de l’article 260 du même code, n’imposent pas au propriétaire d’un immeuble au sein duquel il loue plusieurs locaux nus pour lesquels l’option à la taxe sur la valeur ajoutée est possible, que le preneur soit ou non lui-même assujetti à la taxe, de soumettre la totalité de ces locaux à la taxe mais doivent être interprétées en ce sens que le bailleur a la possibilité de ne soumettre qu’une partie des locaux nus qu’il loue au sein d’un même bâtiment à condition que son option identifie de manière expresse, précise et non équivoque, le ou les baux ainsi que les locaux concernés et permette par là-même d’en exclure les autres locaux. En revanche, en dehors de cette hypothèse, ce n’est qu’en l’absence de telles précisions que l’option sera présumée s’appliquer globalement à l’ensemble des locaux pour lesquels elle était possible. Ces dispositions de l’article 193 ne sauraient avoir pour objet ni pour effet de soumettre à la taxe des baux et des locaux pour lesquels l’option n’a pas été expressément formulée par le bailleur. »
CAA NANCY 27 décembre 2019, N°18NC02185, SCI EMO
Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?
Je suis déjà propriétaire d’un local dans un immeuble pour lequel j’ai opté à la TVA sur les loyers. Je projette d’acheter un deuxième local qui sera loué à un locataire non assujetti à la TVA, et je constate pour diverses raisons, que je n’ai pas intérêt à assujettir ces nouveaux loyers à la TVA.
Que faire tant que l’administration ne s’est pas positionnée suite à ce « peut-être » début de jurisprudence ?
Si j’opte pour la TVA sur les loyers du nouveau local, et que l’administration se soumet, il sera difficile pour moi de demander un remboursement de TVA au seul motif que j’ai opté en pensant ne pas avoir le choix (cf doctrine administrative actuelle).
Si je ne soumets pas les loyers à la TVA, j’encours un redressement.
La solution est peut-être alors de ne pas opter, mais d’assujettir les loyers à la TVA, assujettissement validé contractuellement avec mon locataire et imposé par la doctrine administrative actuelle, et de réclamer un remboursement à l’administration sur le fondement de l’arrêt ci-dessus. Les chances de succès sont faibles. Mais ce sera le seul moyen d’obtenir un remboursement si l’administration venait à se soumettre à l’avenir.