Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

DONATION DE LA NUE-PROPRIETE D’UN BIEN LOUE EN ROBIEN ET RESPONSABILITE DU NOTAIRE

Un notaire est-il tenu d’interroger ses clients sur l’application d’un régime de défiscalisation avant de recevoir un acte de donation de nue-propriété ? Une Cour d’appel se prononce.

La décision

Mme R détient 98 des 100 parts sociales composant le capital social d’une SCI, ses deux filles détenant chacune une part sociale.

La SCI, soumise à l’IR, loue des biens immobiliers sous le dispositif Robien.

Par acte notarié de juillet 2014, Mme R donne à titre de partage anticipé à ses deux filles la nue-propriété des 98 parts sociales de la SCI.

L’administration remet en cause l’avantage fiscal lié au dispositif Robien en raison du démembrement des parts de la SCI.

Après avoir transigé avec l’administration, Mme R engage la responsabilité du notaire.

En première instance, le notaire est notamment condamné au remboursement de la somme versée consécutivement à la perte de l’avantage fiscal.

Le notaire fait appel, invoquant sur ce point que « le notaire ne serait tenu que d’informer ses clients des conséquences directes et immédiates de l’opération qu’il lui est demandé d’instrumenter et seulement en considération des éléments devant lui être transmis spontanément par les clients dès lors qu’ils sont censés ne pas pouvoir en ignorer l’existence ; qu’il n’était pas tenu de se livrer à une expertise comptable et financière générale de la Sci concernée pour s’assurer d’éventuelles conséquences indirectes notamment sur le plan fiscal ».

La Cour d’appel – CA TOULOUSE, 13 décembre 2022, n° 21/01089 – le déboute :

« Au vu de ce seul document, le notaire qui était chargé de préparer l’acte de donation-partage de la nue-propriété des 98 parts alors détenues par Mme [N] [R] dans la Sci était en mesure de savoir que la Sci Boreal constituée en 2007 était désormais propriétaire d’un tènement immobilier comportant outre un terrain, quatre maisons, constituant un actif réévalué de 628.000 €, que cette Sci percevait des revenus, et restait débitrice d’un emprunt. Il devait donc interroger ses clientes sur l’origine de ces revenus et le régime fiscal applicable à ce titre tant à la Sci qu’aux associées personnes physiques, a minima en demandant la production du bilan clos au 31 décembre 2013 de la Sci sur lequel se basait l’expert-comptable pour procéder à l’évaluation des parts à démembrer ainsi que les dernières impositions tant de la Sci que des associées personnes physiques. En s’abstenant d’une telle démarche, il s’est privé de la possibilité d’identifier que les immeubles édifiés par la Sci, donnés en location, autorisaient une déduction fiscale annuelle au titre de l’amortissement sous le régime De Robien depuis 2008, bénéficiant corrélativement aux revenus des parts de sociétés non soumises à l’impôt sur les sociétés dont Mme [R] était titulaire et qu’elle entendait démembrer, avantages fiscaux susceptibles d’être remis en cause par le démembrement de propriété en application du code général des impôts, (…)

Au regard de cet enjeu financier aux conséquences définitives et immédiates dès le démembrement de propriété, et de son âge à la date de la donation-partage (65 ans), Mme [R], si elle avait été correctement informée, aurait fait le choix certain a minima de reporter de deux années supplémentaires la transmission de la nue-propriété de ses parts sociales dans la Sci Boreal à ses filles afin de ne pas perdre ses avantages fiscaux, le pourcentage d’évaluation de la transmission en nue-propriété restant le même deux ans plus tard, soit 60% de la valeur des biens et la transmission étant d’ores et déjà taxable. »

Décryptage

La mesure de tempérament faisant exception à la remise en cause de l’avantage fiscal en cas de cession de la nue-propriété applicable dans le dispositif « Besson ancien » n’est pas transposable aux dispositifs reposant sur un mécanisme d’amortissement tels que le dispositif Robien, qui supposent de conserver la pleine propriété des biens amortissables pendant la période couverte par l’engagement de location.

La donation de la nue-propriété de biens bénéficiant d’un tel dispositif reposant sur un mécanisme d’amortissement fait perdre l’avantage fiscal.

Le notaire recevant un acte de donation est-il tenu de s’informer de la souscription d’un tel engagement fiscal sur les biens donnés en nue-propriété afin d’informer les clients sur les conséquences d’une telle donation ?

C’est ce que retient la Cour d’appel qui estime qu’il aurait dû interroger les clients sur l’origine des revenus de la SCI et le régime fiscal applicable.

On peut toutefois noter un arrêt dans lequel la Cour de cassation retient la responsabilité du notaire, mais en soulignant sa connaissance de l’engagement fiscal (Cass. civ. 1, 27 novembre 2019, n° 18-22.147, Inédit) :

« Qu’en statuant ainsi, alors qu’il incombait au notaire, qui connaissait le choix antérieur des donateurs en faveur du dispositif dit « Borloo neuf », d’informer ceux-ci que la conclusion de l’acte de la donation-partage était de nature à remettre en cause le bénéfice de cet avantage fiscal, la cour d’appel a violé le texte susvisé »

Quoi qu’il en soit, la prudence devrait conduire le notaire qui reçoit un acte de donation de la nue-propriété de biens immobiliers ou de titre de société à  l’IR détenant des biens immobiliers, à systématiquement interroger le client sur ce point et en conserver la trace écrite.

Abonnements

Partager
Facebook
Twitter
LinkedIn
E-mail
AVERTISSEMENT

Les sites resodinfo.fr et communaute.resodinfo.fr s’adressent à des professionnels ou futurs professionnels du droit, du chiffre, de la finance, de la gestion de patrimoine, …

Ils ne sont pas destinés à des internautes non professionnels ne possédant pas l’expérience, les connaissances et la compétence nécessaires pour prendre leurs propres décisions et évaluer correctement les risques encourus.

Toutes les informations disponibles sur les sites ont un caractère exclusivement indicatif.

Les contenus publiés n’ont aucun caractère exhaustif et ne font qu’exprimer un avis, inopposable en cas d’action, recours ou contentieux devant les autorités, juridictions administratives, judiciaires ou à l’égard de tout tiers. Ces contenus sont communiqués à titre purement informatif et ne peuvent en aucun cas être considérés comme constituant une consultation fiscale et/ou juridique.

Les informations disponibles sur les sites ne constituent en aucun cas une incitation à investir et ne peuvent être considérées comme étant un conseil d’investissement. En aucun cas, les informations publiées sur les sites ne représentent une offre de produits ou de services pouvant être assimilée à un appel public à l’épargne, ou à une activité de démarchage ou de sollicitation à l’achat ou à la vente d’OPCVM ou de tout autre produit de gestion, d’investissement, d’assurance…

Il est toutefois rappelé que les performances passées ne préjugent pas des performances futures.

La société Resodinfo ne saurait être tenue responsable de toute décision fondée sur une information mentionnée sur les sites resodinfo.fr et communaute.resodinfo.fr.

Aucune garantie ne peut être donnée quant à l’exactitude et l’exhaustivité des informations diffusées.

Resodinfo, et ses fournisseurs d’information et/ou de contenu à caractère commercial, ne pourront voir leurs responsabilités engagées du fait des informations fournies, y compris en cas de pertes financières directes ou indirectes causées par l’utilisation des informations fournies.