Une personne consent une donation de somme d’argent tout en s’en réservant le quasi-usufruit. L’administration estimant que l’acte est fictif pour défaut d’intention libérale, refuse la déduction de la dette de restitution. Le Comité de l’abus de droit fiscal se prononce.
La décision
En 2010, Mme Z consent à chacun de ses deux enfants une donation de la nue-propriété d’une somme de 1.600.000 €, dont elle s’est réservé l’usufruit.
Elle décède en 2015. Dans la déclaration de succession figure au passif une dette de restitution de 3.200.000 €.
L’administration remet en cause la déductibilité de cette dette, invoquant la fictivité de la donation de 2010, faute de dessaisissement de la donatrice et d’intention libérale.
Le comité de l’abus de droit fiscal – Séance n° du 11 mai 2023 – Affaires n° 2022-15 et 2002-16 – donne partiellement raison à l’administration : après avoir constaté que la somme d’argent effectivement détenue par Mme Z à la date de la donation, qui atteignait 2.952.150 €, était inférieure à celle de 3.200.000 € dont la nue-propriété constituait l’objet de la donation, il en déduit que l’acte de donation doit être considéré comme fictif à hauteur de la somme d’argent de 247.850 euros, correspondant à la différence entre ces deux sommes, et que cet acte ne pouvait conduire, dans cette proportion, à la constatation d’une dette déductible de l’actif successoral.
Pour consulter la décision :
https://www.impots.gouv.fr/les-avis-commentes-par-ladministration
Décryptage
Le donateur d’une somme d’argent peut s’en réserver l’usufruit, conformément à l’article 581 du Code civil qui précise que l’usufruit peut être établi sur toute espèce de biens meubles ou immeubles. La doctrine majoritaire considère que son droit sera un quasi-usufruit légal compte tenu du caractère à la fois consomptible et fongible de la chose sur laquelle il porte.
Que le quasi-usufruit soit d’origine légale ou conventionnelle, le quasi-usufruitier peut consommer librement le bien objet de son droit, mais à la charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité, soit leur valeur estimée à la date de la restitution (art. 587 C. civ.). On parle de dette de restitution.
Au décès du quasi-usufruitier, la déductibilité de la dette de restitution n’est, sur le principe, pas remise en cause par l’administration fiscale. Elle tend en revanche à remettre en cause le montant déductible (en cas d’indexation de la dette de restitution, lorsque le conjoint survivant quasi-usufruitier a pris en charge le règlement des droits de succession incombant à ses enfants, …).
En l’espèce, en application de l’article L.64 du LPF, l’administration invoquait la fictivité de la donation, faute de dessaisissement de la donatrice et d’intention libérale. Si la donation lui était inopposable, la dette de restitution n’était pas déductible.
Le Comité de l’abus de droit fiscal ne suit pas ce raisonnement : la donation de somme d’argent avec réserve de quasi-usufruit n’est pas, en elle-même, fictive, y compris :
– en l’absence de sûreté garantissant le remboursement de la dette,
– en l’absence de mention dans l’acte de donation de références bancaires précises permettant d’identifier le capital transmis,
– en l’absence de clause prévoyant l’information des nus-propriétaires sur l’utilisation et le remploi des fonds.
Toutefois, le Comité relève que la donation ne peut porter que sur une somme d’argent existant dans le patrimoine du donateur au moment de la donation.
Elle ne peut porter, même pour partie, sur la somme pouvant résulter de la cession ultérieure de valeurs mobilières par ailleurs détenues par la donatrice.
Notons que l’administration s’est rangée à l’avis émis par le comité.
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