Le légataire particulier d’un défunt se fonde sur l’acte de délivrance de son legs pour réaliser un commandement de payer à l’encontre des héritiers. La Cour de cassation intervient pour rappeler qu’il saute une étape. Décryptage.
La décision
Denis décède en janvier 1993, laissant pour lui succéder son fils Jean, lui-même décédé en juin 2000 en laissant pour lui succéder son épouse Isabelle, et Yolande, sa fille issue d’une précédente union.
Se prévalant d’un testament authentique de juin 1991, par lequel Denis l’avait institué légataire particulier d’une somme d’argent, François assigne Isabelle et Yolande en délivrance de son legs.
Statuant sur renvoi le 27 juin 2019, la Cour d’appel de VERSAILLES, valide le commandement de payer notifié par François.
Isabelle forme un pourvoi au motif que seul le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur, et que la délivrance d’un legs a pour seul objet de reconnaître les droits du légataire et doit être distingué du paiement du legs lequel ne peut intervenir que dans le cadre des opérations de partage par l’attribution au légataire de biens le remplissant de ses droits.
Par un arrêt n°19-22693 du 21 septembre 2022 publié au bulletin, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation casse :
Il résulte de l’article L 111-2 du CPC que le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution.
Il résulte de l’article 1014 du Code civil que la délivrance d’un legs particulier a pour seul objet la reconnaissance des droits du légataire, permettant l’entrée en possession de l’objet du legs et l’acquisition des fruits, et se distingue du paiement du legs.
Dès lors, elle ne constitue pas un titre exécutoire autorisant le légataire à procéder à des mesures d’exécution forcée.
Décryptage
A quoi sert la délivrance de legs ? : à conférer la saisine aux légataires.
La saisine n’est pas le transfert de propriété, qui s’opère automatiquement au profit du légataire par le décès du testateur. Son « titre de propriété » est le testament.
La saisine n’est pas non plus la possession.
La saisine est le déclencheur qui permet au légataire d’exercer toutes les prérogatives du propriétaire qu’il est déjà : entrée en possession, droit aux fruits, droit de disposer.
Les titulaires de plein droit de la saisine sont les héritiers naturels et le conjoint survivant.
Ce sont eux que le légataire doit solliciter pour être « adoubé ».
Mais attention, une fois la délivrance accordée, le légataire n’en est pas pour autant payé de sa créance contre la succession. C’est l’étape d’après, même si cette « décharge de legs » peut se réaliser à l’occasion d’un seul et même acte.
C’est ce que rappelle ici la Cour suprême.
Pour consulter la décision :