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LES TRAVAUX DE VIABILISATION REALISES PAR UN PARTICULIER AVANT LA VENTE D’UN TERRAIN A BATIR RENDENT-ILS LA TVA EXIGIBLE ?

Un particulier cède un terrain à bâtir, après travaux de viabilisation. Dans quelles conditions l’opération entre-t-elle dans le champ d’application de la TVA ? Le Conseil d’Etat précise que la caractérisation de l’existence de démarches actives de commercialisation relève du pouvoir souverain des juges du fond.

La décision

En 1998, M. et Mme A signent un avant-contrat d’acquisition d’un terrain sous diverses conditions suspensives dont l’une était liée à la révision du plan d’occupation des sols. Suite à la révision du POS, le terrain est classé en zone non constructible. Les époux acquièrent tout de même le terrain en 2000. Après modification du PLU et obtention d’un permis d’aménager ayant nécessité l’acquisition d’une autre parcelle, les époux A cèdent en 2010 l’ensemble des terrains à une société de promotion immobilière dont ils sont associés.

L’administration fiscale considère que le profit tiré de cette opération devait être soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des BIC, ainsi qu’à la TVA.

Par un arrêt du 7 octobre 2021, la Cour administrative d’appel de BORDEAUX déboute l’administration fiscale.

Le ministre de l’économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre cet arrêt invoquant que : « la livraison, par une personne physique, de terrains à bâtir est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu’elle procède, non de la simple gestion d’un patrimoine privé, mais de démarches actives de commercialisation foncière, telles que la réalisation de travaux de viabilisation ou la mise en œuvre de moyens de commercialisation de type professionnel, similaires à celles déployées par un producteur, un commerçant ou un prestataire de services, et qu’elle permet ainsi de regarder cette personne comme ayant exercé une activité économique. Relèvent également de telles démarches celles entreprises dans le cadre d’une opération d’aménagement d’un terrain à bâtir, d’une ampleur telle qu’elles ne sauraient relever de la simple gestion d’un patrimoine privé. »

Le Conseil d’Etat (CE, 9ème – 10ème chambres réunies, 9 décembre 2022, n° 459206) rejette le pourvoi :

« 4. Pour accorder la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, la cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé qu’avant de céder les terrains en cause, M. et Mme A… n’avaient mis en œuvre aucune démarche active de commercialisation foncière similaire à celles déployées par un producteur, un commerçant ou un prestataire de services et que, par suite, en procédant à la cession de ces terrains, ils ne pouvaient être regardés comme ayant exercé une activité économique.
5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus qu’en estimant, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que les démarches entreprises par M. et Mme A… avant la cession des parcelles en cause n’étaient pas au nombre des démarches actives de commercialisation foncière et que, par suite, ils ne pouvaient être regardés comme ayant exercé une activité économique en procédant à cette cession, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ni, par voie de conséquence, inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. »

Pour consulter la décision :

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000046720332?init=true&page=1&query=459206&searchField=ALL&tab_selection=all

Décryptage

Les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux sont soumises à la TVA si elles sont réalisées par un assujetti agissant en tant que tel (article 256 du CGI).

La notion d’assujetti correspond à l’exercice, de manière indépendante, d’une activité économique (article 256 A du CGI).

Parmi les opérations immobilières soumises à la TVA, figurent les livraisons de terrains à bâtir (article 257 du CGI).

La cession d’un terrain à bâtir réalisée par un assujetti agissant en tant que tel est donc soumise à la TVA.

Un particulier qui cède un terrain à bâtir est présumé ne pas agir en qualité d’assujetti : la cession n’entre pas dans le champ d’application de la TVA.

Toutefois, cette présomption peut être renversée si le cédant entre dans une démarche active de commercialisation caractérisant une activité économique.

L’administration précise notamment (BOI-TVA-IMM-10-10-10-10) :

« 60 (…)

En revanche, cette présomption pourra être renversée lorsque le cédant entre dans une démarche active de commercialisation foncière, acquérant les biens en dehors d’une pure démarche patrimoniale ou mobilisant des moyens qui le placent en concurrence avec les professionnels. Ainsi le fait de confier la vente d’un terrain à un notaire ou une agence rémunérés uniquement par une commission payable par l’acquéreur ne constitue pas une démarche active de commercialisation, alors que le fait d’engager des moyens propres (tels que l’ouverture d’un bureau de vente ou des commissions garanties versées à un agent mandaté) tend à révéler une approche professionnelle concurrentielle.

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On suivra donc la méthode du faisceau d’indices déjà classiquement utilisée pour la requalification de cessions réputées privées en opérations de marchands de biens : là où les critères d’importance et d’habitude ne suffisent pas à caractériser une activité économique, on pourra considérer celle-ci comme bien établie lorsqu’en outre le cédant se trouve engager des dépenses d’aménagement significatives, et a fortiori lorsque ces dernières sont prépondérantes dans la valeur des cessions réalisées. Sans remettre en cause la spécificité d’analyse propre à chaque impôt, la qualification de l’opération au regard du régime des plus-values peut aussi être utilement prise en considération. »

Caractériser une activité économique pour soumettre l’opération à la TVA relève donc d’une appréciation concrète des faits.

En l’espèce, le ministre invoquait la réalisation de travaux de viabilisation et la mise en œuvre de moyens de commercialisation de type professionnel, permettant de regarder la personne comme ayant exercé une activité économique.

Certes, le pourvoi est rejeté mais non car de tels travaux de viabilisation ne peuvent pas caractériser une activité économique, mais au motif que le ministre ne soulève aucun moyen de dénaturation permettant de remettre en cause l’appréciation souveraine des juges du fond (qui ont décidé du contraire).

A cet égard, les conclusions du rapporteur public sont éclairantes :

« Il est toutefois constant que les époux ont sollicité, et obtenu un permis d’aménager prévoyant la création de pistes cyclables, de chemins piétonniers et l’édification d’un bassin de rétention, après avoir ajusté, à cet effet, leur projet initial en achetant une parcelle mitoyenne au terrain d’origine. Or la conception d’un projet de cette nature, qui implique la planification de travaux d’une ampleur non négligeable, nous semble, compte tenu de sa complexité, constitutive d’une démarche de type professionnel, excédant la simple gestion d’un patrimoine privé.

Il nous semble utile que vous précisiez expressément ce point dans votre décision, ce qui contribuera à lever le risque d’une interprétation trop restrictive, par les juges du fond – et, certainement, par l’administration fiscale elle-même -, quant à la portée de la notion de démarche active de commercialisation foncière. Son énonciation demeurera, en revanche, sans incidence sur le sort du pourvoi. Alors que vous avez laissé à l’appréciation souveraine des juges du fond, dans le précédent P…, la question de savoir si les mesures caractérisaient, ou non, l’existence de démarches actives de commercialisation, le ministre ne soulève aucun moyen de dénaturation. »

Dans le même sens, on peut noter un arrêt de 2020 du Conseil d’Etat (CE, 8ème – 3ème chambres réunies, 9 juin 2020, n° 432596) duquel il ressort que la livraison, par une personne physique, de terrains à bâtir est soumise à la TVA lorsqu’elle procède, non de la simple gestion d’un patrimoine privé, mais de démarches actives de commercialisation foncière, telles que la réalisation de travaux de viabilisation ou la mise en œuvre de moyens de commercialisation de type professionnel, similaires à celles déployées par un producteur, un commerçant ou un prestataire de services, et qu’elle permet ainsi de regarder cette personne comme ayant exercé une activité économique.

En l’espèce, le particulier avait acquis des terrains entre 1977 et 1991 qu’il avait aménagés en procédant à des travaux de viabilisation représentant plus de 40 % du prix des ventes réalisées en 2011 et 2012. Les juges du fond avaient estimé que de tels travaux, eu égard à leur importance, ne relevaient pas de la simple gestion d’un patrimoine privé mais caractérisaient l’existence de démarches actives de commercialisation.

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