L’assureur envoie tous les éléments requis au bénéficiaire. Le notaire ne se préoccupe pas du contrat d’assurance-vie. Qui est responsable du retard de paiement des droits au titre de l’article 757 B du CGI ? La Cour de cassation tranche.
La décision
Madame W décède en mars 2014. Monsieur E, légataire universel, reçoit, après le règlement de la succession par le notaire, une proposition de rectification au titre de trois contrats d’assurance-vie dont il était bénéficiaire. Il assigne alors le notaire en responsabilité, lequel se retourne contre la compagnie d’assurance.
La Cour d’appel de DOUAI – CA DOUAI, 10 juin 2021, n° 20/00983 – retient :
– la responsabilité du notaire, considérant qu’il avait omis d’interroger sans ambiguïté la compagnie d’assurance et d’attirer l’attention du légataire universel sur les conséquences fiscales ;
– le partage de ladite responsabilité par l’assureur, considérant que ce-dernier s’était, malgré la connaissance du décès, abstenu d’informer le notaire de l’existence de contrats d’assurance-vie et ne justifiait pas de l’information fournie au bénéficiaire.
L’assureur fait grief à l’arrêt de le condamner à garantir le notaire à concurrence de 50%, alors :
- Que l’assureur n’est pas tenu d’informer le notaire de l’existence de contrats d’assurance-vie sans demande de sa part.
- Qu’il avait adressé un dossier complet à l’ensemble des bénéficiaires.
La Cour de cassation – Civ. 1 n°21-20.272 du 13 avril 2023 publié au bulletin – lui donne raison :
« Vu les articles L. 132-8, dernier alinéa, du code des assurances et L. 292 A, alinéa 2, de l’annexe II du code général des impôts, dans sa rédaction issue du décret n° 92-468 du 21 mai 1992 :
6. Il résulte du premier de ces textes que, lorsqu’il est informé du décès de l’assuré, l’assureur est tenu de rechercher le bénéficiaire d’un contrat d’assurance sur la vie et, si cette recherche aboutit, de l’aviser de la stipulation effectuée à son profit, et du second, qu’il est tenu, sur la demande des bénéficiaires, de leur communiquer la date de souscription de tels contrats et le montant des primes versées après le soixante-dixième anniversaire de l’assuré.
7. Pour condamner l’assureur à garantir partiellement le notaire chargé de la succession des condamnations prononcées à son encontre, l’arrêt retient, d’une part, qu’informé par ce notaire du décès de [D] [M], il s’est abstenu de porter à sa connaissance l’existence des contrats d’assurance-vie souscrits par la défunte, d’autre part, qu’il ne rapporte pas la preuve d’avoir envoyé le moindre courrier au bénéficiaire ou à sa curatrice avant le 16 août 2016, de sorte que ceux-ci, ainsi que le notaire, sont restés, pendant toute la durée du délai légal de déclaration fiscale, dans l’ignorance de ce qu’une partie des primes d’assurance était assujettie aux droits de succession.
8. En statuant ainsi, alors, d’une part, que l’assureur n’était pas tenu de porter à la connaissance du notaire, qui ne lui en avait pas fait la demande, l’existence des contrats d’assurance sur la vie souscrits par la de cujus, d’autre part, qu’il résultait de ses constatations que la curatrice de M. [E] attestait que celui-ci n’avait pas ouvert les courriers que lui avait adressés l’assureur, la cour d’appel, qui a n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. »
Pour consulter la décision :
Décryptage
Cette décision est l’occasion de rappeler le rôle de chacun :
La compagnie d’assurance est tenue de contacter le bénéficiaire et de lui fournir toutes les informations requises pour s’acquitter de ses obligations fiscales, puis de lui délivrer les capitaux lui revenant en contrepartie du certificat fiscal. Le secret professionnel lui interdit de contacter le notaire si la réalisation de sa mission ne lui impose pas, comme par exemple connaître les bénéficiaires désignés par voie testamentaire. Elle ne peut non plus répondre au notaire sur des demandes d’informations que dans des cas précis, voire sur ordre du juge.
Le notaire, quant à lui, n’est pas tenu de tenir compte des contrats d’assurance-vie éventuels, à moins que la préservation de la réserve ne soit en cause, que les abattements de droit commun aient été utilisés au titre de l’assurance-vie en tout ou partie, qu’il ne soit chargé de déclarer certains contrats et qu’il ait ainsi à répartir l’abattement de 30.500 €, …
Le grand absent dans ces questions de responsabilités est le client. C’est à lui que chaque professionnel doit s’adresser lorsqu’il a besoin d’obtenir des informations que son interlocuteur n’est pas en droit de lui fournir.
Il appartient donc au notaire de lui faire signer une reconnaissance de conseils donnés pour prouver, le cas échéant, qu’il a été informé des conséquences de l’absence de fourniture des informations requises, au professionnel chargé de les traiter.