Une SCI achète, loue, puis revend des biens immobiliers. L’administration invoque la qualité de marchand de biens pour l’assujettir à l’IS. Le Conseil d’Etat se prononce une nouvelle fois.
La décision
La société El Khomssi, qui a pour objet social l’acquisition ou la construction de tout bien immobilier ainsi que sa gestion et son exploitation par bail, était, notamment, propriétaire d’un garage de mécanique acquis en 2001 et donné à bail commercial à un professionnel de l’automobile jusqu’en 2011.
Après le départ de son locataire, la société a obtenu, en 2014, un permis de démolir ce bâtiment et d’édifier sur la parcelle deux immeubles composés chacun de neuf appartements, puis a procédé à la vente des dix-huit appartements, par lots distincts.
L’administration fiscale a estimé que cette opération traduisait l’exercice par la société d’une activité commerciale et l’a assujettie en conséquence à des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés au titre de l’exercice clos en 2014 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant à l’année 2014.
La CAA de MARSEILLE déboute l’administration, qui se pourvoit en cassation.
Le Conseil d’État, 8ème chambre, dans un arrêt du 22 décembre 2021, donne raison au contribuable.
L’assujettissement de la SCI au motif qu’elle se serait comportée comme un marchand de biens nécessite la double condition que les opérations procèdent d’une intention spéculative et qu’elles présentent un caractère habituel.
Or, la longueur du délai entre l’achat en 2001 et la revente en 2014, laquelle faisait suite à une période de location de dix ans en tant que garage automobile, ne permettait pas de tenir pour établie la réalité d’une intention spéculative au moment de l’acquisition.
En statuant ainsi et en regardant comme dépourvues d’incidence les modifications dans les conditions d’exploitation de la société intervenues postérieurement à la date d’acquisition de l’immeuble, lesquelles ne sont pas susceptibles de caractériser une intention spéculative à cette date, la cour n’a pas commis d’erreur de droit.
Décryptage
Cette question de la qualification d’opérations de marchand de biens est récurrente en jurisprudence.
Dans une décision récente déjà commentée ici, la CAA de Paris avait rappelé la jurisprudence du Conseil d’Etat : l’intention spéculative s’apprécie au moment de l’achat et non à la revente.
Ici, la société avait initialement acquis un tènement en vue de le louer pour une longue période.
Après une période de location suffisamment longue pour justifier de la réalité de ses intentions de départ, la décision de réaliser une promotion immobilière relevait donc d’un arbitrage patrimonial classique. Le locataire était parti. La SCI propriétaire pouvait prendre toutes les décisions qui lui semblaient opportunes sans être suspectée d’avoir eu ces projets dès son acquisition.