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REVENUS FONCIERS ET INTERETS D’EMPRUNT : DECISION TROMPEUSE DU CONSEIL D’ETAT

Une société immobilière souscrit un emprunt pour financer le rachat des parts d’un de ses associés. Le Conseil d’Etat admet la déductibilité des intérêts, mais pas dans des conditions permettant d’en dégager un principe général.

Rappels

L’impôt sur le revenu est assis sur la différence entre le revenu brut et les dépenses effectuées en vue de son acquisition et de sa conservation. C’est le principe général fixé par l’article 13 du CGI.

A ce titre, sont déductibles des revenus fonciers générés par les immeubles donnés en location, les intérêts des dettes contractées pour la conservation, l’acquisition, la construction, la réparation ou l’amélioration desdits immeubles. Art 31 I 1° d).

L’associé d’une société immobilière relevant des articles 8 à 8ter du CGI peut donc déduire :

  • Les intérêts de l’emprunt qu’il souscrit personnellement pour réaliser son apport à la société,
  • Les intérêts de l’emprunt qu’il souscrit personnellement pour acquérir ses titres sociaux,
  • Et la quote-part qui lui incombe dans les intérêts des emprunts contractés par la société pour l’acquisition, … de l’immeuble.

A l’inverse, l’administration en conclut que ne sont pas déductibles les intérêts de l’emprunt souscrit par une société immobilière pour financer le rachat des parts d’un associé.

RM Baudot n°150084 JO Sénat 2 fév 2006 reprise au BOI-RFPI-BASE-20-80 n° 80 :

« Un emprunt souscrit par une société ou un groupement en vue de procéder au rachat de tout ou partie des parts correspondant aux droits de l’un de ses associés ne peut être regardé comme contracté pour l’acquisition ou la conservation d’un revenu. Dès lors, les intérêts de cet emprunt ne peuvent être admis en déduction pour la détermination du résultat net foncier de cette société ou de ce groupement.

A l’inverse, un emprunt souscrit personnellement par un associé d’une société de personnes, visée au 1° de l’article 8 du code général des impôts et dont les résultats sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers, qu’il soit déjà présent dans la société ou non, en vue de procéder au rachat de tout ou partie des parts correspondant aux droits d’un autre associé peut être regardé comme contracté pour l’acquisition d’un revenu. Dans ce cas, l’associé acquéreur pourra déduire de la part lui revenant dans le revenu foncier déterminé par la société, les intérêts de cet emprunt. »

La décision

La SCI Marina Airport, société relevant des articles 8 à 8 ter du CGI, a pour activité la location des locaux composant un centre commercial dont elle est propriétaire. Elle souscrit un emprunt pour financer le rachat des parts de l’un de ses associés.

Les associés restant déduisent de leurs revenus fonciers leur quote-part des intérêts dudit emprunt, à l’encontre de la doctrine de l’administration. Cette dernière réagit et redresse. La Cour d’appel de Marseille donne raison au contribuable. Le ministre de l’action et des comptes publics se pourvoit en cassation.

Le Conseil d’Etat le déboute CE 9-6-2020 nos 426339, 426342 et 426343 :

« Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, sauf disposition législative spécifique, seuls les intérêts des emprunts contractés pour l’acquisition de biens ou droits immobiliers destinés à procurer des revenus fonciers sont déductibles du revenu brut foncier. Il en va notamment ainsi des intérêts des emprunts souscrits par un associé pour acquérir les parts d’une société de personnes dont les résultats sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers. Il en est de même pour le remboursement des parts d’un associé par une telle société lorsqu’il est établi que l’emprunt est nécessaire pour la conservation du revenu foncier de celle-ci.

Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d’une part, que la SCI Marina Airport, dont il est constant qu’elle était soumise au régime de l’article 8 du code général des impôts, était propriétaire d’un complexe commercial donné en location et, d’autre part, que ses résultats étaient imposables dans la catégorie des revenus fonciers entre les mains de ses associés. Après avoir relevé, par une appréciation souveraine qui n’est pas arguée de dénaturation, que cette société avait été condamnée par décision de justice à rembourser les parts d’un de ses associés et que l’inexécution d’une telle décision exposait la société et les associés restants au risque, notamment de la vente du bien dont il s’agit, la cour a pu en déduire, sans commettre d’erreur de droit, que les intérêts de l’emprunt qu’elle avait souscrit pour rembourser ces parts étaient déductibles en application des dispositions précitées de l’article 31 du code général des impôts. »

Mise en garde sur la portée de la décision

Attention à ne pas procéder à une lecture trop rapide de l’arrêt et à en conclure une déductibilité systématique des intérêts d’un emprunt souscrit par une société en vue de procéder au rachat de tout ou partie des parts correspondant aux droits de l’un de ses associés. L’arrêt précise en effet qu’il doit être établi que l’emprunt est nécessaire pour la conservation du revenu foncier de celle-ci.

Que faut-il entendre par « nécessaire pour la conservation du revenu foncier » ?

Les conclusions du rapporteur public Laurent Cytermann peuvent nous éclairer :

« Pour les motifs que nous venons d’indiquer, cette exclusion générale nous paraît à tout le moins devoir céder lorsque l’emprunt souscrit par la société de personnes pour racheter les parts d’un associé est nécessaire à la conservation du patrimoine productif de revenus, notamment, comme en l’espèce, lorsque ce rachat est ordonné par une décision judiciaire.

Le remboursement des parts d’un associé à la suite de son retrait peut cependant se présenter dans d’autres configurations. Qu’en est-il lorsque le retrait de l’associé présente un caractère amiable, ce qui est la première hypothèse envisagée par l’article 1869 du Code civil avant la décision judiciaire, et qu’aucune menace de cession forcée ne plane sur la société ?

(…)

Dès lors, nous vous invitons à n’admettre la déductibilité que pour l’hypothèse présentée par le cas d’espèce, celle dans laquelle cette acquisition est nécessaire à la conservation du patrimoine de la SCI. »

Lorsque le rachat des titres est ordonné par une décision judiciaire, les intérêts d’emprunt sont déductibles. En revanche, dans le cadre d’un rachat amiable, rien n’est moins sûr …

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