L’indemnité de réduction est en principe calculée en fonction de la valeur des biens au jour du partage. Mais le légataire universel n’étant pas en indivision avec les réservataires, doit-on lui appliquer la même règle ? La Cour de cassation tranche.
La décision
Une personne décède en septembre 2013, laissant pour lui succéder ses deux fils U et D, en l’état d’un testament olographe d’avril 2010 instituant son fils D légataire universel.
Les deux frères ne s’entendent pas sur les modalités de calcul de l’indemnité de réduction.
Par un arrêt du 27 octobre 2020, la Cour d’appel de VERSAILLES considère que le montant de l’indemnité de réduction doit être déterminée eu égard à la valeur des biens au jour du décès. En effet, les dispositions de l’article 924-2 du Code civil aux termes duquel l’indemnité de réduction se calcule d’après la valeur des biens légués à l’époque du partage, ne s’applique par définition qu’en cas de partage. Or, le légataire universel est propriétaire dès le décès et l’intégralité des biens lui reviennent sans que ne naisse une situation d’indivision.
U conteste.
Par un arrêt n°21-10570 du 22 juin 2022, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation censure le raisonnement d’appel. L’indemnité de réduction doit être calculée conformément à l’article 924-2 du Code civil, c’est-à-dire d’après la valeur des biens donnés ou légués à l’époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet.
En l’absence d’indivision entre le bénéficiaire de la libéralité et l’héritier réservataire et, par conséquent, en l’absence de partage, le montant de l’indemnité de réduction se calcule d’après la valeur des biens donnés ou légués à l’époque de sa liquidation ou de leur aliénation par le gratifié.
Décryptage
La question méritait d’être posée. Une lecture littérale de l’article 924-2 du Code civil pourrait laisser penser que son application est conditionnée par l’existence d’un partage :
« Le montant de l’indemnité de réduction se calcule d’après la valeur des biens donnés ou légués à l’époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet. … »
On comprend que la Cour d’appel ait considéré que là où la Loi semble distinguer, il y a bien lieu de distinguer. Le légataire universel n’est pas en indivision avec les réservataires, depuis l’instauration du principe de la réduction en valeur (sauf cas particulier de demande de réduction en nature). Il est débiteur de l’indemnité de réduction non pas à leur égard directement mais à l’égard de la succession. Pourquoi donc appliquer un texte qui semble ne pas concerner la situation d’espèce ?
La Cour de cassation réaffirme un principe (l’arrêt étant publié au bulletin) déjà posé l’année dernière (Civ. 1 n°20-12923 du 1er déc 2021 publié au bulletin) : l’article 924-2 s’applique à toute indemnité de réduction.
Ne nous méprenons pas : la Cour suprême n’impose pas ici d’appliquer des dispositions relatives au partage à une situation autre. Elle impose simplement d’appliquer les mêmes modalités, c’est-à-dire de déterminer l’indemnité en fonction de la valeur des biens concernés non pas au décès mais au jour où elle est calculée en vue de son paiement, ou de l’aliénation par le légataire.
Cette position est frappée du bon sens : il est hélas fréquent que les opérations liquidatives prennent plusieurs années.
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