TESTAMENT INTERNATIONAL : LE RECOURS A UN INTERPRETE EST-IL POSSIBLE ?

Est-il possible de recourir à un interprète pour l’établissement d’un testament international ? La Cour d’appel de LYON prend le contrepied de la Cour de cassation.

La décision

Mme U, de nationalité italienne, décède en février 2015, laissant pour lui succéder ses quatre enfants, ainsi que son petit-fils, venant par représentation de sa mère, pré-décédée, et en l’état d’un testament reçu, en français, en avril 2002, par un notaire, en présence de deux témoins et avec le concours d’une interprète de langue italienne, et instituant ses trois filles, légataires de la quotité disponible.
Le petit-fils remet en cause la validité du testament.

Par un arrêt du 16 juin 2020, la cour d’appel de Grenoble valide le testament comme testament international.

La Cour de cassation – Cass., civ. 1, 2 mars 2022, 20-21.068, Publié au bulletin – casse l’arrêt :

« Vu les articles 3, § 3, et 4, § 1, de la loi uniforme sur la forme d’un testament international annexée à la convention de Washington du 26 octobre 1973 : (…)
7. S’il résulte de ces textes qu’un testament international peut être écrit en une langue quelconque afin de faciliter l’expression de la volonté de son auteur, celui-ci ne peut l’être en une langue que le testateur ne comprend pas, même avec l’aide d’un interprète. »

La Cour d’appel de renvoi – CA LYON, 21 mars 2023, RG n° 22/02394) retient la validité du testament comme testament international. Elle ne suit pas la position de la Cour de cassation, retenant :

« Ainsi, il est admis au sens de la convention de Washington et de la loi uniforme qu’un testament peut être écrit en une langue quelconque et aucune autre disposition de ladite convention ou de la loi uniforme ne prévoit que le testament doit nécessairement être écrit dans une langue que le testateur comprend, la présence d’un interprète permettant précisément de remédier aux difficultés de compréhension du testateur. »

Pour consulter la décision : https://www.courdecassation.fr/decision/641aabf20c73d704f53484b9?search_api_fulltext=22/02394%20%20&date_du=&date_au=&judilibre_juridiction=ca&op=Rechercher%20sur%20judilibre&previousdecisionpage=0&previousdecisionindex=2&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=4

Décryptage

Le testament en question n’était pas valable en tant que testament authentique, car le recours à un interprète n’était alors pas autorisé.

Un testament authentique doit être rédigé en langue française. A l’époque des faits, soit tous les intervenants (notaire(s) et témoins) comprenaient également la langue étrangère dans laquelle le testateur s’exprimait, soit il fallait recourir à une autre forme de testament.

Depuis la loi du 16 février 2015, le recours à un interprète pour un testament authentique est autorisé à l’article 972 du Code civil : « Lorsque le testateur ne peut s’exprimer en langue française, la dictée et la lecture peuvent être accomplies par un interprète que le testateur choisit sur la liste nationale des experts judiciaires dressée par la Cour de cassation ou sur la liste des experts judiciaires dressée par chaque cour d’appel. »

En l’espèce, le testament a toutefois été reconnu valable par la 1ère Cour d’appel en tant que testament international.

La jurisprudence admet en effet admis qu’un testament nul en tant que testament authentique puisse être reconnu valable en tant que testament international :

« l’annulation d’un testament authentique pour non-respect des dispositions des articles 971 à 975 du code civil ne fait pas obstacle à la validité de l’acte en tant que testament international, dès lors que les formalités prescrites par la Convention de Washington du 26 octobre 1973 ont été accomplies » (Cass. civ. 1, 12 juin 2014, n° 13-18383 Publié au bulletin ; Cass., civ.1, 5 septembre 2018, n° 17-26.010, Publié au bulletin).

Toutefois, en l’espèce, ce sauvetage n’a pas été validé par la Cour de cassation qui a retenu que si « un testament international peut être écrit en une langue quelconque afin de faciliter l’expression de la volonté de son auteur, celui-ci ne peut l’être en une langue que le testateur ne comprend pas, même avec l’aide d’un interprète. »

Cette décision avait divisé la doctrine, certains auteurs estimant qu’elle ne respectait pas l’esprit de la Convention de Washington.

La Cour d’appel de Lyon s’oppose au raisonnement de la Cour de cassation, en invoquant qu’aucune disposition ne prévoit que le testament international doit nécessairement être écrit dans une langue que le testateur comprend.

Il est vrai qu’il résulte de la Convention de Washington du 26 octobre 1973 relative au testament international que les conditions de l’intervention des interprètes éventuellement appelés à intervenir sont régies par la loi en vertu de laquelle la personne habilitée a été désignée. Elle valide donc le recours à un interprète mais sous réserve de la loi « interne ».

En l’espèce, la personne habilitée étant un notaire français, c’est la loi française qui s’applique, laquelle ne prévoit pas l’intervention d’un interprète pour le testament international (le recours à un interprète n’étant admis que depuis 2015 et seulement pour le testament authentique).

Mais le renvoi à la loi interne concerne-t-il la possibilité de recourir ou non à un interprète ou seulement les conditions de son intervention ?

A suivre …

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