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TVA SUR MARGE : L’ADMINISTRATION SE MONTRE BIENVEILLANTE EN ATTENDANT LA SUITE DU FEUILLETON

Le feuilleton de la TVA sur marge, qui dure depuis déjà plusieurs années, a connu un rebondissement important, suite à l’intervention récente de la CJUE. Le ministre rassure les professionnels : les éclaircissements interviendront lorsque le juge national se sera prononcé. En attendant, la doctrine de l’administration ne change pas. Explications.

Rappel sur la situation depuis l’arrêt « ICADE PROMOTION »

Il y a quelques semaines, nous avions commenté l’arrêt « ICADE PROMOTION » n°C-299/20 rendu le 30 septembre 2021 par la CJUE en matière de TVA sur marge. https://www.resodinfo.fr/tva-sur-marge-le-coup-de-theatre-de-la-cjue-dans-larret-icade-promotion/

Cette décision ayant donné lieu à d’importants débats des commentateurs, difficilement lisibles pour les praticiens, nous avions tenté de la synthétiser de la façon suivante :

  • La CJUE confirme que l’application du régime de la TVA sur la marge nécessite que le bien vendu soit identique juridiquement au bien acquis.
  • La CJUE confirme que l’identité physique n’est pas requise pour bénéficier de la TVA sur la marge. A ce titre, elle précise que les travaux de viabilisation ne transforment pas un terrain à bâtir en terrain bâti.
  • Le régime de la TVA sur la marge s’applique à la cession d’un terrain à bâtir (acquis en tant que terrain à bâtir/condition d’identité juridique) par un vendeur assujetti agissant en tant que tel, si :
    • Soit l’acquisition a été soumise à la TVA, sans que l’assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire cette taxe,
    • Soit l’acquisition n’a pas été soumise à la TVA (hors champs d’application, par exemple vente par un non assujetti) alors que le prix auquel l’assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial. Reste à déterminer dans quelles conditions apprécier un tel critère.

Le champ d’application du régime de TVA sur marge est donc différent de ce qui résulte de la doctrine administrative française actuelle.

  • Tant que l’administration fiscale française n’a pas modifié sa doctrine, elle lui est opposable. Dans un sens, c’est confortable. En effet, le rapprochement de cette décision avec l’analyse administrative française est complexe.
  • L’incertitude aura duré 14 ans pour la société ICADE PROMOTION, et à travers elle, pour tous les professionnels assimilés. On peut craindre qu’elle ne soit pas terminée compte tenu de la technicité de la décision. Pourtant, l’opération concernée est tristement simple et courante. Comment peut-on encore se demander pourquoi les constructions de logements ne sont pas suffisantes en France ?

Ce que dit la Réponse ministérielle Grau

Le député des Pyrénées Orientales Romain Grau s’est fait le porte-parole des professionnels de l’immobilier pour interroger le ministre sur la position de l’administration suite à la décision de la CJUE.

Par une RM n°42486 JOAN 1er fév 2022, le ministre répond :

  • Tant que la mise à jour du BOFIP (devant intervenir après que le juge national aura tranché le litige et en concertation avec les acteurs du secteur immobilier) n’est pas intervenue, la doctrine administrative, même en contradiction avec la position de la CJUE, peut lui être opposée.
  • Lors de la publication de la mise à jour du BOFIP, les opérations en cours ne seront pas concernées par la nouvelle doctrine (sous réserve de l’antériorité de l’acquisition ou au moins de la signature d’un compromis).

Reste une question : quelle sera la position de l’administration face à un assujetti qui préfèrera invoquer la jurisprudence de la CJUE ?

Le texte de la RM

Question de M. Romain Grau

Député Pyrénées-Orientales –

M. Romain Grau attire l’attention de M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance sur la TVA sur marge due en application des dispositions de l’article 268 du code général des impôts). Dans l’arrêt du 30 septembre 2021, rendu dans l’affaire Icade promotion SAS, la Cour de justice de l’Union européenne a notamment jugé que « l’article 392 de la directive [TVA] doit être interprété en ce sens qu’il permet d’appliquer le régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir aussi bien lorsque leur acquisition a été soumise à [TVA], sans que l’assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire cette taxe, que lorsque leur acquisition n’a pas été soumise à la TVA alors que le prix auquel l’assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial. Toutefois, en dehors de cette hypothèse, cette disposition ne s’applique pas à des opérations de livraison de terrains à bâtir dont l’acquisition initiale n’a pas été soumise à la TVA, soit qu’elle se trouve en dehors de son champ d’application, soit qu’elle s’en trouve exonérée ». En ce qui concerne les opérations en cours, cet arrêt pourrait remettre en cause l’application de la TVA sur marge et conduire à une taxation, plus élevée, sur le prix. Aux fins de sécuriser ces opérations, il lui demande de bien vouloir d’ores et déjà confirmer que les commentaires publiés le 13 mai 2020 au BOFIP sous les références BOI-TVA-IMM-10-20-10 ) demeurent opposables sur le fondement de l’article L. 80A du livre des procédures fiscales), y compris s’agissant des opérations qui interviendront postérieurement à la publication des nouveaux commentaires tirant les conséquences de l’arrêt susvisé, mais pour lesquelles la promesse de vente aura été signée ou l’autorisation d’urbanisme déposée antérieurement à ladite publication.

Publication au JO : Assemblée nationale du 09 nov. 2021

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans une décision du 30 septembre 2021) « Icade Promotion SAS contre Ministère de l’Action et des Comptes publics » (C-299/20) rendue sur renvoi préjudiciel formé par le Conseil d’État, a interprété le dispositif dérogatoire de taxation sur la marge prévu à l’article 392 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006) relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (dite « directive TVA »). Selon cet article, les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat. La France a exercé cette faculté et ce régime de taxation sur la marge est prévu à l’article 268 du code général des impôts) (CGI). Selon la CJUE, l’article 392 de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’il permet d’appliquer le régime de taxation sur la marge à des opérations de livraisons de terrains à bâtir aussi bien lorsque leur acquisition a été soumise à la TVA, sans que l’assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire cette taxe, que lorsque leur acquisition n’a pas été soumise à la TVA alors que le prix auquel l’assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial. En dehors de cette hypothèse, ce régime dérogatoire de taxation sur la marge ne s’applique pas à des opérations de livraison de terrains à bâtir dont l’acquisition initiale n’a pas été soumise à la TVA, soit qu’elle se trouve en dehors de son champ d’application, soit qu’elle s’en trouve exonérée. Par ailleurs, la Cour a également précisé que l’article 392 de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’il exclut l’application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis non bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l’assujetti, des terrains à bâtir. En revanche, le juge européen n’exclut pas l’application de ce régime à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont fait l’objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l’assujetti, de modifications de leurs caractéristiques physiques telles qu’une division en lots ou la réalisation de travaux d’aménagement permettant l’installation de réseaux desservant lesdits terrains, à l’instar, notamment, des réseaux de gaz ou d’électricité. Après que le juge national aura tranché le litige national en cours, en concertation avec les acteurs du secteur de l’immobilier, l’administration tirera les conséquences de cet arrêt de la Cour par une mise à jour de ses commentaires publiés au Bulletin officiel des finances publiques – impôt (BOFiP-I) sous la référence BOI-TVA-IMM-10-20-10 ). À cet égard, aussi longtemps que cette mise à jour n’est pas intervenue, les assujettis revendeurs bénéficient pleinement de la garantie prévue par les dispositions de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales) (LPF). Cette garantie permet au contribuable de bonne foi de se prévaloir de l’interprétation faite par l’administration d’un texte, même contraire au droit de l’Union tel que précisé par la jurisprudence de la CJUE. En outre, cette garantie interdit à l’administration fiscale de remettre en cause l’application par un redevable d’un texte fiscal effectuée conformément à l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportées à la date des opérations en cause (avis « Monzani » n° 353782 du Conseil d’État du 8 mars 2013)). Enfin, le Gouvernement entend préciser que cette mise à jour de la doctrine fiscale n’aura pas vocation à remettre en cause les équilibres économiques des opérations en cours. Ainsi, dans le cadre de la revente d’un bien immobilier intervenant postérieurement à la date de publication des futures précisions doctrinales tirant les conséquences de la jurisprudence de la CJUE, l’assujetti revendeur pourra continuer à se prévaloir de l’actuelle doctrine fiscale si son acquisition du bien considéré est intervenue ou a fait l’objet d’un compromis de vente antérieurement à cette publication.

Publication au JO : Assemblée nationale du 01 févr. 2022

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