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UN APPORT AVEC PRISE EN CHARGE DE PASSIF FAIT-IL ECHEC A L’APPLICATION DU REPORT D’IMPOSITION ?

Une personne procède à un apport mixte : apport de titres avec prise en charge d’un passif lui incombant. Cette prise en charge du passif par la société bénéficiaire de l’apport constitue-t-elle une soulte au sens de l’article 150 0 B ter faisant échec à l’application du report d’imposition dès lors que son montant dépasse 10% ? La Cour d’appel de Bordeaux se prononce.

La décision

M. C détient 636 actions d’une SAS.

En 2012, il reçoit aux termes d’une donation-partage 864 actions de cette même SAS, à charge pour lui de verser à son frère co-donataire une soulte de 188.062,50 € (correspondant à la valeur de la moitié des titres reçus, soit 432 actions).

Quatre mois plus tard, il apporte l’intégralité de ses actions (les 636 détenues antérieurement + les 864 reçues par donation-partage) à une holding, à charge pour cette dernière de régler la soulte à son frère.

Il estime que cet apport relève du report d’imposition prévu par l’article 150-0 B ter du CGI.

L’administration fiscale lui adresse une proposition de rectification pour l’imposer sur le montant de la plus-value d’apport des titres. Elle considère que la prise en charge du passif par la holding correspondrait à une soulte reçue par le contribuable. Cette soulte excédant 10% de la valeur nominale des titres reçus, le report d’imposition ne serait pas applicable.

Le tribunal administratif de Limoges ayant rejeté sa demande de décharge, M. C forme appel, soutenant que la reprise de sa dette par la holding ne constitue pas une soulte au sens de l’article 150-0 B ter du CGI.

La Cour administrative d’appel – CAA Bordeaux,25 octobre 2022, n° 20BX02422 – rejette sa requête :

« Il résulte de l’instruction, et notamment de l’opération ci-dessus analysée, que l’apport des titres de la société Transports C effectué A M. B C à la société B.2.M n’a pas consisté en un simple échange de titres mais a été rémunéré pour partie par la prise en charge par la société B.2.M, en qualité de débiteur délégué, de sa dette de 188 062,50 euros à l’égard de son frère François C, ainsi que le stipule l’article 33.2 des statuts de la société en date du 28 novembre 2012. A suite, alors même que l’opération d’apport n’a entraîné en elle-même aucune plus-value imposable et ne s’est pas traduite, au profit du requérant, par des liquidités ou une contrepartie sous forme de paiement en numéraire, c’est à juste titre que l’administration a regardé ce paiement par délégation comme une soulte supérieure à 10 % de la valeur nominale des titres, de nature à mettre fin au régime de report d’imposition de la plus-value initiale. »

Pour consulter la décision :

https://opendata.justice-administrative.fr/ : CAA_202210.zip : CA_20BX02422_20221025.xml

Décryptage

Le recours à l’apport à une holding en cas de donation-partage à charge de soulte est classique, compte tenu de la fiscalité applicable.

En cas d’emprunt souscrit directement par l’enfant attributaire pour payer la soulte qu’il doit à ses co-donataires, pour rembourser 100, il faut qu’il perçoive un dividende de 142,86 (si on suppose un prélèvement forfaitaire unique de 30%).

Si l’enfant attributaire apporte les titres reçus à une holding, à charge pour elle de payer la soulte qu’il doit à ses codonataires, pour rembourser 100, il suffit que la holding perçoive un dividende de 101,3 (si on suppose un IS de 25% sur une quote-part de frais et charges de 5% = régime mère-fille).

C’est le montage retenu en l’espèce : l’enfant attributaire apporte à une holding les titres d’une SAS, savoir :

– 636 actions qu’il détenait antérieurement (porteuses d’une plus-value),

– 864 actions reçues par donation-partage quelques mois auparavant (non porteuses de plus-value).

Parmi les 864 actions reçues par donation-partage :

– la moitié correspond à « sa part » dans la masse partageable,

– l’autre moitié correspond à la part de son frère dans la masse partageable : ces 432 actions lui ont été attribuées à charge de verser une soulte à son frère.

Selon le redevable, l’opération d’apport, même si elle a été réalisée en un acte unique, consistait en deux opérations :

– une opération d’apport pur et simple portant sur les 636 actions détenues antérieurement + les 432 actions reçues par donation-partage et correspondant à sa part dans la masse partageable ;

– une opération d’apport à titre onéreux, c’est-à-dire une vente, portant sur les 432 actions reçues par donation-partage à charge de soulte.

L’apport à titre pur et simple, ne comprenant aucune stipulation de soulte, devrait bénéficier du report d’imposition.

L’apport à titre onéreux, correspondant à une vente, constituait le fait générateur de l’impôt de plus-value. La valeur d’apport étant égale à la valeur de donation, il n’y avait pas de plus-value.

Ce n’est pas la position de l’administration et des juges du fond qui semblent retenir une opération unique dans laquelle le paiement par délégation (prise en charge de la soulte par la holding) serait assimilable à une soulte au sens de l’article 150 0 B ter du CGI.

Cette soulte étant supérieure à 10% de la valeur nominale des titres reçus, le mécanisme du report d’imposition ne trouve pas à s’appliquer.

Qu’est ce qu’une soulte au sens de l’article 150 0 B ter du CGI ?

En matière de sursis (article 150 0 B du CGI) le Conseil d’Etat (CE, 8ème – 3ème chambres réunies, 31 mai 2022, n° 455349) a récemment précisé : « une somme dont le traité d’apport stipule qu’elle est versée en rémunération des apports, en complément de l’attribution de titres de la société bénéficiaire, constitue une soulte au sens des dispositions de l’article 150-0 B du code général des impôts ».

En matière de report, la doctrine administrative (certes postérieurement aux faits en cause) précise (BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60-10 n° 150) : « Pour plus de précisions sur les modalités d’appréciation de la soulte, il convient de se reporter au II-A-1 § 270 et suivants du BOI-RPPM-PVBMI-30-10-20-10. ».

Elle renvoie ainsi aux développements concernant l’importance de la soulte en matière de sursis (article 150 0 B du CGI).

La position du Conseil d’Etat en matière de sursis devrait s’appliquer en matière de report.

Constituerait une soulte en matière de sursis mais également de report, une somme dont le traité d’apport stipule qu’elle est versée en rémunération des apports, en complément de l’attribution de titres de la société bénéficiaire.

En matière de droits d’enregistrement, la doctrine administrative précise (BOI-ENR-AVS-10-30 n° 1) :

« L’apport d’un associé peut être pur et simple pour partie et à titre onéreux pour le surplus. Il est alors dit mixte.

Ce sera, en général, le cas d’un apport grevé d’un passif : l’apport est pur et simple dans la limite de la valeur nette de l’apport et à titre onéreux au-delà de cette limite. »

Elle distingue deux opérations en cas d’apport grevé d’un passif :

– apport pur et simple pour la partie rémunérée par des titres,

– apport à titre onéreux pour la partie correspondant à la prise en charge du passif.

Concernant les apports à titre onéreux, la doctrine administrative précise, toujours en matière de droits d’enregistrement (BOI-ENR-AVS-10-20 n° 1) :

« Il y a apport à titre onéreux toutes les fois que l’apporteur est rémunéré par la société bénéficiaire de l’apport au moyen d’un équivalent ferme, actuel et soustrait aux risques sociaux. Tel est le cas de la remise de titres à revenu fixe (obligations, bons de caisse), d’espèces ou encore la prise en charge d’un passif incombant à l’apporteur.

Dans ces cas, l’associé ne fait pas une véritable mise sociale, au sens de l’article 1832 du code civil, puisqu’il reçoit, en contrepartie de son apport, non pas des droits sociaux exposés aux aléas de l’entreprise, mais un avantage ferme et actuel qui lui est définitivement acquis et qui se trouve soustrait aux chances de gain, d’économie ou aux risques de perte de la société.

Il s’opère, dès lors, une transmission à titre onéreux, juridiquement indépendante de la convention principale et assujettie au droit de mutation. »

En matière de droits d’enregistrement, la doctrine considère qu’un apport à titre onéreux n’est pas un véritable apport à société car il reçoit en contrepartie de « son apport » non pas des droits sociaux mais un avantage ferme, actuel et soustrait aux risques sociaux tel que la prise en charge d’un passif incombant à l’apporteur.

Au regard de la position de l’administration sur les apports mixtes, certes en matière de droits d’enregistrement, et de la définition de la soulte fixée par le Conseil d’Etat, la décision de la Cour d’appel interroge. Affaire à suivre …

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