Dans le cadre de leur divorce, la jouissance du domicile conjugal indivis entre deux époux est attribuée à Monsieur. Mais il se trouve que leur indivision ne porte que sur la nue-propriété. La Cour de cassation intervient.
La décision
Monsieur F et Madame D, mariés sous le régime de la séparation de biens, entament une procédure de divorce. Aux termes de l’ordonnance de non-conciliation, la jouissance à titre onéreux du domicile conjugal, bien leur appartenant indivisément en nue-propriété, est attribuée à Monsieur.
Un jugement de mai 2016 prononce le divorce.
En avril 2018, Madame assigne en liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux.
Monsieur fait grief à l’arrêt – CA NIMES Chambre civile 3ème chambre famille du 17 février 2021 – de le condamner à payer une indemnité d’occupation à l’indivision alors que :
- La privation de jouissance subie par le coïndivisaire ne génère de droit à indemnité que si l’indivision a droit aux fruits, ce qui n’est pas le cas lorsque celle-ci ne porte que sur la nue-propriété du bien ;
- L’existence d’un usufruit grevant les biens indivis prive l’indivision de tout droit aux fruits et, par voie de conséquence, de tout droit à une indemnité d’occupation.
La Cour de cassation – Civ. 1 n°21-14.924 du 1er juin 2023 – lui donne raison :
« Vu les articles 815-9 et 582 du code civil :
5. Il résulte du premier de ces textes, que l’indemnité due au titre de l’occupation d’un bien indivis a pour objet de réparer le préjudice causé à l’indivision par la perte des fruits et revenus et de se substituer à ces derniers dont elle emprunte le caractère.
6. Aux termes du second, l’usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l’objet dont il a l’usufruit.
7. Pour dire M. [F], indivisaire, redevable d’une indemnité d’occupation envers l’indivision à compter du 12 mai 2014, l’arrêt retient qu’en vertu de l’ordonnance de non-conciliation, celui-ci jouit privativement du bien indivis qui constituait le domicile conjugal et que la seule privation de jouissance subie par Mme [D], coïndivisaire, génère un droit à indemnité, peu important l’existence d’un démembrement de propriété entre les époux et la mère de M. [F], usufruitière.
8. En statuant ainsi, alors qu’il n’existait pas d’indivision en jouissance entre les époux nus-propriétaires, de sorte qu’aucune indemnité d’occupation n’était due par M. [F] envers l’indivision, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »
Pour consulter la décision :
Décryptage
Cette décision de la Cour suprême pose la question suivante : pourquoi faut-il aller jusqu’en cassation pour rappeler l’évidence ?
L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité – art 815-19 C. c.
L’usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l’objet dont il a l’usufruit – art 582 C. c.
De ces deux textes, découle logiquement que le nu-propriétaire ne peut évidemment prétendre à une quelconque indemnité pour privation d’une jouissance qu’il n’a pas.
Que l’usufruitier abandonne la jouissance à qui il souhaite. Il est le seul à pouvoir s’en plaindre.