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Apport-cession : précisions du Conseil d’Etat sur la notion de réinvestissement

Un contribuable apporte les actions de sa société à une holding, sa plus-value d’apport est placée en sursis d’imposition.

La holding revend les titres apportés et utilise une partie du prix pour acquérir les titres d’autres sociétés appartenant également au contribuable.

L’opération constitue-t-elle un abus de droit ?

  Rappels

L’histoire 

3 périodes se sont succédé :

Avant le 1er janv 2000 Entre le 1er janv 2000 et le 14 nov 2012 Depuis le 1er janv 2012
Ancien report art 92 B II Sursis art 150-0 B Report art 150-0 B ter (si société contrôlée par l’apporteur) ou sursis art 150-0 B

  

La différence entre report et sursis

  • Le report : l’assiette de la plus-value est déterminée et figée à la date de l’opération d’apport mais son imposition effective est reportée à une date ultérieure.
  • Le sursis : l’opération est intercalaire, la plus-value n’est donc pas constatée = ni déclaration ni taxation immédiate.

Pour approfondir : https://www.resodinfo.fr/actualites/report-et-sursis-attention-aux-peaux-de-bananes/

Le régime du sursis, qui est venu remplacer l’ancien régime du report en 2000, continue de coexister avec le nouveau régime du report créé en 2012.

Il a vocation à s’appliquer lorsque les conditions du report ne sont pas remplies.

Ils obéissent tous deux à des règles relativement proches mais totalement indépendantes.

La question la plus importante est peut-être celle du réinvestissement en cas de cession :

J’apporte les titres de ma société à une holding, laquelle les revend.

Le sursis ou report d’imposition de ma plus-value d’apport, selon le régime dont je dépends, devient-il taxable, et si oui à quelles conditions ?

On se souvient qu’en matière de sursis, la question était plus ou moins stabilisée en jurisprudence : l’apport-cession ne constituait pas un abus de droit dès lors qu’une quote-part substantielle du produit de cession était réinvestie dans un délai raisonnable dans une activité économique.

3 ans pouvaient être considérés comme un délai raisonnable. Un bon tiers de réinvestissement avait été considéré comme suffisant par une jurisprudence de 2011. Une activité patrimoniale n’était pas considérée comme une activité économique éligible (compte courant d’associé, activité immobilière, …) sauf circonstances particulières.

Puis la Loi de finances rectificative pour 2012 est venue compliquer les choses en instituant le report d’imposition applicable en cas d’apport à une société contrôlée par l’apporteur.

Sous ce régime, la question du réinvestissement était légalisée dans des conditions qui aujourd’hui sont les suivantes :

La plus-value d’apport de titres de société IS à une société IS contrôlée bénéficie du report d’imposition, à moins que la holding ne revende les titres apportés dans les trois ans sans réinvestir dans les deux ans plus de 60% du produit de la cession dans :

  • le financement de moyens permanents de l’exploitation d’une activité opérationnelle éligible;
  • ou la prise de contrôle d’une société d’exploitation d’une activité opérationnelle éligible;
  • ou l’entrée au capital d’une ou plusieurs sociétés opérationnelles éligibles
  • ou la souscription de parts ou actions de fonds communs de placement à risques, de fonds professionnels de capital investissement, de sociétés de libre partenariat ou de sociétés de capital-risque définis.

Evolution des conditions de réinvestissements propres au sursis

Même si en pratique, son champ d’application est plus restreint que celui du report, le sursis poursuit sa vie de manière totalement autonome.

A ce titre, les conditions du réinvestissement sont de temps en temps précisées par la jurisprudence.

C’est le cas avec une décision du Conseil d’Etat 9è et 10è chambres du 10 juillet 2019 n°411474.

L’actionnaire d’une société apporte ses titres en 2006 à une holding à l’IS : la société civile « Valmer ». La plus-value d’apport est placée en sursis d’imposition art 150-0 B CGI.

Quelques jours plus tard, la holding cède les titres apportés pour le même prix et utilise le produit de la cession pour acquérir des biens appartenant à l’apporteur.

L’administration relève un abus de droit au motif que l’acquisition par la société de biens appartenant au contribuable n’est pas un réinvestissement à caractère économique dès lors qu’elle permet à celui-ci d’appréhender tout ou partie du produit de cession des titres ayant fait l’objet de l’opération d’apport.

Le Conseil d’Etat confirme l’analyse, ce qui semble relativement fondé.

Pourtant, les choses sont plus subtiles qu’elles n’y paraissent : les biens acquis du contribuable étaient des titres de sociétés ayant elles-mêmes des activités économiques.

Rien n’y fait, le sursis se justifie par l’absence de perception de capitaux en rémunération d’un apport. Si par un moyen détourné, le contribuable perçoit tout de même des capitaux, il doit l’impôt.

Si cette affaire est antérieure à 2012, elle conserve encore aujourd’hui toute sa portée, dès lors que la plus-value entre dans le champ du sursis de l’article 150-0 B. On peut aussi penser que le Conseil d’Etat retiendra une approche similaire pour le « réinvestissement dans une activité économique » de l’article 150 0 B du CGI et le « financement de moyens permanents d’exploitation affectés à une activité économique » de l’article 150-0 B ter du CGI.

Cet arrêt souligne également que l’abus de droit est toujours envisageable sous le régime du sursis d’imposition. En effet, dès lors que l’apporteur ne contrôle pas la holding de réinvestissement, on aurait pu penser que l’abus de droit était écarté car l’apporteur ne peut disposer que de manière minoritaire des liquidités obtenues par la holding lors de la cession des titres apportés. Mais en l’espèce, le contribuable a disposé des liquidités non pas au sein de la holding mais en cédant d’autres biens à la holding.

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