Un emprunteur souscrit l’assurance-groupe alors qu’il suit un traitement médical spécifique. Le moment venu, l’assurance ne le couvre pas. Que doit-il prouver, pour espérer engager la responsabilité civile professionnelle du prêteur ?
La décision
En novembre 2016, la Banque Populaire consent à Madame P deux prêts immobiliers, couverts par une assurance décès, perte totale et irréversible d’autonomie et incapacité de travail.
Elle déclare dans le questionnaire de santé qu’elle suivait un traitement médical depuis 15 ans.
En août 2015, placée en arrêt de travail en raison de l’évolution défavorable de sa maladie Madame P sollicite le bénéfice de la garantie incapacité de travail.
En juin 2016, après avoir fait réaliser une expertise médicale, l’assureur a informé Madame P de son refus de prise en charge du sinistre, en raison d’une clause contractuelle excluant « les suites médicales ou conséquences d’antécédents de santé mentionnés sur le bulletin d’adhésion ».
En juillet 2017, Madame P assigne l’assureur et la banque, aux fins de condamnation, à titre principal, de l’assureur au paiement de l’indemnité contractuelle en raison de l’inopposabilité à l’assurée de la clause d’exclusion, et à titre subsidiaire, de la banque au paiement d’une somme équivalente pour manquement à son obligation d’information et de conseil.
Par un arrêt n°21-13670 du 15 septembre 2022, la Cour de cassation Chambre civile 2, donne raison à l’emprunteur :
« … la banque qui propose à son client auquel elle consent un prêt d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’elle a souscrit à l’effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l’exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenue de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur.
Le préjudice résultant de ce manquement s’analyse en la perte d’une chance de contracter une assurance adaptée à sa situation personnelle et toute perte de chance ouvre droit à réparation, sans que l’emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé. »
Décryptage
La perte de chance (disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable) est le critère décisif et lourd d’enjeux financiers dans les dossiers de responsabilité civile professionnelle.
Ici, la Cour de cassation ne ménage pas la banque : cette-dernière doit conserver la preuve qu’elle a éclairé sa cliente sur la pertinence du contrat d’assurance souscrit compte tenu de sa situation propre. A défaut, l’emprunteur « rate » une chance de contracter une assurance plus adaptée.
C’est suffisant pour justifier d’un droit à indemnisation.
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