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CESSION DE TITRES DE PARTICIPATION : PRECISIONS SUR LES CONDITIONS DE L’EXONERATION

La Cour d’appel de Paris rend une décision favorable aux contribuables en termes de qualification de ce qu’il y a lieu d’entendre par titres participation. Une décision qui éclaire les investisseurs sur les opérations de « private equity ».

La décision

La SARL MONTISAMBERT, holding passive, se porte acquéreur de plus de 5% du capital de la société SARENZA en 2007. Suite à une augmentation de capital de SARENZA, MONTISAMBERT ne pèse plus que 4% environ du capital total en 2009. En 2011 MONTISAMBERT cède ses titres. L’administration considère que la plus-value est taxable à l’IS intégralement et non pas seulement à hauteur de la quote-part de frais et charges, actuellement fixée à 12%, au motif que les titres cédés ne constituaient pas des titres de participation.

Rappelons que comptablement, les titres de participation sont ceux dont la possession durable est estimée utile à l’activité de l’entreprise, notamment parce qu’elle permet d’exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d’en assurer le contrôle. Une telle utilité peut ainsi être caractérisée si les conditions d’achat des titres révèlent l’intention de l’acquéreur d’exercer une influence sur la société émettrice et lui donnent les moyens d’exercer une telle influence.

La SARL MONTISAMBERT forme un pourvoi au motif que les circonstances de l’investissement témoignaient de son objectif d’exercer une influence sur la société émettrice et lui donnaient, à la date de cette acquisition, les moyens d’exercer une telle influence.

En effet, le gérant et associé unique de la SARL MONTISAMBERT a été désigné membre du conseil de surveillance de SARENZA dès son investissement. Il bénéficiait par ailleurs d’un droit d’information privilégié aux termes d’un pacte d’actionnaires.

La Cour d’appel de Paris, dans une décision n°19PA01910 7ème Chambre du 24 février 2001, donne raison au contribuable.

Décryptage

L’enjeu de l’espèce est important :

Lorsqu’une société à l’IS cède les titres qu’elle détient au capital d’une autre société, la plus-value réalisée relève en principe de l’IS.

Elle en est toutefois exonérée, dans la limite d’une quote-part de frais et charges de 12%, à condition d’une part que les titres cédés soient détenus depuis au moins deux ans à la date de leur cession, et d’autre part que les titres cédés constituent des titres de participation. Sont qualifiables de titres de participation au sens fiscal :

  • les titres de participation au sens strict, c’est-à-dire les parts ou actions revêtant ce caractère sur le plan comptable (titres dont la possession durable est estimée utile à l’activité de l’entreprise, avec notion d’influence et de contrôle),
  • les actions acquises en exécution d’une offre publique d’achat ou d’échange (…),
  • les titres ouvrant droit au régime des sociétés mères si ces titres sont inscrits en comptabilité au compte titres de participation ou à une subdivision spéciale d’un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable, et si la société mère détient au moins 5 % des droits de vote de la société émettrice.

La question de l’espèce portait sur la notion d’influence et de contrôle. La Cour d’appel retient une appréciation favorable au contribuable :  la présence du dirigeant de la société investisseur au sein des organes sociaux ainsi que le pacte d’actionnaires lui permettaient d’accéder à des informations qui suffisent à justifier qu’elles lui donneront les moyens d’exercer une influence.

Cour administrative d’appel, Paris, 7e chambre, 24 Février 2021 – n° 19PA01910

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Montisambert, représentée par Me B…, a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l’exercice clos en 2011.

Par un jugement n° 1431288/1-2 du 22 octobre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 15PA04767 du 6 avril 2017, la Cour a rejeté l’appel formé par la SARL Montisambert contre ce jugement.

Par une décision n° 411209 du 29 mai 2019, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux sur un pourvoi de la SARL Montisambert, a annulé cet arrêt et renvoyé l’affaire devant la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 décembre 2015, le 19 avril 2016, le 23 mars 2017 et le 1er octobre 2019, la SARL Montisambert, représentée par Me B…, demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler le jugement n° 1431288/1-2 du Tribunal administratif de Paris du 22 octobre 2015 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l’exercice clos en 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– les titres qu’elle détenait au sein de la société Sarenza étaient des titres de participation au sens comptable, dès lors qu’ils ont été acquis dans l’intention d’exercer une influence sur la société émettrice, cette intention s’appréciant à la date d’acquisition des titres ;

– elle exerçait une influence sur la société Sarenza, dès lors que son gérant M. C… siégeait au sein du conseil de surveillance de cette société en tant que gérant et associé unique de la SARL Montisambert ;

– l’instruction du 4 avril 2008 reprise au BOfiP BOI-BIC-PVMV-30-10 précise que la participation aux organes délibérants suffit à établir l’intention d’exercer une influence sur la société émettrice.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 mars 2016 et le 7 août 2019, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme A…,

– les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

– et les observations de Me B…, avocat de la SARL Montisambert.

Considérant ce qui suit :

1. la SARL Montisambert, holding de gestion de portefeuille, a acquis, entre le 21 mars et le 3 septembre 2007, des actions de la société Sarenza, représentant 5,17 % de son capital social. Après une augmentation de capital de la société Sarenza, intervenue le 27 mai 2009 et à laquelle la SARL Montisambert n’a pas souscrit, ces actions n’ont plus représenté que 4,34 % du capital social. Par acte du 22 décembre 2011, la SARL Montisambert a cédé ces titres. A l’issue d’une vérification de comptabilité de cette société, l’administration a estimé que la plus-value résultant de cette cession ne relevait pas des dispositions spéciales du a quinquies du I de 1’article 219 du code général des impôts, mais du taux d’imposition de droit commun. Par un jugement du 22 octobre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SARL Montisambert tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l’exercice clos en 2011 au titre de cette plus-value. L’arrêt du 6 avril 2017 par lequel la Cour a rejeté l’appel qu’elle a formé contre ce jugement a été annulé par une décision du Conseil d’Etat n° 411209 du 29 mai 2019, qui a renvoyé l’affaire devant la Cour.

2. Aux termes du I de l’article 219 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige :  » (…) / Le taux normal de l’impôt est fixé à 33, 1/3 %. / Toutefois : (…) / a quinquies. Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2006, le montant net des plus-values à long terme afférentes à des titres de participation fait l’objet d’une imposition séparée au taux de 8 %. Ce taux est fixé à 0 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007. / (…) / Les titres de participation mentionnés au premier alinéa sont les titres de participation revêtant ce caractère sur le plan comptable, les actions acquises en exécution d’une offre publique d’achat ou d’échange par l’entreprise qui en est l’initiatrice et les titres ouvrant droit au régime des sociétés mères si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte titres de participation ou à une subdivision spéciale d’un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable, à l’exception des titres des sociétés à prépondérance immobilière définis au troisième alinéa du a. « . Sur le plan comptable, les titres de participation sont ceux dont la possession durable est estimée utile à l’activité de l’entreprise, notamment parce qu’elle permet d’exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d’en assurer le contrôle. Une telle utilité peut notamment être caractérisée si les conditions d’achat des titres en cause révèlent l’intention de l’acquéreur d’exercer une influence sur la société émettrice et lui donnent les moyens d’exercer une telle influence.

3. Il résulte de l’instruction que M. C…, qui était le gérant et l’unique associé de la SARL Montisambert, a été désigné comme l’un des cinq membres du conseil de surveillance de la société Sarenza en vertu des stipulations du pacte conclu entre les actionnaires de cette société, le 22 mai 2007, à une date correspondant à la prise de participation de la SARL Montisambert dans la société Sarenza. Compte tenu de cette désignation, assortie d’un droit d’information privilégié aux termes des stipulations du pacte d’actionnaires, et de la proportion importante que représentait cette prise de participation au regard du volume total des titres détenus par la SARL Montisambert, et ainsi que le confirme l’attestation établie par un ancien dirigeant de la société Sarenza, qui n’est pas dépourvue de valeur probante du seul fait qu’elle a été établie pour les besoins de l’instance, ces conditions d’achat des titres de la société Sarenza révèlent l’intention de la SARL Montisambert d’exercer une influence sur la société émettrice et lui donnaient, à la date de cette acquisition, les moyens d’exercer une telle influence. Par suite l’administration fiscale, qui en supporte la charge, n’établissant pas que l’inscription comptable des titres litigieux par la société requérante dans un compte de titres de participation serait erronée au regard de leur qualification fiscale, c’est à tort que les premiers juges ont considéré que l’administration était fondée à remettre en cause la qualification de titres de participation des titres détenus par la SARL Montisambert dans la société Sarenza au titre de l’exercice clos en 2011.

4. Par suite, et sans qu’il soit besoin de statuer sur l’autre moyen de la requête, la SARL Montisambert est fondée à demander l’annulation du jugement attaqué et la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l’exercice clos en 2011.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SARL Montisambert sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1431288/1-2 du Tribunal administratif de Paris du 22 octobre 2015 est annulé.

Article 2 : La SARL Montisambert est déchargée des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l’exercice clos en 2011.

Article 3 : L’Etat versera à la SARL Montisambert une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Montisambert et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

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