CONGE ET OBLIGATION DE RELOGEMENT DU LOCATAIRE « VULNERABLE » : UNE ATTEINTE DISPROPORTIONNEE AU DROIT DE PROPRIETE ?

L’obligation faite au bailleur, qui délivre congé à un locataire âgé de plus de 65 ans et dont les ressources sont inférieures à un plafond, de lui proposer un relogement correspondant à ses besoins et à ses possibilités, dans un périmètre géographique strictement défini, porte-elle une atteinte disproportionnée au droit de propriété ? Le Conseil constitutionnel se prononce.

La QPC

Des propriétaires d’un logement donné à bail ont délivré à leurs locataires, âgés de plus de 65 ans et ne disposant que de faibles revenus, un congé aux fins de reprise pour habiter, sans leur proposer un logement correspondant à leurs besoins et à leurs possibilités, dans les limites géographiques déterminées à l’article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948.

Dans le cadre de la procédure en validation de ce congé et en expulsion, les bailleurs demandent le renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité suivante :

« L’article 15 III de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, en ce qu’il impose au bailleur personne physique qui justifie d’un motif légitime de reprendre son bien pour l’habiter, de proposer à son locataire âgé de plus de 65 ans et ne disposant que de faibles revenus, un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités dans des limites géographiques déterminées, porte-t-il au droit de propriété consacré à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi, compte tenu de l’impossibilité pour le bailleur, lorsque le bail est ancien et que le logement se situe dans une zone où les loyers sont excessivement élevés, de proposer un tel logement, faute qu’il s’en trouve sur le marché locatif privé ? »

La Cour de cassation – Cass. civ. 3, 30 mars 2023, 22-21.763, Publié au bulletin – accepte de renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel, retenant son caractère sérieux :

– la disposition contestée en ce qu’elle impose au bailleur, qui entend s’opposer au renouvellement du bail, en délivrant congé à un locataire âgé de plus de soixante-cinq ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à un plafond, de lui proposer un relogement correspondant à ses besoins et à ses possibilités, dans un périmètre géographique strictement défini, porte atteinte aux conditions d’exercice du droit de propriété du bailleur ;

– cette atteinte pourrait être considérée comme disproportionnée, dès lors que l’état du marché locatif dans le secteur concerné est susceptible de rendre impossible la soumission par le bailleur, personne privée, d’une offre de relogement correspondant aux possibilités de locataires dont les ressources sont inférieures au plafond pour l’attribution de logements locatifs conventionnés.

Pour consulter la décision :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000047396007?init=true&page=1&query=22-21.763&searchField=ALL&tab_selection=all

La décision du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel – Décision n° 2023-1050 QPC du 26 mai 2023 – décide que les dispositions contestées doivent être déclarées conformes à la Constitution.

Après avoir reconnu qu’en limitant le droit du bailleur de donner congé à son locataire à l’expiration du contrat, ces dispositions portent atteinte au droit de propriété, le Conseil constitutionnel retient toutefois qu’elles ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété, au regard de l’objectif poursuivi.

A ce titre, le Conseil constitutionnel énonce que :

– l’objectif poursuivi est celui que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent ;

– les dispositions contestées ne sont applicables que lorsque le locataire est âgé de plus de 65 ans et que ses ressources annuelles sont inférieures à un certain plafond ;

– les difficultés pratiques que pourrait rencontrer le bailleur pour formuler une offre de relogement situé dans le périmètre imposé par la loi n’entachent pas, par elles-mêmes, d’inconstitutionnalité les dispositions contestées ;

– cette obligation n’est pas applicable lorsque le bailleur est une personne physique âgée de plus de 65 ans ou lorsque ses ressources annuelles sont inférieures au même plafond que celui fixé pour les locataires ;

– le bailleur, qui conserve évidemment la possibilité de vendre son bien ou d’en percevoir un loyer, dispose, en outre, en cas de manquement du locataire à ses obligations, de la faculté de l’assigner en résiliation du bail et en expulsion.

Attention que cette obligation de relogement s’applique également lorsque le locataire a moins de 65 ans mais qu’il a à sa charge une personne de plus de 65 ans vivant habituellement dans le logement (et que le montant cumulé des ressources annuelles de l’ensemble des personnes vivant au foyer est inférieur au plafond de ressources déterminé par arrêté).

Le tout, sauf à ce que le bailleur soit lui-même âgé de plus de 65 ans ou dispose de ressources inférieures au plafond de ressources fixé par arrêté.

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