Après que l’administration fiscale lui a refusé le bénéfice du dispositif mis en avant, un investisseur invoque la nullité de l’acquisition « défiscalisante » sur le fondement de l’erreur. La Cour de cassation se prononce.
La décision
En juin 1996, dans le cadre d’une opération de défiscalisation qui leur avait été présentée par la société Financière du cèdre, des investisseurs ont acquis de la société REI des quirats d’un navire construit par la société OCEA.
L’administration fiscale leur ayant refusé le bénéfice de la réduction d’impôt qu’ils escomptaient de cette opération, au motif que le navire ne remplissait pas les conditions d’éligibilité au dispositif fiscal concerné, ils ont assigné les sociétés Océa, REI et Financière du cèdre en annulation de la vente et en indemnisation.
L’arrêt attaqué (Paris, 15 mai 2018), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 14 avril 2015, pourvoi n° 14-10.951), refuse de prononcer la nullité de la vente.
Les investisseurs se pourvoient en cassation en invoquant l’erreur, comme vice de leur consentement.
Par un arrêt n°20-11846 du 22 juin 2022, la Chambre commerciale de la Cour de cassation casse :
« Vu les articles 1108, 1109 et 1110 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 :
Il résulte de ces textes que l’erreur qui tombe sur la substance même de la chose qui est l’objet de la convention est une cause de nullité de celle-ci.
Les parties peuvent convenir, expressément ou tacitement, que le fait que le bien, objet d’une vente, remplisse les conditions d’éligibilité à un dispositif de défiscalisation constitue une qualité substantielle de ce bien.
Pour rejeter la demande d’annulation de la vente des quirats formée par M. et Mme [P], l’arrêt se borne à énoncer que les éléments relatifs à la déduction fiscale figurent sur la plaquette de présentation, dont il n’est pas établi qu’elle émane de la société REI et qui comporte uniquement le logo de la société Financière du cèdre, de sorte que l’existence de manoeuvres dolosives dont la société REI serait l’auteur ou auxquelles elle aurait participé n’est pas caractérisée.
En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l’éligibilité des quirats au dispositif de défiscalisation en cause ne constituait pas une qualité substantielle du bien vendu, convenue par les parties et en considération de laquelle elles avaient contracté, de sorte que, dès lors qu’il aurait été exclu, avant même la conclusion du contrat, que ce bien permît d’obtenir l’avantage fiscal escompté, le consentement de M. et Mme [P] aurait été donné par erreur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. »
Décryptage
Cette décision est publiée au bulletin, la Cour de cassation entend faire passer le message aux commercialisateurs d’investissements dits de défiscalisation : l’éligibilité au dispositif fiscal mise en avant peut constituer une qualité substantielle de la chose vendue, si les parties en ont convenu, de manière expresse ou tacite.
La remise en question de cette caractéristique peut entraîner la nullité du contrat sur le fondement de l’erreur.
A bon entendeur, …
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