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DONATION DEGUISEE : QUAND DEMARRE LE DELAI DE L’ACTION EN SIMULATION ?

Quel est le point de départ du délai de prescription de l’action en simulation en vue de la réduction d’une donation déguisée de biens communs ? La Cour de cassation tranche.

La décision

Des époux communs en biens, décèdent respectivement les 6 octobre 2001 et 23 décembre 2013, en laissant pour leur succéder leurs trois enfants.
Mme Z, l’un des enfants, invoquant l’existence de donations déguisées consenties par ses parents à ses frères, les assigne en 2016.

Dans un arrêt du 19 janvier 2021, la Cour d’appel de GRENOBLE déclare irrecevable l’action, retenant que le délai de prescription avait commencé à courir à la date du décès de sa mère, premier donateur, le 6 octobre 2001.

Mme Z se pourvoit en cassation invoquant :  « que la donation d’un bien commun, si elle porte atteinte à la réserve, est réductible à la quotité disponible, pour la moitié de sa valeur, lors de l’ouverture de la succession de chacun des époux codonateurs ; que l’action par laquelle un héritier réservataire fait valoir la simulation en vue de la réduction d’une telle donation se prescrit par trente ans ou cinq ans (en fonction de la date du décès) à compter de l’ouverture de chacune des deux successions ; que Mme [I] [Z] faisait valoir que le délai de prescription de son action en déclaration de simulation en vue de la réduction des donations déguisées consenties par ses parents à ses frères avait respectivement commencé à courir, s’agissant de sa mère, à la date du décès de celle-ci en 2001 et, en ce qui concernait son père, à la date du décès de celui-ci en 2013 ; qu’en considérant, pour déclarer irrecevable l’action de Mme [Z], que le délai de prescription avait commencé à courir à la date du décès de sa mère, premier donateur, le 6 octobre 2001, la cour d’appel a violé les articles 920, 921 et 1202 du code civil et l’article 2262 ancien du même code. »

La Cour de cassation – Cass. civ. 1, 5 janvier 2023, n° 21-13.151, Publié au bulletin – lui donne raison :

« Vu les articles 920, 921, alinéa 2, 1438 et 1439 du code civil :
Selon le premier de ces textes, les libéralités, directes ou indirectes, qui portent atteinte à la réserve d’un ou plusieurs héritiers, sont réductibles à la quotité disponible lors de l’ouverture de la succession.
Il résulte des deux derniers que, sauf clause contraire, la donation de biens communs est réputée consentie à concurrence de moitié par chacun des époux, de sorte que sa réduction ne peut être demandée par leurs enfants communs qu’à due proportion, à l’ouverture de chacune des successions des co-donateurs.
Pour déclarer irrecevable l’action « en déclaration de simulation » intentée par Mme [I] [Z], l’arrêt retient que, les donations qu’elle a pour but de révéler portant sur des biens communs, sa prescription court du jour du décès du premier donateur, soit le 6 octobre 2001, date du décès de [E] [X], et après avoir relevé que le délai de trente ans applicable antérieurement était toujours en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, soit le 19 juin de la même année, il en déduit, sur le fondement des dispositions transitoires de cette loi, que cette action, engagée par assignations des 25 avril et 2 mai 2016, soit plus de cinq ans après le 19 juin 2008, est prescrite.
En statuant ainsi, alors que, à concurrence de la moitié de la donation, Mme [Z] disposait d’un délai de cinq ans à compter du décès de son père, soit le 23 décembre 2013, pour engager une action en réduction relative à la succession de celui-ci, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

Pour consulter la décision :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046959993?init=true&page=1&query=21-13.151&searchField=ALL&tab_selection=all

Décryptage

Avant la réforme de 2006, le délai de prescription de l’action en réduction d’une donation simple était de 30 ans.

Pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2007, le délai de prescription est fixé à cinq ans à compter de l’ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l’atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès (article 921 du Code civil).

Si la question du délai applicable pour les successions ouvertes avant 2007 ne semble pas totalement réglée, la question posée ici était celle du point de départ du délai de prescription de l’action en déclaration de simulation, préalable à l’action en réduction.

En l’espèce, la libéralité visée était une donation déguisée. Pour exercer l’action en réduction, l’héritier réservataire devait donc au préalable exercer une action en déclaration de simulation. Cette action est soumise au délai de prescription de droit commun (Cass. civ. 1, 9 novembre 1971, n° 70-11.656, Publié au bulletin).

Le délai de prescription de droit commun, qui était de 30 ans, a été ramené à 5 ans par la loi du 17 juin 2008 (ancien article 2262 du Code civil – nouvel article 2224 du Code civil).

L’article 2222 du Code civil précise qu’en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle (soit le 19 juin 2008), sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Il est d’ailleurs précisé que la Cour d’appel a relevé que « le délai de trente ans applicable antérieurement était toujours en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, soit le 19 juin de la même année, il en déduit, sur le fondement des dispositions transitoires de cette loi, que cette action, engagée par assignations des 25 avril et 2 mai 2016, soit plus de cinq ans après le 19 juin 2008, est prescrite. »

Outre le délai de prescription applicable, se pose la question de son point de départ.

Quel est le point de départ du délai de prescription de l’action en déclaration de simulation ?

La date de l’acte simulé ou la date de l’ouverture de la succession ? Dans un arrêt du 24 novembre 1987 (Cass. civ. 1, 24 novembre 1987, n° 86-10.635, Publié au bulletin), la Cour de cassation a précisé que le point de départ de l’action en déclaration de simulation est le « jour où les héritiers réservataires avaient eu la faculté d’exercer cette action, c’est-à-dire du jour du décès de leur auteur ».

En cas de donation de biens communs, sauf clause contraire, sa réduction ne peut être demandée par leurs enfants communs qu’à concurrence de moitié, à l’ouverture de chacune des successions des co-donateurs.

En l’espèce, la Cour de cassation semble lier le point de départ du délai de prescription de l’action en déclaration de simulation à celui de l’action en réduction.

L’action en simulation en vue d’obtenir la réduction d’une donation déguisée de biens communs peut être exercée, pour la moitié de la donation, dans un délai de cinq ans à compter du décès de chaque co-donateur.

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