L’épouse survivante ne manifeste pas son choix de bénéficier du droit au logement de l’article 764 du Code civil, mais reste dans les lieux et invoque une manifestation tacite de volonté. La Cour de cassation tranche.
Le simple maintien dans les lieux ne vaut pas manifestation tacite de volonté
Monsieur I est décédé en 2010, laissant pour lui succéder son fils d’une première union, et sa seconde épouse commune en biens, Madame L, qui occupait alors un bien acquis par les deux époux à titre de résidence principale.
Le fils conteste à l’épouse le droit viager au logement de l’article 764 du Code civil.
La Cour d’appel de GRENOBLE, par une décision du 12 mars 2019, considère que, sauf renonciation expresse, le simple maintien dans les lieux un an après le décès suffit à ouvrir le droit viager au logement.
Le fils conteste au motif qu’il faut une manifestation expresse de volonté, « le seul maintien dans les lieux ne caractérise pas la manifestation de volonté du conjoint survivant de bénéficier du droit d’usage et d’habitation viager sur le logement ». Laquelle manifestation de volonté est imposée par l’article 765-1 du Code civil :
« Le conjoint dispose d’un an à partir du décès pour manifester sa volonté de bénéficier de ces droits d’habitation et d’usage. »
Par un arrêt n°20-16674 du 2 mars 2022, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et confirme que le simple maintien dans les lieux ne suffit pas à justifier d’une manifestation de volonté de bénéficier du droit viager au logement de l’article 764 du Code civil.
Décryptage
Il est important de ne pas faire dire à la Cour de cassation ce qu’elle ne dit pas : la manifestation de volonté peut être tacite. Simplement, elle ne peut résulter d’un simple maintien dans les lieux. Elle tranche ainsi le débat doctrinal.
La Cour de cassation n’est pas exigeante sur la matérialisation et se contente : d’une mention dans la déclaration de succession, dans un acte d’assignation, dans un acte de notoriété, …
Mais elle exige une absence totale d’équivoque. Une simple attitude matérielle ne suffit pas, et c’est bien légitime.
Rappelons en effet que ce droit est lourd de conséquences. Il porte sur le logement mais également sur le mobilier le garnissant, il ouvre le droit au bénéficiaire de louer le bien pour se reloger s’il n’est plus adapté à ses besoins, …
Bien évidemment, la question se pose : pourquoi laisser au hasard de l’interprétation des juges un arbitrage aussi important alors qu’il est si simple de la matérialiser ?
Pour accéder à l’arrêt :