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Dutreil : la réforme est-elle réussie ?

François Hollande avait au moins réussi ça : ne pas toucher au Dutreil pendant 5 ans, sur la recommandation du rapport Gallois. La LF 2019 est passée par là, a évacué tous les fantasmes d’augmentation du taux de l’exonération, et tenté d’assouplir le dispositif. Le but est-il atteint ?

En cherchant à simplifier, elle atteint son objectif sur certains points, mais rajoute des couches de complexité sur d’autres.

1er point : abaissement des seuils de détention

Rappel

L’engagement collectif doit porter sur au moins :

  • pour les sociétés cotées : 20% des droits de vote et des droits financiers,
  • et  pour les sociétés non cotées : 34% des droits de vote et des droits financiers.

Le seuil des droits de vote est apprécié par rapport à la masse des droits de vote dans les assemblées générales.

Le seuil des droits financiers est apprécié par rapport aux droits à dividendes.

Nouveauté

Le seuil passe :

  • pour les sociétés cotées : à 10% des droits financiers et 20% des droits de vote,
  • et  pour les sociétés non cotées : à 17% des droits financiers et 34% des droits de vote.

Entrée en vigueur : engagements souscrits à compter du 1er janvier 2019.

Appréciation

Depuis son instruction du 9 mars 2012 n°19, reprise au BOFIP, l’administration admet de ne pas exiger que le seuil de 34% soit atteint à la fois pour les droits de vote et les droits financiers en matière de sociétés non cotées.

Désormais, on voit mal comment l’administration pourrait accepter le bénéfice de l’exonération à des actionnaires dont l’engagement collectif ne couvre que 17% des droits financiers dès lors qu’ils n’atteignent pas les 34% de droits de vote. Elle reviendra donc probablement sur sa tolérance pour appliquer strictement la condition cumulative.

Le point positif, c’est qu’un actionnaire ne représentant que 17% du capital mais disposant de droits de vote multiples lui assurant au moins 34% en AG aura besoin de moins d’alliés pour atteindre les seuils. C’était déjà le cas avant mais en vertu d’une simple faveur de l’administration.

Attention toutefois aux créations de droits vote multiples juste avant la transmission…

2ème point : l’engagement collectif peut désormais être souscrit par une personne seule

Rappel

Qui dit engagement collectif dit au moins deux actionnaires, sauf lorsqu’il est réputé acquis.

Nouveauté

L’engagement collectif peut désormais ne plus être collectif. Il peut être souscrit par une personne seule, pour elle et ses ayants cause à titre gratuit, sans changement dans les conditions.

Entrée en vigueur : engagements souscrits à compter du 1er janvier 2019.

Appréciation

Ca c’est intelligent ! Depuis le temps que nous alertons les professionnels sur les dangers de la doctrine administrative en matière de sociétés à associé unique : les EURL, EARL, SASU… sont assimilées aux entreprises individuelles lorsque les dispositions relatives à l’engagement réputé acquis ne leur sont pas applicables.

Ce « bricolage », destiné à ne pas exclure ces sociétés du dispositif, pose de nombreux problèmes : exclusion du bénéfice de la notion de prépondérance dès lors que seuls les biens affectés à l’exploitation sont éligibles, problématique des actions réunies en une seule main, …

Désormais, un engagement collectif pourra être souscrit malgré l’unicité de l’actionnariat.

D’autre part, un actionnaire qui à lui seul remplirait les seuils de détention n’aura plus à rechercher un allié signataire, avec toute la responsabilité que cela représente. Il n’aura plus non plus à risquer un réputé acquis lorsque les conditions sont incertaines.

3ème point : l’engagement réputé acquis devient possible à un niveau d’interposition

Rappel

L’engagement réputé acquis, qui permet de s’exonérer de la souscription d’un engagement collectif, n’est possible que pour les titres d’une société éligible. Les titres d’une holding non éligible n’en bénéficient pas.

Nouveauté

Le bénéfice de l’engagement réputé acquis est désormais ouvert aux holding non éligibles en tant que telles, dans la limite d’un seul degré d’interposition. En contrepartie, et en toute logique, les participations doivent demeurer inchangées à chaque degré d’interposition.

Une condition toutefois : les conditions du réputé acquis doivent être remplies.

Par ailleurs, on tient désormais compte du concubin notoire.

Entrée en vigueur : 1er janvier 2019.

Appréciation

Attention de ne pas se prendre les pieds dans le tapis : en cas de donation de titres d’une holding non éligible, l’engagement collectif devait être souscrit par la holding avec au moins autre actionnaire. Elle peut d’ailleurs désormais le souscrire seule. Si l’engagement réputé acquis est invoqué, il concerne les titres de la holding, pas les titres de la filiale éligible.

Par-contre, les fonctions de direction doivent être exercées dans la société exploitante éligible.

Attention également que la durée de détention sera appréciée au niveau des titres de la société éligible. N’allons pas imaginer qu’on pourrait créer une holding en 2019, qui pourrait acquérir les titres d’une société éligible en 2022, et que la donation des titres de la holding bénéficieraient du réputé acquis en 2023.

On devrait également pouvoir prendre en compte à la fois les titres détenus en direct et les titres détenus par l’intermédiaire d’une société interposée.

Depuis la RM Wauquiez du 4 avril 2017, on sait que lorsque l’exonération était fondée sur l’existence d’un engagement collectif et que ce-dernier est remis en cause, peu importe que les conditions de l’engagement réputé acquis aient été réunies, il ne peut être invoqué en secours pour confirmer l’exonération. Il nous semble qu’il eût été opportun que le législateur revienne sur cette position. Il aurait d’ailleurs pu en être de même dans l’autre sens : réputé acquis invoqué, et souscription d’un engagement collectif de secours pour au cas où.

4ème point : les apports de titres à une holding en cours d’engagement collectif sont désormais possibles

Rappel

La question se posait jusqu’à présent des modalités de financement des soultes notamment en cas de donation-partage : l’enfant attributaire des titres et débiteur de la soulte à l’égard de ses frères et soeurs ne pouvait pas apporter lesdits titres à une holding en cours d’engagement collectif. En effet, l’apport constituerait alors une cession au profit d’un non signataire de l’engagement collectif et entraînerait rupture de ce-dernier.

Fallait-il créer la holding avant, pour lui faire prendre part à l’engagement collectif et ainsi éviter la rupture d’engagement ?

Non, car au moment où l’engagement individuel démarre (à la fin de l’engagement collectif), ça n’est plus le donataire qui détient les titres. L’engagement individuel ne peut donc pas démarrer = remise en cause de l’exonération.

Trois solutions étaient disponibles :

  • utiliser l’engagement réputé acquis ? Oui mais son champ d’application est limité.
  • stipuler une soulte payable à terme ? Oui mais attention au risque d’indexation (cf art 828 C civ qui est d’ordre public).
  • avoir toujours à disposition un engagement collectif en cours de plus de deux ans ? Oui c’est la meilleure solution mais on la rencontre rarement en pratique.

Nouveauté

L’article 40 de la LF 2019 autorise désormais l’apport pendant l’engagement collectif sans remise en cause de ce-dernier et sans remise en cause du démarrage de l’engagement individuel qui va suivre.

Entrée en vigueur : 1er janvier 2019. Pas de précision sur les situations préexistantes.

Appréciation

C’est la vraie grosse avancée de cette Loi et là, pour une fois, nous ne voyons rien à redire : c’est une excellente nouvelle.

5ème point : allègement des contraintes des « holding Dutreil »

Rappel

L’engagement individuel (et désormais aussi l’engagement collectif) n’est pas remis en cause, comme il devrait l’être pour cause de rupture, en cas d’apport des titres à  une société holding ayant pour objet unique la gestion de son propre patrimoine constitué exclusivement d’une participation dans la société dont les parts ou actions ont été transmises ou d’une participation dans une ou plusieurs sociétés du même groupe ayant une activité soit similaire, soit connexe ou complémentaire, sous 3 conditions qui doivent perdurer jusqu’au terme de l’engagement individuel :

  • la société bénéficiaire de l’apport est détenue en totalité par les bénéficiaires de l’exonération. Le donateur peut avoir une participation mais ne doit pas être majoritaire. La société bénéficiaire doit être dirigée directement par au moins un des bénéficiaires de l’exonération.
  • la société bénéficiaire de l’apport prend l’engagement de conserver les titres jusqu’au terme de l’engagement individuel.
  • les héritiers, donataires ou légataires associés doivent conserver pendant la durée de l’engagement individuel, les titres reçus en contrepartie de l’opération d’apport.

Nouveauté

Désormais:

  • la holding n’a plus besoin d’avoir un objet aussi exclusif. Son actif brut doit simplement être composé à plus de 50% des titres de la société éligible.
  • la présence des bénéficiaires de l’exonération au capital est désormais seulement d’au moins 75% du capital et des droits de vote.
  • les fonctions de direction de la holding peuvent désormais être assurées par un signataire de l’engagement collectif.

Par ailleurs, il est également possible d’apporter les titres d’une société interposée.

Entrée en vigueur : 1er janvier 2019. Pas de précision pour les holding déjà constituées.

Appréciation

Cette modification est cohérente dans notre environnement fiscal : on ne pouvait pas refuser le régime mère-fille à une holding pour insuffisance de motivations autres que fiscales et en même temps lui interdire de créer ces autres motivations.

Par-contre, qu’entend-on par actif brut ? Le texte précise bien qu’il s’agit de valeur vénale et non pas comptable.

L’apport de titres d’une société interposée constitue une exception de plus au principe de l’immutabilité à chaque degré d’interposition.

6ème point : pas de remise en cause des engagements en cas d’OPE

Nouveauté

L’article 40 de la LF 2019 prévoit que désormais, une offre publique d’échange préalable à une fusion ou une scission n’entraîne pas rupture de l’engagement collectif ou individuel dès lors que les titres nouveaux reçus en échange sont conservés jusqu’au terme.

Entrée en vigueur : 1er janvier 2019.

Appréciation

Cette disposition vient compléter les facilités laissées aux opérations intercalaires.

7ème point : proportionnalité des sanctions en cas de cession de titres en cours d’engagement collectif

Rappel

La cession ou donation de titres en cours d’engagement collectif par un donataire, héritier ou légataire qui a bénéficié de l’exonération, entraîne la remise en cause de celle-ci, sauf exceptions, tant pour les titres cédés que pour les titres conservés.

Nouveauté

Désormais, dès lors que le cessionnaire est signataire de l’engagement collectif, la remise en cause de l’exonération n’est encourue qu’à hauteur des titres cédés ou donnés.

Entré en vigueur : 1er janvier 2019.

Appréciation

Attention que la validité de l’engagement collectif n’est pas en cause puisque les cessions entre signataires n’ont aucun effet sur lui. Seule est en cause ici l’exonération du gratifié.

La nouveauté est pragmatique : jusqu’à présent, le gratifié qui avait besoin d’argent et qui vendait des titres en cours d’engagement risquait de percevoir moins que ce que ne lui coûterait le redressement.

8ème point : modification du formalisme

Rappel

Avant le 1er avril de chaque année et ce pendant toute la durée des engagements, doit être adressée à l’administration une attestation confirmant que les conditions sont remplies.

La sanction du non respect de ces obligations déclaratives est la remise en cause de l’exonération.

Nouveauté

Désormais, seules deux obligations subsistent à la charge du gratifié :

  • joindre l’attestation de la société à l’acte constatant l’exonération (déclaration de succession ou donation)
  • et adresser à l’administration dans les trois mois de la fin de son engagement individuel, une attestation de la société justifiant que toutes les conditions ont été respectées.

Au cours des engagements, l’administration peut demander à tout moment une attestation de la société confirmant le respect continu des conditions. Le contribuable a alors 3 mois  pour la fournir.

Entré en vigueur : 1er janvier 2019. Quid des transmissions antérieures ? A défaut de précisions nous recommandons de poursuivre l’ancien système.

Appréciation

Nous continuons de recommander :

  • d’une part, d’identifier clairement qui se chargera de superviser la question des attestations,
  • d’autre part, de déposer au rang des minutes du notaire les attestations adressées à l’administration avec AR en fin d’engagement.

9ème point : extension de l’immutabilité des participations à l’engagement individuel en cas d’interposition

Rappel

Le bénéfice de l’exonération est subordonné à la condition que les participations soient conservées inchangées à chaque niveau d’interposition pendant toute la durée de l’engagement collectif. L’administration a étendu l’interdiction à l’engagement individuel mais le texte ne le précisait pas.

Nouveauté

Désormais, cette obligation dure aussi pendant toute la durée de l’engagement individuel.

Appréciation

La condition d’immutabilité est indispensable en cas d’interposition. Il ne s’agit ici que d’une confirmation de la doctrine administrative.

Ce qui est regrettable, c’est que la notion n’ait pas été précisée.

Si on doit retenir une chose : c’est la possibilité d’apporter à une holding des titres déjà transmis en cours d’engagement collectif.

C’est tout simple, mais ça permettra enfin de financer les soultes dans des conditions simples et efficaces.

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