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DUTREIL : L’ADMINISTRATION MET A JOUR SA MISE A JOUR !

Le 21 décembre dernier, l’administration fiscale a de nouveau modifié ses commentaires relatifs au dispositif DUTREIL. Nous présentons ici l’essentiel de ce qu’il faut retenir.

Attention, la présente analyse n’est qu’un résumé des principales modifications et de leurs conséquences. Pour plus de précisions, abonnez-vous à notre ouvrage « LE PRATICIEN FACE AU DUTREIL », qui sera mis à jour très prochainement : https://www.resodinfo.fr/produit/praticien-face-a-dutreil/

Remarques sur la forme

Deux remarques sur la forme :

  • La « façon de faire » : le 6 avril dernier, les développements du BOFIP relatifs au dispositif DUTREIL sont modifiés, avec application immédiate. La consultation publique est ouverte jusqu’au 6 juin 2021. Deux mois sont laissés aux praticiens, instances professionnelles, … pour assimiler une refonte d’ampleur. L’administration, quant à elle, n’a donné aucune nouvelle jusqu’au 21 décembre 2021, date à laquelle elle modifie à nouveau sa doctrine, avec application immédiate, suite à la prise en compte des observations qui lui ont été faites. Bien que l’exécutif ne soit en rien tenu de se faire autoriser à commenter les dispositifs fiscaux, ne serait-il pas plus cohérent de retarder l’entrée en vigueur des modifications souhaitées à la fin de l’examen des retours de la consultation publique ? Cela éviterait que les contribuables qui n’ont pas d’autre choix que de constater des transmissions au cours de la période transitoire ne s’infligent des contraintes qui sont levées par la suite. Il en va tout de même de la bonne santé des entreprises.
  • De nombreuses modifications consistent en des déplacements de paragraphes, des modifications de tournure de phrases, dans un but de clarification. C’est une bonne chose.

Ce qui change sur le fond

De nombreuses dispositions incomprises par les praticiens lors de la mise à jour du 6 avril dernier sont annulées ou modifiées. Tout ça pour ça …

Nous ne reprenons ici que les principales modifications.

Qui peut être bénéficiaire de l’exonération ?

L’article 787 B du CGI prévoit : « Sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75% de leur valeur, les parts ou les actions d’une société ayant une activité commerciale, … transmises par décès, entre vifs ou, en pleine propriété, à un fonds de pérennité … ».

Les transmissions à titre gratuit, sous réserve de satisfaire aux conditions du dispositif, bénéficient de l’exonération quel que soit le bénéficiaire : personne physique ou personne morale.

Mise à jour du BOFIP au 6 avril 2021

L’administration mentionne :

« Ainsi, seules les personnes physiques et les fonds de pérennité … ont la qualité de bénéficiaires pour l’application de ce dispositif. »

Une telle affirmation est manifestement illégale. Les personnes morales peuvent bénéficier de l’exonération.

Mise à jour du BOFIP au 21 décembre 2021

La remarque ci-dessus est supprimée et remplacée par :

« Remarque 1 : Ainsi pour les donations, seules les personnes physiques et les fonds de pérennité ont la qualité de bénéficiaires pour l’application de ce dispositif. Pour les successions, les personnes morales peuvent aussi avoir la qualité de bénéficiaires pour l’application du dispositif.

Remarque 2 : Les transmissions à un fonds de pérennité effectuées par une personne morale peuvent également bénéficier de l’exonération partielle. »

Cette nouvelle position ne nous paraît pas plus fondée que la précédente.

Qui signe l’engagement collectif ou unilatéral en présence d’une société interposée ?

L’engagement collectif doit porter sur les titres de la société d’exploitation éligible. Il doit donc être souscrit par la société interposée.

Jusqu’au 6 avril 2021, il était considéré que le donateur n’avait pas à souscrire un engagement collectif portant sur les titres transmis, ni à être signataire de l’engagement collectif portant sur les titres de la société cible dont il n’est pas nécessairement associé en direct.

C’est le principe et l’organisation qui s’appliquaient depuis la création du dispositif tant d’après les commentateurs que l’administration elle-même, ainsi confirmé par la Rép. Min. « Bobe » n°94045 du 24 octobre 2006.

Dans sa mise à jour du 6 avril 2021, l’administration était revenue sur cette position en exigeant une condition invraisemblable : la signature de l’engagement collectif par l’auteur de la transmission.

Il semblait difficile de comprendre non seulement ce que souhaitait l’administration, mais également pourquoi un tel revirement.

Dans sa mise à jour du 21 décembre 2021, l’administration rectifie cette vision incompréhensible en revenant aux principes antérieurs au 6 avril dernier.

Elle supprime également le paragraphe suivant :

« Par ailleurs, les dispositions du deuxième alinéa du 1 du b de l’article 787 B du CGI s’appliquent en présence de société(s) interposée(s) : les associés signataires de l’engagement collectif de conservation, personnes physiques, peuvent effectuer entre eux des cessions ou donations des titres des sociétés interposées détenant, directement ou indirectement, une participation dans la société dont les titres font l’objet du pacte « Dutreil ». Ils peuvent également admettre un nouvel associé dans l’engagement collectif à condition que cet engagement collectif soit reconduit pour une durée minimale de deux ans. »

Nous avions à l’époque exprimé qu’une telle position nous semblait contraire au principe d’immutabilité. Nous recommandions la plus grande prudence.

Dans sa mise à jour du 21 décembre, l’administration supprime ce paragraphe, ce qui nous semble cohérent.

Qui peut exercer les fonctions de direction ?

Jusqu’au 6 avril 2021, la mise en œuvre de l’exonération imposait que l’un des signataires de l’engagement collectif ou unilatéral ou l’un des signataires d’un engagement individuel exerce des fonctions de direction au sein de la société de manière effective et continue :

  • pendant la durée de l’engagement collectif ou unilatéral,
  • et pendant une durée de 3 ans commençant à courir à compter de la transmission.

Si l’engagement collectif ou unilatéral était signé un instant de raison avant la transmission, la durée requise des fonctions de direction pouvait donc durer 3 ans seulement.

Dans sa mise à jour du 6 avril 2021, l’administration a modifié cette analyse en distinguant trois périodes :

  • avant la transmission : les fonctions de direction devaient être exercées par un signataire de l’engagement collectif ou unilatéral,
  • à compter de la transmission : les fonctions de direction devaient être exercées par un signataire de l’engagement individuel, ou par un signataire de l’engagement collectif ou unilatéral encore tenu au respect de cet engagement.
  • à la fin de l’engagement collectif ou unilatéral et donc après démarrage de l’engagement individuel : les fonctions de direction ne pouvaient être exercées que par un signataire de l’engagement individuel.

Ce revirement a été un véritable coup de théâtre.

Jusqu’alors, il était admis à la fois par la doctrine et par l’administration elle-même, que les fonctions de direction pouvaient être exercées après la transmission par tout signataire de l’engagement collectif ou unilatéral, en ce compris le donateur.

Depuis le 6 avril 2021, si le donateur n’avait conservé aucun titre couvert par l’engagement collectif ou unilatéral, il ne pouvait plus remplir la condition relative aux fonctions de direction à compter de la transmission.

Si le donateur avait conservé des titres, il pouvait remplir la condition relative aux fonctions de direction, mais uniquement jusqu’à la fin de l’engagement collectif ou unilatéral.

S’il n’avait conservé que de l’usufruit, on pouvait craindre qu’il ne soit pas considéré comme ayant conservé des titres compte tenu de la formulation du BOFIP.

Ce changement radical de position a été considéré comme illégal par une partie de la doctrine.

En attendant, la solution la plus opportune, lorsqu’il n’était pas souhaité ou pas possible que les fonctions de direction soient exercées par un donataire, semblait consister en des engagements collectifs de trois ans, concomitants aux donations.

Dans sa mise à jour du 21 décembre 2021, l’administration revient à la situation antérieure au 6 avril.

Nous ne pouvons qu’approuver ce retour à la raison.

Nous regrettons toutefois que nombre de contribuables aient été contraints durant plus de 8 mois par des positions injustifiables.

Pour les engagements collectifs ou unilatéraux en cours pour des durées de 3 ans, sera-t-il possible de raccourcir la durée par avenant notifié à l’administration par RAR, et ainsi réduire d’un an la durée des engagements individuels ? A défaut, sera-t-il possible de résilier l’engagement au bout de 2 ans ?

Une précision serait la bienvenue, même si ce que la convention a pu faire, la convention devrait pouvoir le défaire.

Le donateur invoquant l’engagement réputé acquis peut-il conserver des fonctions de direction ?

En cas de transmission fondée sur un engagement réputé acquis, les fonctions de direction ne peuvent valablement être exercées que par l’un des bénéficiaires de l’exonération, et ce dès la transmission.

Mais qu’en est-il du donateur ? Peut-il conserver des fonctions de direction au sein de la société ?

Jusqu’au 6 avril 2021, nous pensions que oui.

Dans sa mise à jour du 6 avril 2021, l’administration l’a pourtant exclu :

« L’exonération partielle ne trouve donc notamment pas à s’appliquer en cas d’engagement réputé acquis lorsque le donateur continue d’exercer son activité professionnelle principale ou la fonction de direction dans la société après la transmission. »

Cette prise de position est rétractée par la mise à jour du 21 décembre :

« En cas d’engagement réputé acquis, l’un des héritiers, donataires ou légataires doit exercer une fonction de direction afin de remplir les exigences du d de l’article 787 B du CGI. Néanmoins, cela n’exclut pas qu’un autre associé, y compris le donateur, exerce également une autre fonction de direction. »

Donation de titres hors exonération en cours d’engagement collectif ou unilatéral de conservation

Dans sa mise à jour du 6 avril, l’administration avait introduit une nouveauté surprenante : en cas de  donation d’une partie de ses titres couverts par un engagement collectif ou unilatéral, sans invoquer le bénéfice de l’exonération, le donateur ne pouvait plus se prévaloir dudit engagement pour bénéficier de l’exonération en cas de transmission à titre gratuit ultérieure des titres conservés.

Rappelons que l’engagement collectif est souscrit par l’associé, pour lui et ses ayants-cause à titre gratuit. Le texte ne limite pas les ayants-cause à titre gratuit à ceux invoquant l’exonération.

Dès lors, la modification opérée par l’administration nous semblait contestable.

Dans la même logique, l’administration considérait que la donation réalisée sans invoquer le bénéfice de l’exonération impactait le sort des autres associés signataires de l’engagement collectif, les titres ainsi donnés n’étant plus comptabilisés pour déterminer si les seuils minima étaient toujours respectés.

Dans sa mise à jour du 21 décembre, l’administration revient sur cette prise de position injustifiable.

Composition des actifs d’une holding DUTREIL

Les engagements individuels et collectif ou unilatéral ne sont pas remis en cause, comme ils devraient l’être, en cas d’apport des titres de la société d’exploitation à une société holding, sous réserve du respect de 5 conditions cumulatives qui doivent perdurer jusqu’au terme de l’engagement individuel. Parmi ces conditions, il est notamment exigé que la valeur réelle des titres de la société éligible doit représenter plus de 50% de l’actif brut de la holding.

Jusqu’à la LF 2019, la holding devait avoir pour objet exclusif la gestion de son propre patrimoine constitué exclusivement des titres de sa filiale d’exploitation qui lui ont été apportés ainsi que, le cas échéant, des titres d’une ou plusieurs sociétés du même groupe ayant une activité soit similaire, soit connexe et complémentaire. Cette exclusivité a été supprimée au profit d’une limitation en valeur. La holding peut donc désormais assurer des prestations de services voire animer sa filiale, mais dans des conditions qui resteront limitées. Restait en suspens la question de savoir quels sont les titres dont la valeur doit excéder 50% de l’actif brut de la holding. Doit-on prendre en compte uniquement les titres ayant bénéficié de l’exonération ou peut-on y inclure d’autres titres de la société d’exploitation ? Nous pensions, jusqu’au 6 avril 2021, que la prudence recommandait de ne prendre en compte que les titres ayant bénéficié de l’exonération.

Dans sa mise à jour du 6 avril 2021, l’administration avait confirmé notre analyse :

« Pour apprécier ce seuil de 50%, il y a lieu de prendre en compte la valeur vénale des seules parts ou actions de la société soumises à ces engagements, à l’exclusion des éventuels titres de cette société qui n’y sont pas soumis. »

L’administration revient sur cette position pour assouplir la condition à l’occasion de sa mise à jour du 21 décembre :

« Pour apprécier ce seuil de 50%, il est toutefois admis de prendre en compte la valeur vénale de toutes les participations dans cette société, y compris celles qui ne sont pas soumises à ces engagements de conservation. »

A quelles conditions le donateur peut-il être associé d’une holding DUTREIL ?

Dans le même contexte d’apport de titres soumis à engagement individuel ou à engagement collectif ou unilatéral, une autre condition exigée pour que l’exonération ne soit pas remise en question est que la société bénéficiaire de l’apport soit détenue pour au moins 75% du capital et des droits de vote par les personnes soumises aux obligations de conservation (individuelles et collective ou unilatérale).

Cette condition n’est pas sans soulever de nombreuses questions depuis sa création.

Dans sa mise à jour du 6 avril dernier, l’administration distinguait deux périodes :

  • tant que l’engagement collectif ou unilatéral est encore en cours, tout signataire de l’engagement collectif ou unilatéral, dont le donateur, pouvait être pris en compte pour la détermination du seuil de 75%.
  • au cours de l’engagement individuel, seuls les bénéficiaires de l’exonération étaient pris en compte pour la détermination du seuil de 75%.

Dans sa mise à jour du 21 décembre, l’administration admet, au cours de l’engagement individuel, que le donateur puisse détenir plus de 25% du capital et des droits de vote de la holding, à la condition que la majorité du capital et des droits de vote soit détenue par les bénéficiaires de l’exonération partielle.

Par ailleurs, elle admet que le donateur des titres apportés à la holding puisse remplir la fonction de direction durant l’engagement individuel de conservation, même s’il a, depuis la signature de cet engagement, transmis tous les titres qui y sont soumis.

Ce qui ne change pas sur le fond

Pour y accéder, abonnez-vous à notre ouvrage « LE PRATICIEN FACE AU DUTREIL », qui sera très prochainement mis à jour : https://www.resodinfo.fr/produit/praticien-face-a-dutreil/

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