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Dutreil : les pièges de la prépondérance

Parmi les intérêts bien connus du dispositif Dutreil : absence de plafonnement, champ d’application remarquablement large, … figure le principe de prépondérance.

Principe qui permet de « Dutreilliser » des actifs non affectés à l’exploitation éligible.

Pourtant, si extraordinaire soit-il, tout le monde n’en bénéficie pas dans les mêmes conditions.

Rappel du principe

Rappelons que ce principe n’est pas expressément mentionné par l’article 787 B du CGI. Il s’agit d’une tolérance administrative :

BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n°20

Par ailleurs, il n’est pas exigé que ces sociétés exercent à titre exclusif les activités citées au I-A § 10. 

Dans l’hypothèse envisagée de sociétés ayant une activité mixte, il est précisé qu’il n’est pas exigé, pour l’application du dispositif d’exonération partielle, que ces sociétés exercent à titre exclusif une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Dès lors, le bénéfice du régime de faveur ne pourra pas être refusé aux parts ou actions d’une société qui exerce à la fois une activité civile, autre qu’agricole ou libérale, et une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale dans la mesure où cette activité civile n’est pas prépondérante (RM Bobe n° 94047, JO AN du 24 octobre 2006, p. 11064).

Le caractère prépondérant de l’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale s’apprécie au regard de deux critères cumulatifs que sont le chiffre d’affaires procuré par cette activité (au moins 50 % du montant du chiffre d’affaires total) et le montant de l’actif brut immobilisé (au moins 50 % du montant total de l’actif brut).

Une société est propriétaire :

  • D’un fonds de commerce de grande distribution,
  • Des murs abritant l’activité,
  • Et de locaux commerciaux situés dans la zone et loués à des tiers.
Actifs Valorisation Chiffre d’affaires
Fonds de commerce

Locaux d’exploitation

12.000.000

8.000.000

7.000.000

560.000

Locaux loués à des tiers 2.000.000 140.000
Total 22.000.000 7.700.000

Si l’actionnaire unique de cette société réalise une donation au profit de ses enfants, il bénéficiera de l’exonération de 75% sur la totalité de la valeur des titres transmis, et ce, bien que la société détienne des actifs non affectés à son activité éligible.

C’est le miracle du principe de prépondérance, lequel s’entend des activités de la société : si les activités éligibles au dispositif (ici commerciales) sont prépondérantes par rapport aux activités non éligibles (ici civiles – location nue de biens immobiliers), l’intégralité de la valeur des titres transmis sera éligible au dispositif Dutreil.

Critique du champ d’application du principe de prépondérance

Le dispositif Dutreil s’applique aux transmissions de titres de sociétés art 787 B CGI, mais également aux transmissions d’entreprises individuelles art 787 C CGI, auxquelles sont assimilées certaines sociétés unipersonnelles.

L’article 787 C ne connaît pas le principe de prépondérance. Seuls bénéficient de l’exonération les biens affectés à l’exploitation de l’entreprise individuelle.

Dans notre cas, si les actifs étaient détenus en direct, l’exonération s’appliquerait donc non pas à hauteur de 22.000.000 € mais à hauteur de 20.000.000 €.

On mesure mieux ici l’impact du principe de prépondérance :

2M x 75% x 45% = 675.000 € de surcoût.

Certes, à l’inverse, des actifs affectés à l’exploitation d’une entreprise individuelle pourront bénéficier de l’exonération quand bien même ils ne figureraient pas à l’actif du bilan de l’entreprise, ce qui est totalement exclu en société.

Mais quand même… l’impact bénéfique de cette tolérance est sans commune mesure.

Rappelons également que les sociétés unipersonnelles sont assimilées aux entreprises individuelles lorsque le détenteur de titres ne bénéficie pas de l’engagement réputé acquis. C’est la solution pragmatique qu’à trouvé l’administration pour ne pas pénaliser les situations dans lesquelles un engagement collectif est impossible, faute de collectivité.

On voit donc que les entreprises individuelles et les sociétés unipersonnelles de moins de 2 ans ne bénéficient pas du principe de prépondérance des activités éligibles.

Critique des conditions d’application du principe de prépondérance

 

Là aussi, l’administration a cherché à être pragmatique.

A première vue, les deux critères cumulatifs retenus semblent pertinents. Une activité est prépondérante lorsque :

  • Cette activité représente au moins 50% du chiffre d’affaires total,
  • Et que l’actif brut immobilisé affecté à cette activité représente au moins 50% du total de l’actif brut.

L’administration ne dit pas ce qu’il faut entendre par actif brut : comptable ou vénal ?

Le Conseil d’Etat s’est déjà prononcé en retenant la valeur vénale, mais en matière de holding animatrices et sur le fondement d’un autre dispositif (art 150-0 D ter CGI).

Nous recommandons donc de porter à la fois la ceinture et les bretelles : mieux vaut structurer la société de sorte que la prépondérance de l’activité s’exprime à la fois en valeurs bilantielles et en valeurs vénales.

Ceci dit, deux catégories de contribuables sont moins bien traitées que les autres.

  • Les associés de sociétés endettées

Une société titulaire d’un office notarial comprend deux époux associés, mariés sous le régime de la séparation de biens. La société réalise un chiffre d’affaires moyen de 2.000.000 €.

Les titres sociaux sont valorisés coefficient 0,80 soit 1.600.000 €.

Les époux associés décident d’acquérir un petit immeuble en l’état futur d’achèvement qui comprendra :

  • Leur étude au rez-de-chaussée
  • Et deux niveaux au-dessus comprenant huit appartements à louer nus.

L’acquisition immobilière sera financée à 100% par emprunt.

Ils envisagent tous les deux de consentir une donation d’une partie de leurs titres à leur fille, qui vient de réussir son DSN et qu’ils projettent d’associer.

Leur situation est donc la suivante :

Actifs Chiffre d’affaires Valeur vénale Passifs
Locaux professionnels Néant car non loués 1.200.000 € 1.200.000 €
Locaux d’habitation 105.600 € 4.800.000 € 4.800.000 €
Fonds libéral 2.000.000 € 1.600.000 € Néant

Cette situation traduite en langage « Dutreil » :

Actifs Chiffre d’affaires Valeur vénale brute Valeur vénale nette
Eligibles 2.000.000 € 2.800.000 € 1.600.000 €
Non éligibles 105.600 € 4.800.000 € Néant

L’activité libérale, donc éligible, est prépondérante en chiffre d’affaires mais pas en valeur vénale.

Les titres de la société ne seront donc pas éligibles à l’exonération, même pas partiellement, alors même :

  • Que la valeur nette des actifs non éligibles est de zéro,
  • Et que la valeur nette des titres représente exclusivement des actifs éligibles.

Les associés auront vite fait de contourner le problème, voire même d’en tirer avantage : l’acquisition des locaux d’habitation sera réalisée par une société autre afin de pouvoir en transmettre les titres pour la valeur patrimoniale nette c’est-à-dire au nominal.

L’acquisition des locaux d’exploitation sera réalisée par la société professionnelle. Le principe de prépondérance permettra alors :

  • Non seulement d’obtenir l’exonération Dutreil sur 100% de la valeur des titres transmis,
  • Mais également d’imputer la dette correspondant aux frais d’acquisition des locaux professionnels sur la valeur du fonds libéral.
  • Les promoteurs et marchands de biens

Monsieur PLAZZO, agent immobilier, apporte les titres de sa société d’exploitation à une holding, puis la holding revend moins de 3 ans après ses titres de participation pour un prix net d’IS de 5.000.000 €.

Il décide d’affecter l’intégralité de la trésorerie de sa société à des opérations de promotion immobilière.

Il conserve quelques queues de programmes.

4 ans plus tard, la situation de sa société se présente comme suit :

Actifs Chiffre d’affaires annuel moyen
3 appartements loués nus 630.000 € 36.000 €
Trésorerie et stocks (opérations de promotion) 5.000.000 € 1.000.000 €

Monsieur PLAZZO souhaite consentir une donation en nue-propriété à ses enfants dans le cadre du dispositif Dutreil.

Sa société ayant désormais deux activités (promotion = éligible / location nue = non éligible), il y a lieu d’appliquer le principe de prépondérance :

  • Chiffre d’affaires : prépondérance de l’activité éligible,
  • Actifs bruts immobilisés: prépondérance de l’activité non éligible car la valorisation principale des actifs correspond à des stocks et de l’actif circulant.

La donation de titres ne bénéficiera pas de l’exonération !

Si la société cède les queues de programmes, elle n’exercera plus aucune autre activité que celle éligible.

La valeur totale des titres bénéficiera alors de l’exonération, sous réserve du respect des autres conditions et notamment de la poursuite de l’activité tout au long de la durée des engagements.

Que peut-on en conclure ?

Il serait indécent de se plaindre des conditions d’application d’un principe qui constitue l’un des intérêts majeurs du dispositif.

Par-contre, Conseils, attention à votre responsabilité.

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