L’exonération partielle est invoquée au titre de la transmission d’une entreprise individuelle agricole. L’administration estime qu’une partie de la trésorerie n’est pas affectée à l’exploitation. La Cour de cassation se prononce.
La décision
Un exploitant agricole en nom propre décède en 2012, laissant pour légataires universels ses neveu et nièce, lesquels requièrent le bénéfice de l’exonération Dutreil en vertu de l’article 787 C du CGI.
L’administration écarte l’application de l’exonération à des éléments intégrés à tort dans la valeur de l’exploitation agricole comme non nécessaires à l’exercice de la profession : des valeurs mobilières de placement pour 90.000 € environ et des sommes provenant de la succession de l’épouse prédécédée du défunt pour 115.000 € environ.
Les contribuables réagissent : bénéficient de l’exonération tous les biens affectés à l’exploitation, et non pas seulement les biens strictement nécessaires à celle-ci. Il appartient à l’administration de prouver que les liquidités figurant à l’exploitation n’étaient pas affectées à cette dernière.
Dans une décision n°20-10753 du 9 février 2022, la Chambre commerciale de la Cour de cassation donne raison à l’administration : l’inscription d’actifs au bilan en fait présumer leur affectation à l’exploitation de l’entreprise mais l’administration a la faculté de rapporter la preuve qu’ils ne sont pas nécessairement et effectivement affectés à celle-ci. La Cour d’appel avait relevé divers éléments permettant de justifier de la non-affectation :
- Les sommes provenant de la succession de l’épouse ont été déposées par le défunt sur un compte personnel et aucun élément ne démontre que ce dernier, âgé de 86 ans, avait prévu des modifications dans la gestion de l’entreprise,
- Les sommes litigieuses n’ont été mentionnées à l’actif du bilan qu’après le décès,
- Il résulte de l’analyse des besoins de trésorerie de l’entreprise sur les trois derniers exercices que celle-ci disposait de liquidités très supérieures à ses charges courantes d’exploitation.
Ce qu’il faut retenir
Il s’agissait en l’espèce de la transmission d’une entreprise individuelle. Rappelons pour commencer que le champ d’application de l’exonération n’est pas le même selon que les biens transmis sont des titres de société ou une entreprise individuelle.
En matière de sociétés exploitantes (c’est différent pour une société interposée), la valeur totale des titres est éligible à l’exonération dès lors que l’activité prépondérante est commerciale, agricole, artisanale, …
En matière d’entreprises individuelles, l’exonération ne s’applique qu’à la valeur correspondant à des biens affectés à l’exploitation. L’inscription ou non au bilan n’est donc pas un critère suffisant.
Les commentaires administratifs précisent : BOI-ENR-DMTG-10-20-40-40 :
« Les biens affectés à l’exploitation sont les biens nécessaires à l’exercice de la profession. Ce critère est donc indépendant de la présence du bien à l’actif du bilan de l’entreprise. Ainsi, les biens non affectés à l’exploitation, tels que des immeubles à usage d’habitation ou des valeurs mobilières (titres de placement), sont exclus du bénéfice de l’exonération partielle, même s’ils figurent à l’actif du bilan de l’exploitation individuelle. »
La trésorerie n’est donc éligible qu’à concurrence du montant utile à l’activité (CA de Pau 16/03456 du 19 novembre 2019, position confirmée par le présent arrêt).
Ce sujet n’est pas théorique, l’existence de trésorerie excédentaire est un sujet récurrent en matière de transmission d’entreprises.
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