Une société se porte acquéreur de l’usufruit de droits sociaux. L’administration fiscale lui réclame le droit proportionnel. La Cour de cassation enfonce le clou en reprenant presque mot pour mot une décision récente.
La décision
En septembre 2010, les membres de la famille N, associés de la SCI GJH, ont conclu avec la société CAS une convention destinée à permettre le financement de la construction, sur un terrain appartenant à la SCI, d’un immeuble devant être donné en location à CAS. Il était convenu notamment de constituer au profit de la société CAS un usufruit temporaire de parts de la SCI.
En décembre 2013, soutenant que les actes passés réalisaient une cession d’usufruit de parts sociales taxable aux droits d’enregistrement au taux proportionnel, l’administration fiscale notifie à CAS une proposition de rectification portant rappel de droits.
Le contribuable forme un pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel – Colmar 7 novembre 2019.
La Cour de cassation – Chambre commerciale, 4 janvier 2023, 20-10.112, Inédit – lui donne raison :
« Pour rejeter la demande de la société CAS en décharge des droits d’enregistrement, l’arrêt retient que l’opération litigieuse, vue sous l’angle des rapports entre les associés de la société GJH et la société CAS, réalise une cession de la valeur de l’usufruit des parts sociales de la société GJH, entrant dans le champ d’application de l’article 726, I, 2°, du code général des impôts.
En statuant ainsi, alors que la cession de l’usufruit de droits sociaux, qui n’emporte pas mutation de la propriété des droits sociaux, n’est pas soumise au droit d’enregistrement applicable aux cessions de droits sociaux, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »
Décryptage
Dans un arrêt du 30 novembre dernier, la Cour suprême avait déjà pris la même position, dans un attendu similaire.
Voir notre article :
Nous avions alors commenté : la Cour de cassation constate que l’usufruitier n’a pas la qualité d’associé, et en tire les conséquences en matière de droits d’enregistrement.
Le raisonnement est le suivant :
– l’article 726 du CGI soumet à un droit d’enregistrement proportionnel les cessions de droits sociaux,
– il résulte de l’article 578 du Code civil que l’usufruitier n’a pas la qualité d’associé, de sorte que la cession de l’usufruit de droits sociaux ne peut être qualifiée de cession de droits sociaux.
– la cession de l’usufruit de droits sociaux, qui n’emporte pas mutation de la propriété des droits sociaux, n’est pas soumise au droit d’enregistrement applicable aux cessions de droits sociaux.
Par défaut, une telle cession est donc soumise au droit fixe des actes innomés (article 680 du CGI : « Tous les actes qui ne se trouvent ni exonérés, ni tarifés par aucun autre article du présent code et qui ne peuvent donner lieu à une imposition proportionnelle ou progressive sont soumis à une imposition fixe de 125 €. »).
Nous maintenons notre conclusion : il est probable que le législateur réagisse …
Pour consulter la décision :