Lors de la création de l’IFI, le législateur a dû définir dans quelles conditions la quote-part taxable des titres de sociétés serait déterminée.
Plusieurs méthodes se présentaient à lui. Il a tranché pour la méthode qui semble à première vue la plus défavorable au contribuable mais la question est beaucoup plus subtile.
Dans une RM du 10 janvier 2019, le ministre l’exprime de manière laconique. Nous vous proposons de décrypter.
La méthode retenue…
Prenons l’exemple d’une société à l’IR détenue à 100% par une personne physique :
Actif en valeurs vénales | Passif | ||
Immobilier taxable à l’IFI |
100 |
Compte courant d’associé |
40 |
Valeurs mobilières |
100 |
Néant |
0 |
Total |
200 |
Total |
40 |
Le compte courant d’associé a servi à financer l’acquisition d’immobilier imposable à l’IFI de l’associé unique.
La valeur des titres de l’associé est de 200 – 40 = 160.
Quelle quote-part de cette valeur est taxable à l’IFI ?
Aux moins 3 méthodes étaient à la disposition du législateur :
1ère méthode : ne pas tenir compte de la société :
Actif taxable = 100 dans la mesure où le passif n’est pas déductible, à moins :
– de prouver que la dette a été contractée à des conditions normales (limitation de la déductibilité si on assimile totalement à la détention directe d’immobilier), auquel cas l’actif taxable sera de 100 – 40 = 60.
– ou de prouver que la dette n’a pas été contractée dans un but principalement fiscal (limitation de la déductibilité dans le cadre de sociétés), auquel cas l’actif taxable sera de 100 – 40 = 60.
2ème méthode :
L’immobilier représente 100 pour une valeur totale des titres de 160, soit :
Immobilier 100 / valeur nette des parts 160 x pourcentage détenu 100 = 62,5 taxables.
3ème méthode retenue par l’article 965 2° CGI :
L’immobilier représente 100 pour une valeur totale des actifs de 200 soit 50%. Ce coefficient est alors appliqué à la valeur nette de la société : 160 x 50% = 80 taxables.
A première vue, la méthode retenue (3ème) est la plus défavorable au contribuable.
C’est d’ailleurs certainement la raison de la question posée au ministre.
…est-elle toujours défavorable au contribuable ?
Parfois oui
Actif en valeurs vénales | Passif | ||
Immobilier taxable à l’IFI |
100 |
Néant |
0 |
Travaux sur l’immobilier taxable |
200 |
Compte courant associé |
200 |
Total |
300 |
Total |
200 |
Dans notre exemple, le passif n’est pas déductible dans le cadre de l’IFI à moins que le contribuable ne parvienne à prouver que l’apport en compte courant n’a pas été réalisé dans un but principalement fiscal.
L’immobilier taxable représente donc 300 sur une valeur totale des actifs de 300 soit un coefficient de 100%.
Ce coefficient appliqué à la valeur nette des parts au sens de l’IFI = 100% x 300 = 300.
Dans le pire des cas, la valeur des titres taxables à l’IFI sera donc de 300 compte tenu de la méthode retenue par le législateur.
Parfois non
Actif en valeurs vénales | Passif | ||
Valeurs mobilières |
200 |
Compte courant d’associé |
200 |
Immobilier taxable à l’IFI |
100 |
Néant |
0 |
Total |
300 |
Total |
200 |
La valorisation nette des parts de la société au sens de l’IFI sera de 300 – 200 = 100.
Le passif n’étant pas afférent à l’immobilier mais ayant servi à financer l’acquisition de valeurs mobilières, il est déductible dans la valorisation IFI des parts de l’associé.
L’immobilier représente 100 sur 300 d’actifs soit 1/3 soit :
Valorisation nette des parts au sens de l’IFI 100 x coefficient 1/3 = 33 taxables.
L’immobilier ne sera taxable que pour 33 alors qu’il ressort en valeur patrimoniale nette à 100.
Si en plus l’associé cède ses titres, la plus-value sera taxable à 30% maximum, la société étant à prépondérance mobilière, et non pas à 34,5% en début de détention si la société était à prépondérance immobilière.
Une certitude revient dans tous les cas : si le passif social n’est pas lié à l’immobilier taxable à l’IFI, on a toujours intérêt à détenir l’immobilier via une société.
Maintenant, place à l’ingénierie patrimoniale…
Rép. min. n° 5534 : JO Sénat 10 janv. 2019, p. 140
Quelles sont les modalités de détermination de la fraction imposable à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) de la valeur des parts ou actions détenues par un redevable représentative, directement ou indirectement, de biens ou droits immobiliers imposables ?
« Le deuxième alinéa du 2° de l’article 965 du CGI précise les modalités de détermination de la fraction imposable à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) de la valeur des parts ou actions détenues par un redevable représentative, directement ou indirectement, de biens ou droits immobiliers imposables. Pour déterminer cette fraction, il est appliqué à la valeur des parts ou actions détenues par le redevable, déterminée conformément aux dispositions de l’article 973 du CGI, un coefficient correspondant au rapport entre, d’une part, la valeur vénale réelle des biens ou droits immobiliers imposables et, le cas échéant, la valeur des parts ou actions représentative de ces mêmes biens et, d’autre part, la valeur vénale réelle de l’ensemble des actifs de la société ou de l’organisme dont le redevable détient des parts ou actions. Le BOI-PAT-IFI-20-20-20-10 (8 juin 2018) commente ces dispositions en illustrant les modalités de calcul associées, notamment à ses § 110 et suivants concernant le cas d’une chaîne de participation comportant plusieurs sociétés ou organismes. La méthode alternative de calcul proposée, consistant à multiplier la valeur du bien immobilier imposable par le pourcentage de participation indirecte du redevable dans la société ou l’organisme qui le détient, ignorerait les éléments qui affectent la valeur réelle des parts ou actions détenues par le redevable et donc la fraction de ces parts représentative des biens ou droits immobiliers imposables. Elle pourrait par exemple conduire à une assiette imposable plus élevée que ce qui résulte aujourd’hui de la loi en cas d’endettement important. Enfin, les règles actuelles sont conformes à l’exigence constitutionnelle de prise en compte des facultés contributives en ce qu’elles n’incluent dans le patrimoine immobilier imposable du redevable que la fraction de la valeur des parts ou actions qu’il détient représentative de biens ou droits immobiliers sous-jacents. Intégrer directement dans le patrimoine imposable du redevable la valeur du bien immobilier sous-jacent se heurterait au contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel (Cons. const., 29 déc. 2012, n° 2012-662 DC, cons. 96) ».