Des obligations remboursables en actions (ORA) peuvent-elles être exonérées, au titre des biens professionnels, d’impôt sur la fortune ? La Cour de cassation se prononce.
La décision
M. X est associé d’une holding, laquelle a souscrit des obligations remboursables en actions (ORA) émises par une SAS, dont M. X est dirigeant.
En 2015, l’administration fiscale adresse à M. et Mme X une proposition de rectification portant notamment rappel d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), remettant en cause l’exonération, au titre des biens professionnels, de la valeur des titres de la holding à concurrence de la valeur réelle de l’actif brut de cette société correspondant aux ORA qu’elle avait souscrites auprès de la SAS.
M. et Mme X forment un pourvoi contre l’arrêt – CA PARIS, 1er mars 2021 – n° 19/15100 – ayant rejeté leur demande de décharge de droits, invoquant que la nature juridique et financière particulière des ORA ne saurait être analysée comme des titres de créances chez leur détenteur, dès lors qu’elles constituent des fonds propres de l’entreprise à compter de leur émission, puisqu’elles seront transformées obligatoirement en actions.
La Cour de cassation – Cass. com., 14 février 2024, 22-16.954, Publié au bulletin – rejette le pourvoi : « les ORA émises par une société soumise à l’impôt sur les sociétés dans laquelle le redevable exerce ses fonctions ne constituent pas des parts ou actions de cette société et, par conséquent, ne sont pas susceptibles d’être considérées comme des biens professionnels. »
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Décryptage
Les obligations remboursables en actions (ORA) sont des titres de créance qui donnent accès au capital social, leur remboursement s’effectuant obligatoirement par attribution d’actions (sauf en cas de défaillance de l’émetteur).
La question de la nature de ces valeurs mobilières (obligations ou actions) n’est pas nouvelle.
Selon certains auteurs, le titulaire d’ORA n’étant pas créancier d’une somme d’argent mais créancier d’actions, ces valeurs mobilières sont dès l’origine des actions futures, libérées par anticipation.
Cette analyse n’a pas convaincu la Cour de cassation qui, dès 1995, en matière de droit de vote, énonçait que « les ORA sont, avant leur remboursement, soumises aux dispositions des articles 284 et suivants de ladite loi » (Cass. com., 13 juin 1995, 94-21.003 94-21.436, Publié au bulletin).
Avant leur remboursement, les ORA ne sont donc pas des actions mais des obligations.
Or, la Cour de cassation a précisé que « des obligations qui ne sont pas des participations au capital de sociétés ne constituent pas des biens professionnels au sens de l’article 885-O du Code général des Impôts » (Cass. com., 15 février 1994, 91-22.140, Inédit). Solution rendue en matière d’IGF, transposable en matière d’ISF (BOI-PAT-ISF-30-30-40-10 n° 200).
Les ORA, en tant qu’obligations, ne devaient donc pouvoir constituer des biens professionnels bénéficiant de l’exonération d’ISF.
C’est la solution ici énoncée par la Cour de cassation : « les ORA émises par une société soumise à l’impôt sur les sociétés dans laquelle le redevable exerce ses fonctions ne constituent pas des parts ou actions de cette société et, par conséquent, ne sont pas susceptibles d’être considérées comme des biens professionnels. »
Cet arrêt, rendu en matière d’ISF, doit être transposable en matière d’IFI.
En effet, l’article 885 O bis du CGI en matière d’ISF énonçait : « Les parts et actions de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option, sont également considérées comme des biens professionnels si leur propriétaire remplit les conditions suivantes : (…) ».
L’article 975 du CGI en matière d’IFI reprend cette notion de « parts et actions ».