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LA COMMUNAUTE DOIT-ELLE SUPPORTER DEFINITIVEMENT LES DETTES CONTRACTEES PAR UN EPOUX SEUL AVANT LE PASSAGE EN COMMUNAUTE UNIVERSELLE ?

Monsieur souscrit un emprunt immobilier sans le consentement de son épouse. Puis le couple passe en communauté universelle, avant de divorcer. La charge de la dette incombe-t-elle au patrimoine commun ? La Cour de cassation tranche.

La décision

Deux époux se marient sans contrat avant 1999, adoptent le régime de la communauté universelle en 2005, puis divorcent en 2015.

Monsieur avait souscrit seul un emprunt bancaire en 1999 pour financer l’acquisition de leur résidence secondaire.

Suite à des incidents de paiement, la banque l’assigne en remboursement.

Madame fait grief à l’arrêt – CA Nîmes 1ère Chbre civile 18 février 2021 – de refuser de limiter les recours de la banque uniquement aux biens propres de Monsieur, alors :

  • Qu’elle n’a pas consenti au prêt au sens de l’article 1415 du Code civil,
  • Et que le juge n’a pas vérifié si l’acte de changement de régime ne contenait pas de stipulations spécifiques aux passifs.

La Cour de cassation – Cass. Civ. 1 17 janvier 2024 n°22-10.274 – la déboute :

« … 5. Après avoir rappelé que les époux avaient adopté, en 2005, le régime de la communauté universelle, lequel renvoyait aux dispositions de l’article 1526 du code civil, selon lequel toutes les dettes des époux, présentes et futures y compris personnelles, sont supportées définitivement par la communauté universelle, la cour d’appel a retenu que M. [S] était fondé, dans ses rapports avec Mme [E], pour la liquidation de la communauté, à demander que la décision à intervenir soit déclarée commune et opposable à celle-ci.

6. Ayant ainsi fait ressortir qu’elle n’était saisie que d’une demande au titre de la contribution à la dette et au passif définitif de la communauté universelle, la cour d’appel, qui n’était pas tenue, en l’absence de demande de la banque contre Mme [E], de procéder à une recherche inopérante concernant l’obligation à la dette, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision de rejeter la demande de celle-ci tendant à voir juger, de façon également inopérante, que la condamnation au bénéfice de la banque ne pourra être recouvrée que sur les biens « propres » de M. [S].

7. Le moyen ne peut donc être accueilli. »

Pour consulter la décision :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049052986?page=1&pageSize=10&query=22-10.274&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=juri&typePagination=DEFAULT

Décryptage

En l’espèce, M. demandait à ce que la décision du juge du fond à intervenir concernant l’emprunt soit déclarée commune et opposable à Mme, qui n’avait pas été mise en cause par la banque. Il s’agissait d’intégrer le passif éventuel à la liquidation de la communauté.

Pour s’y opposer, l’épouse invoquait que, en vertu de l’article 1415 du Code civil, n’ayant pas donné son consentement à l’emprunt, seuls les biens propres de M. pouvait être engagés.

Elle est déboutée car elle invoque des règles relatives à l’obligation à la dette alors que la question posée était celle de la contribution à la dette.

Pour rappel :

  • l’obligation à la dette concerne les rapports entre les époux et le créancier :  il s’agit de savoir sur quelle(s) masse(s) de biens (biens communs/biens propres de chacun des époux) porte le droit de poursuite du créancier ;
  • la contribution à la dette concerne les rapports des époux entre eux : il s’agit de savoir quel patrimoine va supporter de manière définitive la dette.

Les époux étant soumis au régime de la communauté universelle, il est fait référence à l’article 1526 du Code civil qui précise que « La communauté universelle supporte définitivement toutes les dettes des époux, présentes et futures. »

Mais la solution aurait été la même si les époux étaient restés soumis au régime légal, en vertu de l’article 1409 du Code civil. Par principe, toutes les dettes font partie du passif définitif de la communauté, sauf à justifier de leur caractère propre.

Ce n’est pas parce qu’un emprunt a été souscrit par un époux seul, sans le consentement de son conjoint, et ne peut à ce titre être recouvré que sur ses biens propres et ses revenus (question de l’obligation à la dette), que ce même emprunt ne figurera pas au passif définitif de la communauté (question de la contribution à la dette). Pour l’exclure du passif commun, il doit avoir été souscrit dans l’intérêt personnel de l’époux. 

En ce sens, la Cour de cassation a déjà précisé que « attendu qu’en vertu de l’article 1409 du code civil, la communauté se compose passivement, à titre définitif ou sauf récompense, des dettes nées pendant la communauté et que celles résultant d’un emprunt contracté par un époux sans le consentement exprès de l’autre doivent figurer au passif définitif de la communauté dès lors qu’il n’est pas établi qu’il a souscrit cet engagement dans son intérêt personnel » (Cass. civ.1, 19 septembre 2007, 05-15.940, Publié au bulletin – voir également Cass. civ.1, 5 décembre 2018, 16-13.323, Publié au bulletin).

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