Un emprunteur reproche au juge d’ordonner l’adjudication d’un immeuble au premier défaut de remboursement, sans s’assurer que la clause n’est pas abusive. La Cour de cassation intervient.
La décision
A la suite du défaut de paiement d’échéances de son prêt par l’emprunteur, une banque obtient du Tribunal de l’exécution forcée la vente par adjudication des immeubles affectés hypothécairement.
L’emprunteur reproche à l’arrêt d’appel – CA COLMAR 4 mars2011 – d’ordonner l’adjudication immobilière en vue d’obtenir le paiement de la dette, au motif qu’est abusive la clause du prêt conclu entre un prêteur professionnel et un consommateur par laquelle le créancier s’autorise, en raison d’un manquement du débiteur à son obligation de rembourser une seule échéance du prêt au jour prévu, de prononcer la déchéance du terme sans mise en demeure préalable et immédiatement, sans préavis d’une durée raisonnable ni mécanisme de nature à permettre la régularisation d’un tel retard de paiement.
La Cour de cassation – civile, Chambre civile 1, 22 mars 2023, 21-16.476, Publié au bulletin – lui donne raison :
« Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L’appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat, pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.
… Pour ordonner la vente forcée de l’immeuble et fixer à une certaine somme la créance de la banque, l’arrêt retient que la somme réclamée par celle-ci au titre du capital restant dû et des échéances échues impayées est exigible en application de la clause des conditions générales du contrat de prêt qui, en cas de défaillance de l’emprunteur, prévoit l’exigibilité immédiate des sommes dues au titre du prêt.
En statuant ainsi, sans examiner d’office le caractère abusif d’une telle clause autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues au titre du prêt en cas de défaut de paiement d’une échéance à sa date, sans mise en demeure ou sommation préalable ni préavis d’une durée raisonnable, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
Décryptage
La Cour suprême fonde sa décision sur la jurisprudence de la CJUE selon laquelle :
- Le juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle et que, lorsqu’il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l’applique pas, sauf si le consommateur s’y oppose (CJCE 4 juin 2009 C-243/08).
- Le caractère abusif d’une clause de déchéance du terme pour manquement par le débiteur à ses obligations pendant une période limitée s’apprécie au regard du caractère essentiel ou non dans le rapport contractuel en cause, de la faculté laissée au professionnel, et des conditions de mise en oeuvre de la sanction (CJUE 26 janvier 2017 C-421/4).
- Le caractère abusif s’apprécie également au regard de l’importance et de la légitimité du déséquilibre significatif que créé la clause au détriment du consommateur (CJUE 8 décembre 2022 C-600/21).
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