L’exploitant d’une entreprise individuelle exerçant une activité de loueur en meublé demande l’annulation des commentaires administratifs excluant du bénéfice de l’exonération Dutreil les « activités de location de locaux meublés à usage d’habitation ». Le Conseil d’Etat se prononce.
La décision
M. B demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet que le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a opposée à sa demande en date du 23 janvier 2023 tendant à l’abrogation du paragraphe n° 15 des commentaires administratifs publiés le 21 décembre 2021 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 en tant que ces commentaires précisent que sont exclues du bénéfice du régime institué par l’article 787 B du code général des impôts » les activités de location de locaux meublés à usage d’habitation » ;
2°) d’annuler dans la même mesure les commentaires contestés ;
Le Conseil d’Etat – CE, 29 septembre 2023, n° 473972, Mentionné dans les tables du recueil Lebon -, même s’il n’annule pas le BOFIP à ce stade, lui donne raison sur le principe :
« 5. M. B… est donc fondé à demander l’annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a refusé d’abroger le paragraphe n° 15 des commentaires administratifs cité plus haut en ce qu’il précise que les activités de location de locaux meublés à usage d’habitation sont exclues du bénéfice du régime institué par l’article 787 B et, par renvoi, par l’article 787 C du code général des impôts.
6. Les commentaires en litige ayant été mis en ligne sur le site » bofip.impots.gouv.fr » le 21 décembre 2021, les conclusions de M. B… tendant à leur annulation, fût-ce par voie de conséquence de l’annulation de la décision attaquée, sont en revanche tardives et, par suite, irrecevables. »
Pour consulter la décision :
Décryptage
Aux termes des articles 787 B (transmission de titres de société) et 787 C du CGI (transmission d’entreprise individuelle), l’exonération partielle « Dutreil » s’applique si l’activité est industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
Depuis 2021, la doctrine administrative précise concernant l’article 787 B du CGI, que :
« sont considérées comme activités commerciales les activités mentionnées à l’article 34 du CGI et à l’article 35 du CGI, à l’exclusion des activités de gestion par une société de son propre patrimoine immobilier. »
Elle exclut expressément du bénéfice de l’exonération les « activités de location de locaux meublés à usage d’habitation ». BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 15
Ces commentaires sont également applicables à l’article 787 C du CGI, par renvoi : BOI-ENR-DMTG-10-20-40-40 n° 15 :
« L’activité de l’entreprise individuelle doit être industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
Pour plus de précisions sur cette notion, il convient de se reporter aux commentaires figurant au I-A-2 § 15 et suivants du BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10. »
La question de l’éligibilité ou non de la location meublée à l’exonération Dutreil fait débat depuis longtemps.
Récemment, la Cour de cassation a retenu que l’activité commerciale au sens de l’article 787 B du CGI doit s’entendre de toute activité relevant des BIC. A ce titre, la location meublée serait éligible au dispositif Dutreil.
Pour plus de précisions sur cette décision, vous pouvez consulter :
Concernant une reconnaissance implicite, vous pouvez également consulter :
La logique retenue par le Conseil d’Etat est différente : s’il n’exclut pas, par principe, l’éligibilité de la location meublée à l’exonération Dutreil, il ne fait pas de son éligibilité un principe :
« D’une part, le fait de donner habituellement en location des locaux d’habitation garnis de meubles ne saurait être systématiquement regardé, pour l’application de la loi fiscale, comme une activité civile dépourvue de caractère commercial. »
On comprend que si la location meublée est en principe une activité civile, elle peut, au regard des modalités d’exploitation, constituer une activité commerciale, qui est alors éligible à l’exonération Dutreil.
Le Conseil d’Etat ne précise pas à ce stade quels critères permettent de déterminer si une activité de location meublée constitue une activité civile ou commerciale, si ce n’est que l’activité doit être exercée à titre habituel.
Pour rappel, en matière d’apport-cession, le Conseil d’Etat (CE, 19 avril 2022, n° 442946) a retenu qu’« une activité de loueur en meublé ne peut être regardée comme un investissement à caractère économique que si cette activité de location est effectuée par le propriétaire dans des conditions le conduisant à fournir une prestation d’hébergement ou si elle implique pour lui, alors qu’il en assure directement la gestion, la mise en œuvre d’importants moyens matériels et humains ».
Pour plus de précisions sur cette décision :
Notons enfin que le Conseil d’Etat prend le soin de souligner que « si le législateur a précisé que, pour l’application des dispositions relatives à l’impôt sur la fortune immobilière, comme du reste pour d’autres régimes fiscaux, une activité de gestion de son propre patrimoine immobilier n’est pas considérée comme une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, aucune disposition de portée similaire ne permet, en revanche, de dénier de manière générale à la location de locaux meublés à usage d’habitation le caractère d’activité commerciale au sens des articles 787 B et 787 C du code général des impôts ».
Il rappelle ainsi incidemment au législateur qu’il peut exclure la location meublée (attention toutefois qu’en matière d’IFI, ce n’est pas la location meublée qui est expressément exclue mais « l’activité de gestion de son propre patrimoine immobilier » ce qui ne va pas sans poser des questions d’interprétation, notamment au regard des modalités d’exploitation).
Comme nous l’indiquions concernant l’arrêt de la Cour de cassation du 1er juin 2023, on ne peut pas exclure une réaction législative.
Rappelons également quelques tempéraments pratiques : prépondérance de l’activité éligible pour une société, exercice de son activité professionnelle principale si la société est une société de personnes visée à l’article 8 du CGI ou à l’article 8 ter du CGI, …
Vous retrouverez prochainement :
– une mise à jour de l’abonnement « LE PRATICIEN FACE AU DUTREIL »
– Une nouvelle version de l’ouvrage : La location meublée est-elle éligible au « DUTREIL » ?