Un notaire commet une faute à l’origine de l’annulation d’un cautionnement hypothécaire. Sans mettre en œuvre les autres garanties dont il dispose, le créancier demande indemnisation du préjudice subi du fait de la perte de la garantie. La Cour de cassation rappelle les principes de la responsabilité civile.
La décision
En 1992, par acte reçu par Me D, notaire, une banque consent à M. et Mme E une ouverture de crédit, avec le cautionnement hypothécaire de la société D et d’un GFA après autorisation donnée par AGE tenue en l’étude du notaire. Sont également donnés en garantie le cautionnement de plusieurs personnes physiques et le nantissement des parts détenues par ces dernières ainsi que par les emprunteurs dans la société D et le GFA.
Suite à la liquidation judiciaire de l’un des emprunteurs, la créance de la banque est admise en 2002 pour la somme de 6 M€. Un arrêt de 2010 annule le PV de l’AGE du GFA et l’engagement de caution hypothécaire de ce dernier.
La banque assigne le notaire en responsabilité et indemnisation du préjudice subi du fait de la perte de la garantie, soutenant que celui-ci avait commis une faute à l’origine de l’annulation du cautionnement.
Le notaire, condamné à payer à la banque la somme de 3,5 M€, conteste ce montant, invoquant que l’hypothèque annulée n’était prise qu’en second rang.
La Cour de cassation – Cass. civ. 1, 4 juillet 2019, n° 18-16.138, Inédit – lui donne raison :
« Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la banque aurait pu être payée de la totalité de sa créance nonobstant l’inscription d’un créancier de premier rang, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ».
Sur renvoi, la Cour d’appel – CA REIMS, 14 septembre 2021, n° 19/01810 – refuse toute indemnisation, estimant que la banque n’a pas fait la preuve de la certitude de son préjudice à défaut de justifier de l’impossibilité définitive de recouvrer tout ou partie de sa créance directement auprès des débiteurs principaux ou par le biais des autres sûretés instrumentées par le notaire.
La banque forme un pourvoi invoquant « que le notaire qui a mis par sa faute un créancier dans une situation désavantageuse en lui faisant perdre le bénéfice d’une sûreté doit en supporter les conséquences préjudiciables, même si la victime, en sa qualité de créancier, dispose en théorie d’actions contre d’autres personnes pour compenser la perte de cette sûreté ».
La Cour de cassation – Cass. civ. 1, 1er mars 2023, n° 21-24.166, Publié au bulletin – rejette le pourvoi :
« Ayant retenu que la banque disposait, pour le recouvrement de sa créance, contre la co-empruntrice et contre les cautions personnelles, de recours qu’elle n’avait pas mis en oeuvre et qui n’étaient pas la conséquence de la situation dommageable imputée à la faute du notaire, la cour d’appel en a exactement déduit que le préjudice allégué n’était pas actuel et certain. »
Pour consulter la décision :
Décryptage
Cet arrêt est l’occasion de rappeler les grandes lignes de la responsabilité civile qui n’est engagée que si trois éléments sont réunis :
– un fait générateur, généralement une faute,
– un dommage ou préjudice,
– et un lien de causalité directe entre les deux.
Tout préjudice n’emporte pas droit à réparation. La jurisprudence considère que le préjudice doit être personnel, direct et certain (Cass. civ.2, 16 avril 1996, n° 94-13.613, Publié au bulletin).
Ici la faute du notaire était établie. Restait donc à justifier d’un préjudice et d’un lien de causalité entre préjudice et faute, pour pouvoir prétendre à une indemnisation.
La banque disposant d’autres garanties qu’elle n’avait pas mises en œuvre, elle pouvait encore être remboursée. Le préjudice allégué n’étant pas certain, le droit à réparation n’était pas ouvert.