Dans une SARL composée de deux associés cogérants, le majoritaire peut-il décider seul de révoquer l’autre de ses fonctions ? La Cour de cassation se prononce.
Problématique et solution
Le capital de la SARL FIMAR est détenu par deux frères : M. C à concurrence de 50,04% et par M. R à concurrence de 49,96%, tous les deux cogérants.
Puis M. C convoque une assemblée générale qui décide la révocation de M. R de ses fonctions de gérant ainsi que l’octroi d’une prime exceptionnelle à M. C.
M. R demande l’annulation de cette assemblée et son rétablissement dans ses fonctions aux motifs :
- que la convocation a été réalisée dans l’urgence et dans un lieu éloigné du siège afin de l’empêcher de participer à l’AG. En effet, M. R est domicilié, comme la société, en Guadeloupe. L’AG est convoquée à PARIS.
- que la présence d’au moins deux associés était requise pour la validité de la décision en vertu des statuts : « les décisions relatives à la nomination ou à la révocation de la gérance doivent être prises par des associés représentant plus de la moitié des parts sociales, sans que la question puisse faire l’objet d’une seconde consultation à la simple majorité des votes émis ».
- que l’attribution d’une prime à un gérant également associé constitue une convention réglementée soumise à la procédure de l’article L 223-19 du Code de commerce.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation tranche, dans un arrêt n°19-12057 du 31 mars 2021 :
- Dans le silence des statuts, le lieu de réunion des AG d’une SARL est fixé par l’auteur de la convocation. Cette décision ne peut être remise en cause que si elle constitue un abus de droit, ce qui n’est pas le cas ici, M. R étant en métropole à l’époque de l’AG et aucun élément probant ne venant confirmer une intention malveillante.
- Il résulte de l’article L 223-29 du Code de commerce, que « dans les assemblées …, les décisions sont adoptées par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales », à moins que les statuts n’imposent une majorité plus forte. Par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, la Cour d’appel a retenu qu’il est communément admis que la décision de révocation d’un gérant minoritaire associé d’une SARL, lorsqu’elle ne comporte que deux associés, peut résulter du seul vote de l’associé possédant plus de la moitié des parts sociales. Le terme « des associés » est un terme générique qui n’impose pas la présence d’au moins deux associés.
- L’octroi d’une prime au gérant est une opération courante qui peut être votée par décision ordinaire des associés. Il ne s’agit pas d’une convention entre ledit gérant et la société mais de la simple fixation d’un élément de sa rémunération. Celui-ci peut donc prendre part au vote.
La morale de l’histoire
C’est dans l’imprécision des statuts qu’a pu germer le contentieux.
Les statuts sont la convention des fondateurs, laquelle convention a vocation à trancher toutes les difficultés possibles. Des statuts impersonnels, c’est-à-dire ne tenant pas compte des particularités de la situation, n’apportent rien.
D’autant plus qu’en SARL, il est désormais possible d’imposer une majorité plus importante qu’une majorité simple, dès lors qu’il ne s’agit pas de l’unanimité.
Cette décision est publiée au bulletin.