Une salariée licenciée par la banque UBS réclame plus de 3.000.000 € d’indemnisation en contrepartie d’informations relatives à des fraudes fiscales fournies avant 2017. L’administration prend les renseignements mais refuse de payer. Le TA de MONTREUIL se prononce.
La décision
Mme Y, salariée de la société UBS France depuis 1999, est licenciée pour motifs économiques en 2012.
Elle communique à l’administration fiscale un ensemble d’informations permettant de mettre à jour le système de fraude fiscale opéré par la banque et ses clients. Elle réclame à ce titre une indemnisation de son rôle d’aviseur fiscal de plus de 3.000.000 €.
L’administration fiscale rejette cette demande par une décision du 23 décembre 2020, au motif que ces renseignements ont été transmis antérieurement au 1er janvier 2017, alors qu’un arrêté du 21 avril 2017 exige qu’ils le soient postérieurement à cette date pour pouvoir donner lieu à indemnisation.
Mme Y demande l’annulation de l’article 4 de cet arrêté du 21 avril 2017 et de ce refus du 23 décembre 2020.
Par un jugement n° 2101809 du 7 juillet 2022, le Tribunal administratif de MONTREUIL lui donne raison en ce qui concerne l’annulation de la décision 23 décembre 2020 :
« … si cet arrêté pouvait, conformément au dernier alinéa de l’article L. 10-0 AC du LPF, fixer les conditions et modalités d’indemnisation des personnes ayant fourni à l’administration fiscale ces renseignements, il ne pouvait, sans méconnaître l’intention du législateur, fixer comme unique condition la date des renseignements fournis en ne tenant pas compte de ce que ceux-ci sont encore exploités par l’administration.Or, à la date de la décision attaquée, l’administration ne conteste pas qu’elle exploitait toujours les renseignement fournis par Mme G Y. Par suite, celle-ci est donc fondée à se prévaloir, par la voie de l’exception, de l’illégalité des dispositions de l’article 4 de l’arrêté du 21 avril 2017 pris pour l’application de l’article 109 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, et à soutenir que le seul motif de la décision en litige, tiré de l’application de ces dispositions, est lui-même illégal.
Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que Mme G Y est fondée à demander l’annulation de la décision du 23 décembre 2020 rejetant sa demande d’indemnisation présentée sur le fondement de l’article L. 10-0-AC du LPF.
… »
Décryptage
La LF 2017 – Loi 2016-1917 du 29-12-2016 art. 109 – a institué à titre expérimental à partir du 1er janvier 2017, la possibilité pour l’administration fiscale d’indemniser toute personne qui lui fournirait des renseignements relatifs à des fraudes en matière de fiscalité internationale.
Cette légalisation d’un système de délation a été pérennisée en 2018 – Loi 2018-898 du 23 octobre 2018 art. 21.
Puis la LF 2019 – 20192019-1479 du 28 décembre 2019 art. 175 – l’a élargi à la TVA, et à titre expérimental à tous types de fraudes pour les manquements supérieurs à 100.000 €.
Il est probable que cette méthode des « petits pas » aboutira à court ou moyen terme à une généralisation pérenne de la dénonciation rémunérée.
Dans son communiqué, le tribunal souligne toutefois qu’il a annulé le refus d’indemnisation opposé à Mme Y sans toutefois juger, contrairement à ce qui a pu être indiqué, que celle-ci a droit à une telle indemnisation. La seule conséquence de ce refus réside dans l’obligation pour l’administration fiscale de procéder à un nouvel examen de sa demande présentée par Mme Y.
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