Un client assigne son CGP suite à la perte de l’avantage fiscal attendu d’un investissement immobilier. Le conseil invoque l’intervention d’un autre professionnel. La Cour de cassation intervient.
La décision
M. et Mme W concluent avec la société H un mandat de recherche de biens immobiliers afin de procéder à un investissement à but de défiscalisation dit « Scellier Pacifique ».
La société H les met en contact avec M. T, conseil en gestion de patrimoine, par l’intermédiaire duquel ils signent un contrat de réservation d’un appartement situé en Nouvelle-Calédonie, investissement éligible au dispositif Scellier Pacifique à la condition d’être résident métropolitain.
Se plaignant de ne pouvoir bénéficier du dispositif en raison de leur nouvelle résidence fiscale en Nouvelle-Calédonie, ils assignent M. T aux fins d’indemnisation.
La Cour d’appel – LYON 28 octobre 2021 n°18/08860 – les ayant déboutés, ils forment un pourvoi.
La Cour de cassation – Cass. civ.3, 8 juin 2023, n° 22-12.302, Publié au bulletin – leur donne raison :
« 7. En statuant ainsi, alors que l’intervention d’un autre professionnel ne saurait dispenser le conseil en gestion de patrimoine de son devoir d’information et de conseil, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
(…)
11. En statuant ainsi, alors que le conseil en gestion de patrimoine, qui doit recueillir auprès de la personne qu’il conseille l’ensemble des éléments lui permettant d’assurer l’adéquation du projet à sa situation, doit informer son client des conditions de succès de l’opération projetée, en particulier quant à la condition de résider fiscalement en métropole pendant toute la durée du dispositif, et des risques qui découlent du défaut de réalisation de ces conditions, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
Pour consulter la décision : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000047700649?init=true&page=1&query=22-12.302&searchField=ALL&tab_selection=all
Décryptage
L’activité de conseil en gestion de patrimoine en elle-même n’est pas réglementée. Seuls le sont les différents statuts que le CGP peut, le cas échéant, adopter (CIF, Carte T, …).
Selon l’Autorité des Marchés Financiers (DOC-2008-23 – AMF) « le conseil en gestion de patrimoine est une activité générique non réglementée, sans définition juridique, qui recouvre généralement pour les professionnels qui s’en réclament un double savoir-faire au service des particuliers et des personnes morales : le conseil en stratégie patrimoniale et le conseil en stratégie d’investissements, financiers et immobiliers. »
Mais l’absence de statut spécifique ne dispense pas le professionnel de la responsabilité civile.
La Cour de cassation se base ici sur la responsabilité délictuelle / extra-contractuelle pour retenir que :
1- l’intervention d’un autre professionnel ne saurait dispenser le conseil en gestion de patrimoine de son devoir d’information et de conseil,
2- le conseil en gestion de patrimoine, qui doit recueillir auprès de la personne qu’il conseille l’ensemble des éléments lui permettant d’assurer l’adéquation du projet à sa situation, doit informer son client des conditions de succès de l’opération projetée, en particulier quant à la condition de résider fiscalement en métropole pendant toute la durée du dispositif, et des risques qui découlent du défaut de réalisation de ces conditions.